Malgré les menaces, trois jeunes Syriens combattent les djihadistes qui occupent leur pays avec la seule arme dont ils disposent : l’humour. Films après films, ils tournent en dérision “l’Etat islamique” et sa propagande fondée sur la terreur. “L’Obs” les a rencontrés en Turquie.

Les humoristes de Daya al-Taseh, dans leur studio secret près de la frontière syrienne, en janvier 2015. OZAN KOSE/AFP

Son bourreau, enveloppé dans une longue abaya noire, agrippe ses cheveux, lui tire la tête en arrière et brandit son couteau en forme de croissant. A genoux, la lame sous la gorge, Youssef Helali tire la langue, comme un sale gamin, et éclate de rire. “Coupez ! Dans une semaine, on sera sur la liste des personnes recherchées pour terrorisme”, s’esclaffe Maen Watfe, en lâchant sa dague en plastique achetée au rayon jouets.

Sur leurs vidéos tournées en catimini, dans un appartement de Gaziantep, une ville du sud-est de la Turquie, les deux jeunes Syriens décapitent à tour de bras, enlèvent des jeunes filles, menacent de mort leurs parents, croient à n’importe quelles balivernes, sautent pour un oui ou pour un non.


Ils parodient les vidéos de Daesh avec humour par LeNouvelObservateur

Ils boivent aussi, fument, écoutent des chansons légères, font tout ce qu’ils interdisent aux autres. Ils sont bêtes et méchants, comme ceux qu’ils s’amusent à cibler.

Humour potache

Leurs sketchs s’emploient à tourner en dérision l’organisation Etat islamique (EI) et sa bande d’égorgeurs. Un humour potache posté sur YouTube, Facebook et HalabToday (“Alep aujourd’hui”), une télévision rebelle diffusée sur internet.

De grosses farces de deux trois minutes conçues pour exploser au contact de l’ennemi, telles des mines antipersonnel. Muhammad Damlakhy résume :

Nous affrontons Daech sur le terrain où il est le plus efficace : les médias, avec la seule arme dont nous disposons : l’humour.

Un grand corps efflanqué, une petite barbiche, les cheveux plaqués en arrière, Maen Watfe, 27 ans, a toujours été tenté par le théâtre. “Mes parents trouvaient que ce n’était pas sérieux et m’ont contraint à étudier l’électronique”, dit-il avec regret.

Maen Watfe (au fond) et Muhammad Damlakhy postent leur sketches sur YouTube, Facebook et HalabToday (“Alep aujourd’hui”). (OZAN KOSE/AFP)

Youssef Helali, 31 ans, plus trapu, un visage rond mangé par une barbe noire, a appris la photographie. Quand il n’interprète pas un djihadiste ou sa victime, c’est lui qui tient la caméra. Muhammad Damlakhy, 22 ans, est ingénieur du son.

Les geôles de Bachar al-Assad

Tous trois viennent d’Alep, la grande ville du nord de la Syrie, transformée depuis deux ans et demi en un vaste charnier. Lorsque le soulèvement éclate, en mars 2011, ils sont de tous les défilés.

Des manifestations pacifiques aussitôt réprimées dans le sang. Les blessés sont arrêtés et, souvent, exécutés par les forces de sécurité et leurs supplétifs. Youssef Helali organise avec d’autres une clinique clandestine.

La plupart des gens qui faisaient partie de notre équipe ont été assassinés. Je suis moi-même sur la liste noire du régime.

Activement recherché, il franchit la frontière fin 2011. Maen Watfe, qui militait dans les “comités de coordination”, a passé six mois dans les geôles de Bachar al-Assad, dont quatre mois à Damas, au siège des renseignements de l’armée de l’air, l’un des centres de torture les plus redoutés du pays. Une fois relâché, il s’est exilé à son tour dans la Turquie voisine.

Image extraite du sketch “Happy Valentine”, posté le 14 février 2015. Maen, Youssef et Muhammad ont fui Alep, la grande ville syrienne transformée depuis deux ans et demi en vaste charnier.
(Capture d’écran YouTube/dayaaltaseh)

Muhammad Damlakhy a été lui aussi détenu, plus brièvement, soixante-cinq jours, par le même service de sécurité, avant de prendre la fuite comme ses deux compagnons.

Journalisme citoyen

Réfugiés à Gaziantep, ils se lancent dans le journalisme citoyen. Ils retournent dans leur ville natale où des quartiers entiers échappent désormais à l’emprise de Bachar.

Ils filment les volontaires de la défense civile qui, après chaque bombardement du régime, vont chercher dans les décombres survivants et cadavres. Ils intitulent leur documentaire “les Colombes de Beroea”, en reprenant l’appellation grecque d’Alep sous l’antiquité.

Ils fondent une maison de production, Daya al-Taseh, et installent leur studio de fortune dans un immeuble moderne de Gaziantep. Leurs premières saynètes prennent pour cible Bachar et ses escouades d’assassins en détournant des publicités ou le logo de la Columbia.

