Les 10 Commandements et les 613 Mitsvot (2/3)

Nous avons ouvert dans ce chapitre un certain nombre de « fenêtres », qui vont nous permettre d’aborder de nombreuses questions importantes. 

On pourrait se poser la question : à quoi cela me servira-t-il d’accomplir ces mitsvoth ? Aurais-je d’avantage de LIBERTÉ ? Serais-je libéré ? Ou bien, s’agit-il d’un asservissement ? Devrais je me soumettre à l’observance de ces mitsvoth par Amour, ou par Crainte de Dieu ? Ou bien uniquement pour montrer que j’obéis par Foi ? A moins qu’il ne s’agisse de sacrifice, ou d’une conduite empreinte de sagesse ? 

Effectivement, un homme qui reçoit sur lui le joug de la Torah, est un homme qui donnera une place plus importante dans sa vie à son intelligence et à son libre arbitre. Car, en utilisant son intelligence et en acceptant les exemples fournis par la Torah, l’homme toujours confronté à la polarité du bien et du mal, pourra choisir le sentier qu’il voudra prendre. S’il choisit le Bien, c’est l’acceptation et l’accomplissement des Mitsvoth. Le BIEN, c’est le droit ; le Bien c’est encore la Vie, la vérité, le Hessed, la vertu. 

En revanche, en choisissant le MAL, on repousse tout ou partie des Mitsvoth. Le Mal est situé à gauche A chaque occasion que nous avons de nous réjouir, comme lors d’un mariage, nous prononçons le verset : « Si je t’oublie Jérusalem, que ma droite m’oublie » C’est à la droite de Dieu, que prendront place les Tsadikim (les Justes) lors du Jugement Dernier. Et, c’est à gauche, que se situe le Gehinom (Géhenne). 

Avant même que nous n’ayons reçu la Torah, nous avons dit au Créateur « נעשה ונשמע« , soit nous ferons d’abord, et nous écouterons ensuite. Nous avons accepté la Torah avant même de savoir ce qu’elle contenait, nous nous sommes engagés, il nous faut donc les observer. 

Chaque chose possède son contraire, le bien et le mal, l’homme et la femme, la mitsva et l’avéra (עברה). Dans les Pirké Avoth, nous lisons : שכר מצווה, מצווה. שכר עברה, עברה. Soit, le salaire de la mitsva est une autre mitsva, et celui d’une faute en est une autre, ou encore, si on fait une bonne action, on sera enclins ou entraînés à en faire d’autres ; et il en est de même pour une faute, la faute en entraîne une autre. 

Pourtant, ne nous plaçons pas, nous précisent les Pirké Avoth, dans la situation d’un esclave qui va effectuer son travail dans l’espoir de recevoir une récompense, ainsi que l’a formulé Antig’nos de Sokho :  

אנטיגנוס איש סוכו : אל תהיו כעבדים המשמשים את הרב על מנת לקבל פרס אלא, היו כעבדים 

                                                                           : המשמשים את הרב שלא על מנת לקבל פרס ויהי מורא השמים עליכם

Gardez-vous de ressembler à ceux qui servent leur maître dans l’espoir de recevoir une récompense, mais au contraire, soyez comme ceux qui travaillent sans attendre de récompense ; et la crainte des cieux sera sur vous.  

Le sens de cette maxime peut être interprété à l’infini : servir son maître, cela peut s’entendre dans le sens de « rendre un culte », c’est-à-dire ne rendez pas un culte à Dieu dans l’espoir de recevoir une récompense, mais faites-le parce que vous aimez Dieu, parce que vous savez que vous devez Le remercier de toute chose (bonne ou moins bonne). Cela peut vouloir dire aussi, que vous allez étudier cette Torah que Dieu nous a donnée, mais sans espoir d’être récompensé ; cela peut être aussi, ne soyez pas comme un employé vis-à-vis de son patron… Dans tous les cas, on vous a confié une mission, un travail, un sacerdoce ; faites-le pour accomplir votre devoir, sans chercher plus loin. 

C’est aussi à ce propos, que l’on trouve dans le Traité de Nazir 23b, que nous pouvons lire ces lignes : « Laissez toujours un homme s’adonner à l’étude de la Torah, même si ce n’est pas pour elle-même, car s’il commence avec d’autres intentions, il en arrivera à l’étudier pour elle-même ». 

Etudier, c’est lire et relire. On dit qu’il faut lire et relire un texte de Torah 101 fois au moins, parce que –explique-t-on en guematriya – la différence entre oublier et se souvenir est de 101 (334 =שכוח – oublier – et le mot se souvenir, se dit 233 = זכור) ; la différence entre oublier et se souvenir est de 101. Pour ne pas oublier répétons 101 fois les textes de la Torah. Ce qui a permis à Josué d’exprimer ainsi sa pensée (chapitre I verset 8) : « Ce livre de la Torah ne doit pas quitter ta bouche, tu le méditeras jour et nuit, afin d’en observer avec soin tout le contenu ; car, alors, seulement, tu prospéreras dans tes voies, alors seulement tu seras heureux ». 

‘La Torah nous enseigne que même avant la promulgation de la Torah, nos Pères la connaissaient et en appliquaient les lois, ainsi que veut nous le montrer le verset où Jacob déclare :  אצל לבן גרתי « chez (mon oncle) Lavan, j’ai habité » :  en inversant les lettres du mot גרתי (garti : j’ai habité), nous captons un message : bien que logeant chez Lavan, Jacob a appliqué les 613 mitsvoth (Tariag). 

