Renseignements : les exigences turques sur Idlib compliquent la poursuite du compromis par la Russie
La situation dans la zone de désescalade d’Idlib s’est sérieusement aggravée le 10 février. Après le déploiement militaire turc à grande échelle la semaine dernière dans la région pour empêcher les forces du président syrien Bashar al-Assad de progresser, une nouvelle attaque menée par l’armée syrienne conduit à la mort de cinq autres hommes de troupes turcs . En représailles, le ministère turc de la Défense a indiqué qu’il avait touché 115 cibles syriennes et «neutralisé» 101 militaires syriens.
La délégation russe est rentrée en Turquie lundi matin après que la première rencontre entre les négociateurs russe et turc à Ankara samedi n’a pas porté ses fruits. Une source de l’opposition syrienne qui s’est entretenue anonymement avec Al-Monitor a déclaré que la réunion s’était également terminée par une impasse.
Pourquoi c’est important : les demandes d’Ankara pour un retrait des forces syriennes au-delà de la ligne de démarcation définie par le mémorandum de Sotchi 2018 sont difficilement acceptables pour la Russie. Moscou ne peut pas exiger que Damas remplisse ces conditions tandis que les troupes d’Assad continuent d’avancer malgré le déploiement militaire turc. Si la Russie exprime de telles propositions et insiste sur leur mise en œuvre, cela ne fera que nuire aux relations bilatérales avec la Syrie sans raison valable. La Russie ne refusera pas non plus le soutien aux troupes d’Assad si les forces turques et les unités de l’opposition tentent de passer à l’offensive et de pousser l’armée syrienne au-delà des frontières de la zone de désescalade d’Idlib. Ankara semble le comprendre. Comprendre ces dynamiques signifie que la Turquie est peu susceptible d’être prête à mener une telle opération face à la menace d’un affrontement militaire direct avec la Russie. Moscou n’a pas, non plus, ouvert l’espace aérien au-dessus d’Idlib pour l’armée de l’air turque, réduisant l’ampleur de l’opération »
Rester à l’écart : l’option la plus acceptable pour la Turquie en ce moment est peut-être de poursuivre un déploiement militaire positionnel à part entière à Idlib et de conserver les zones dont ne se sont pas encore emparées les forces du régime Assad tout en bloquant leurs tentatives pour avancer plus profondément dans la région. Cela pourrait amener la Russie à reconnaître ces territoires comme la nouvelle zone de sécurité turque, ce qui conduirait à son tour à un nouvel accord de type mémorandum russo-turc qui renoncerait à toute opération antiterroriste dans cette zone.
Au contraire, la persistance de la Turquie à exiger le retrait de l’armée syrienne au-delà de la ligne fixée par les accords de Sotchi sans aucun document signé par les parties ne peut que durcir la position russe, Moscou abandonnant les compromis. Cela conduirait à une guerre froide entre la Russie et la Turquie dans l’Idlib divisé. Damas sera en mesure de s’emparer de vastes étendues de territoire dans la zone de désescalade jusqu’à ce qu’il atteigne enfin les positions turques, où les tensions constantes se poursuivront avec des attaques et des provocations.
Et après? Les prétentions d’Ankara à Moscou peuvent également être lues comme faisant intentionnellement grimper les enchères en vue de nouvelles négociations. Cela pourrait permettre à Moscou de sauver la face de Damas en faisant preuve de persévérance dans la défense des intérêts syriens, lors des négociations avec la Turquie si un nouvel accord sur Idlib devait être conclu, qui engloberait de nouvelles réalités sur le terrain.
Lire la suite : al-monitor.com
Adaptation : Marc Brzustowski