Le logo de la major hollywoodienne Columbia, détourné avec le portrait de Bachar al-Assad. (Capture d’écran YouTube/dayaaltaseh)

Mais très vite, ils assistent à la montée en puissance d’un nouvel acteur.

“Aujourd’hui, en Syrie, les plus dangereux, ce sont les gens de Daech”, s’écrie Youssef Helali.

Ce sont des tueurs qui se dissimulent derrière la religion. Beaucoup de nos amis les ont rejoints parce qu’ils étaient perdus ou séduits par leur discours. C’est pour ça que nous devons montrer leur vrai visage.

Ils réalisent leurs brûlots avec trois bouts de ficelle. Une caméra, un rideau vert fluo, un ordinateur. Sans oublier la panoplie du parfait petit terroriste : kalachnikov en plastique, couteaux de carnaval, barbes postiches, faux bâtons de dynamite. Le djihad, version farces et attrapes.

Menaces de mort sur Facebook

Chaque vendredi, depuis janvier, ils mettent en ligne un nouveau sketch. Fond noir, titres macabres, musique hollywoodienne, leur pré-générique parodie les films de propagande d’Al-Hayat Media Center, le département communication de l’EI. Leur logo représente un otage aux yeux bandés.

Image extraite du sketch “Escape From ISIS” du 1er mars 2015 : le djihad, façon farces et attrapes. (Capture d’écran YouTube/dayaaltaseh)

La suite est du même tonneau. Kamikaze qui tente vainement d’actionner sa ceinture d’explosifs. Combattants qui croient devenir invincibles à chaque fois qu’ils prononcent le nom d’Al-Baghdadi, leur calife. Maen Watfe insiste :

Daech a pris notre pays. Nous n’avons pas de fusil. Nous devons donc nous battre d’une autre façon. Cette arme est efficace. Les menaces que nous recevons le prouvent.

Des messages de mort postés sur leur page Facebook : “On va vous tuer !”. Ou plus récemment : “On a frappé en France, on peut facilement vous atteindre ici.”

La visite de Daech

Après avoir reçu la visite de partisans de Daech, le propriétaire de l’appartement, un Turc de Gaziantep, leur a ordonné de déguerpir. Les trois compères ont filmé l’échange avec une caméra cachée. On y voit un homme aux cheveux blancs, affolé, qui les supplie de vider les lieux.

Ils viennent chaque jour en voiture. Ils surveillent la maison. J’ai peur. Ce sont des types bâtis comme des armoires à glace qui parlent avec l’accent syrien. Je leur ai juré que vous étiez partis. Ne revenez jamais ! C’est trop dangereux pour vous.

Depuis, les trois humoristes ont signé un nouveau bail mais se savent toujours menacés. Youssef Helali assure : “Même en Turquie, les gens de Daech sont très présents. Ils peuvent rentrer et sortir facilement du pays. Ici, on les trouve près de l’université. Ils se cachent à peine.”

Certains des humoristes ont passé plusieurs mois dans les geôles de Bachar al-Assad, d’autres sont activement recherchés. (Capture d’écran YouTube/dayaaltaseh)

Ils n’ont pas porté plainte. Par crainte de représailles et manque de confiance dans un Etat turc qui s’est montré jusqu’à présent très conciliant envers les djihadistes.

Nous prendrions un gros risque à alerter les autorités. L’Etat islamique se fout de la police. Peut-être allons-nous devoir quitter la ville et nous installer ailleurs.

Ils sont déterminés à continuer leur combat. Youssef Helali martèle :

Entre nous, c’est la guerre. Nous voulons rétablir l’équilibre médiatique.

Ils condamnent sans hésiter l’attentat contre “Charlie Hebdo” en France. “Ceux qui ont commis cet acte sont des terroristes. Ils ne représentent pas l’islam”, insiste Maen Watfe.

Des menaces de mort ont été postées sur leur page Facebook et le propriétaire de l’appartement qu’ils occupent leur a ordonné de déguerpir après avoir reçu la visite de partisans de Daech.  (OZAN KOSE/AFP)

Privés de téléphone et d’électricité, réduits à l’état de réfugiés, très peu de leurs concitoyens ont encore accès à Internet. Ils revendiquent néanmoins entre 40.000 et 60.000 visiteurs par vidéo.

Même dans leur pays en ruines, ils savent que l’humour est plus efficace que tous les discours. Muhammad Damlakhy s’écrie : “Car les Syriens préféreront toujours la comédie à la tragédie.”

Christophe Boltanski – Nouvel Obs

 

 

Alors que le peuple juif est attaché à la culture, fait de l’enseignement un point fort de sa tradition en l’inscrivant dans son credo le fameux Ecoute Israël …tu enseignera à tes enfants …, l’Islam a négligé cette exigence et ne s’est converti à cette valeur que sous la pression occidentale. Voilà donc le résultat de tant de siècle d’inculture.

Comment s’étonner alors que toutes les grandes avancées scientifiques, sont nées dans l’occident Judéo-chrétien.

 

 

 

 

 

 

 

 

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