M. Stoltenberg : L’Otan a les moyens de « faire face aux futures menaces terroristes » venant d’Afghanistan
Maintenant que les talibans ont pris le pouvoir à Kaboul, la situation en Afghanistan est, pour le moment, encore plus compliquée qu’avant les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, lesquels avaient motivé l’intervention militaire américaine [ainsi que celle de l’Otan] dans ce pays, celle-ci ayant eu notamment pour objectif la destruction des bases tenues par al-Qaïda.
À l’époque, l’opération américaine pouvait s’appuyer sur le « Front uni islamique et national pour le salut de l’Afghanistan » [encore appelé « Alliance du Nord »], qui contrôlait alors la partie septentrionale du territoire afghan. Or, après vingt ans de présence militaire de l’Otan dans ce pays, cette opposition au mouvement taleb n’existe plus désormais…
Lors d’une conférence de presse donnée ce 17 août, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a blâmé les désormais ex-autorités afghanes, qu’il a accusés d’être en quelque sorte les responsables de la situation dans laquelle se trouve maintenant l’Afghanistan.
« Ce que nous avons vu ces dernières semaines, c’est un effondrement militaire et politique avec une rapidité qui n’avait pas été anticipée. Certaines parties des forces afghanes se sont battues courageusement. Mais elles ont été incapables de sécuriser le pays. Parce que, en fin de compte, les responsables politiques afghans n’ont pas réussi à tenir tête aux talibans et à parvenir à la solution pacifique que les Afghans voulaient désespérément », a déclaré M. Stoltenberg. « Cet échec du pouvoir afghan a conduit à la tragédie à laquelle nous assistons aujourd’hui », a-t-il insisté.
Sans doute il y a-t-il une part de vérité dans ce constat… Cela étant, cette explication ne suffit pas à expliquer ce qu’Armin Laschet, le prétendant chrétien-démocrate à la succession d’Angela Merkel, a qualifié de « débâcle historique pour l’Otan ».
En Afghanistan, « initialement conçue pour combattre les divisions mécanisées du Pacte de Varsovie, l’Otan se retrouve enlisée face à une insurrection faiblement armée mais très motivée, et incapable de s’adapter à ce nouveau type de conflit », écrivait ainsi le colonel Michel Goya, en 2011. « Cette crise, tant doctrinale que militaire, trouve ses racines à la fois dans l’évolution des missions confiées à l’Alliance, notamment à partir de 2006, et son expansion vers un contrôle de l’ensemble du pays. Et si les États contributeurs évoquent d’une seule voix la nécessité d’une stratégie commune, fondée sur la gouvernance et la sécurité, les restrictions d’emploi et les questions de politique intérieure réduisent l’efficacité de l’Otan, comme le soulignait le faible nombre de troupes déployées jusqu’à la reprise en main américaine et le plan Obama à partir de 2009 », avait-il ajouté.
Aussi, l’Otan n’échappera pas à un examen de son engagement en Afghanistan. C’est d’ailleurs ce qu’a admis M. Stoltenberg.
« Il faut que nous ayons une évaluation honnête et lucide de l’engagement de l’Otan en Afghanistan. Malgré des investissements et sacrifices considérables de notre part pendant deux décennies, l’effondrement a été rapide et soudain. On peut en tirer de nombreuses leçons », a en effet reconnu l’ancien Premier ministre norvégien.
Dans le même, a-t-il aussi souligné, il « faut aussi admettre les progrès enregistrés » depuis le débit de l’intervention de l’Otan, laquelle visait d’abord à « le pays de servir de refuge au terrorisme international » après le 11 septembre 2001. « En deux deux décennies, il n’y a pas eu d’attaques terroristes organisées depuis l’Afghanistan sur le sol de pays de l’Alliance », a affirmé M. Stoltenberg [sur ce point, on rappellera toutefois que l’organisation Jund al-Khilafah, proche du réseau Haqqani, très actif en Afghanistan, avait revendiqué les attentats commis par Mohammed Merah, en 2012].
Cela étant, a continué M. Stoltenberg, « ceux qui prennent le pouvoir ont la responsabilité de s’assurer que des terroristes internationaux ne s’installent pas à nouveau » en Afghanistan. Pour rappel, les talibans avaient pris cet engagement le 29 février 2020, en signant l’accord de Doha qu’ils venaient de négocier avec les États-Unis.
Reste que, selon les rapports des Nations unies, le réseau al-Qaïda a déjà fait son retour en Afghanistan, dans les pas des talibans. Et il n’est a priori pas le seul… Le président Macron l’a ainsi rappelé lors de son allocution sur l’Afghanistan, le 16 août.
« Des groupes terroristes sont présents en Afghanistan et chercheront à tirer profit de la déstabilisation. Le Conseil de sécurité des Nations unies devra donc apporter une réponse responsable et unie », a en effet affirmé M. Macron, précisant qu’il venait d’échanger « sur ce point avec le Premier ministre [britannique] Johnson ». Et d’insister : « L’Afghanistan ne doit pas redevenir le sanctuaire du terrorisme qu’il a été. C’est un enjeu pour la paix, la stabilité internationale, contre un ennemi commun : le terrorisme et ceux qui le soutiennent. À cet égard, nous ferons également tout pour que la Russie, les États Unis et l’Europe puissent efficacement coopérer, car nos intérêts sont bien les mêmes ».
Durant sa conférence de presse, M. Stoltenberg a soutenu que « les Alliés ont les capacités et la vigilance pour faire face aux futures menaces terroristes en provenance d’Afghanistan ». Est-ce à dire que des actions de contre-terrorisme peuvent être envisagées à l’avenir? À cette question, il a répondu par l’affirmative.
« Les Alliés resteront vigilants et nous avons la capacité de frapper des groupes terroristes à distance si nous revoyons ces groupes terroristes essayer de s’établir, de planifier et d’organiser des attaques contre les pays de l’Otan », a affirmé M. Stoltenberg.
Seulement, le territoire afghan étant enclavé, planifier des interventions contre des groupes terroristes sera compliqué… À moins que le Pakistan donne son accord à d’éventuelles frappes aériennes [ce qui est loin d’être gagné]… Ou que des pays d’Asie centrale, comme le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, acquis à la Russie, acceptent de servir de bases de départ pour des missions au-dessus de l’Afghanistan.
Photo : M. Stoltenberg, ce 17 août © Otan