Etudier la Torah, est un poste important dans la vie d’un Juif. La journée du Juif est partagée en trois : nous devons consacrer 8h à Dieu, 8h au travail, et 8h au repos. Le repos est indiscutable, puisque c’est en dormant que nous récupérons des forces physiques et même morales pour notre propre équilibre. Dans les premières huit heures de la journée, nous devons nous tourner vers Dieu. Peu importe en fait à quel moment nous choisirons de nous tourner vers Dieu, puisque déjà nous prions trois fois par jour, et encore avant de nous endormir, mais cela ne nous prend pas 8 heures. Le reste de ces heures doit être consacré soit à l’étude de la Torah ou des mitsvoth, de la Loi Orale (Talmud), ou autre peu importe, l’essentiel est de faire pendant la journée des actions qui vont nous rapprocher et de Dieu, et des hommes. Quant au travail, cela va de soi : les Pirké Avoth nous le disent :   , אם  אין » תורהאין קמח ואם אין קמח, אין תורה », ce qui revient à dire, que sans l’étude de la Torah, on ne peut parvenir à gagner sa vie normalement, et si on n’arrive pas à gagner sa vie correctement, on ne peut étudier la Torah correctement. Le principe est de trouver un équilibre entre tous les pôles. 

Et si nous n’avons pas de facilité pour étudier un domaine si particulier que toute la sagesse contenue dans notre Loi ? Nous pouvons fort bien nous tourner vers les « bonnes actions », de manière à faire preuve d’amour envers les autres, peu importe les moyens dont nous disposons. 

C’est encore dans les Pirké Avoth, que nous trouvons la célèbre phrase énoncée par Shimôn HaTsadik : 

                                            …על שלושה דברים העולם עומד : על התורה, על העבודה ועל גמילות חסדים

Le monde repose sur trois choses : la Torah, le Culte de Dieu, et les actes de bonté et d’amour. 

Sous l’expression « Guemilouth Hassadim », sont regroupées toutes les actions qui peuvent améliorer les relations entre Hommes et permettre éventuellement de soulager des souffrances, et de réparer des injustices sociales, pour alléger les fardeaux qui pèsent sur certains, prendre une part à l’affliction des uns, à donner du courage aux malades… 

Par ce biais, nous pouvons nous rapprocher de notre Créateur. Avoir toujours la Torah présente à nos esprits, nous permet aussi de ressentir une certaine joie, et de ressentir une certaine liberté… Lorsque Dieu promulgua Sa Loi et nous la donna, le mot « gravé » (Exode – Shemot – chapitre 32 verset 16) apparaît dans le texte, pour nous signifier, par la méthode du « remez » (l’allusion), ainsi que nous le dit le commentaire de Rabbi Josué ben Lévi : « ne lis pas gravé, mais liberté ». Le mot graver חרתs’écrit avec les mêmes lettres que le mot liberté חרות. En faisant ce commentaire, Rabbi Josué ben Lévi veut nous signifier, que c’est en étudiant la Torah que l’on acquiert sa liberté. L’esclave n’est pas maître de son temps, mais l’homme libre peut disposer de son temps comme bon lui semble.  

L’attachement à Dieu, n’est autre qu’une démonstration pure et simple de Liberté. L’attachement aux préceptes de Dieu, n’est qu’une projection de l’être humain dans l’absolu, dans une tentative d’atteindre la perfection et vers l’infini, car la Torah est perpétuelle et jour après jour, nous pouvons nous apercevoir qu’elle est toujours actuelle. 

Etre attaché à la Torah, est tout le contraire d’un asservissement. A moins que l’homme n’agisse que pour « la galerie » : pour être digne au regard des autres. En ce cas, les actes sont dépourvus de sincérité et de conviction. 

Ceci n’est pas un commandement facile, c’est sans doute la raison pour laquelle nous prions chaque jour en demandant à Dieu :  

                         ותרגילינו בתורתך ותדביקינו במצוותיך

Exerce-nous à Ta Torah et fais-nous adhérer à Tes Mitsvoth. 

Rabbi Hanania ben Akashia nous apprend : 

 רצה הקב »ה לזכות את ישראל לפיכך הרבה להם תורה ומצוות

Le Saint, béni soit-Il, a voulu récompenser Israël, et c’est pour cela qu’Il a multiplié la Torah et les mitsvoth. 

Etant donné que nous ne sommes que des humains, êtres faits de chair et de sang, nous sommes loin d’être parfaits, susceptibles de céder à une ou plusieurs passions ; nous pouvons laisser le mauvais penchant nous séduire, et céder à son jeu. Nous pouvons donc « fauter » : blesser, vexer, faire du tort, parler à tort et à travers, tromper etc… La liste des fautes que l’homme peut connaître est très longue, et elle apparaît dans notre « vidouy » (ווידוי). En prenant conscience du tort que nous avons pu causer à notre prochain, nous devons sacrifier notre orgueil, et aller demander à celui envers lequel nous avons commis une faute, de nous excuser, car la grandeur de Dieu est de ne pas S’immiscer entre les hommes. Le contact entre humains doit se produire. L’homme doit aimer son prochain, nous dit la Torah, et cette relation doit être absolue. Seul l’homme envers lequel nous avons des torts pourra nous pardonner. Dieu ne nous pardonnera que pour les fautes commises envers Lui. 

Pour Yom Kippour, nous nous retrouvons tous en jeûnant pour demander à Dieu, en priant avec ferveur de pardonner nos fautes. La prière est une institution que le Prophète Daniel a appris au peuple d’Israël en exil : nous n’avions plus de Temple, nous n’avions plus de possibilité de faire des sacrifices « korbanoth » (קורבנות), du verbe « lekarev » (לקרב) qui signifie approcher. Par le moyen des sacrifices, nous nous rapprochions de Dieu. Sans Temple, comment se rapprocher de Dieu ? Seule la prière nous permet d’établir un « lien » avec notre Créateur. La prière, תפילה, « tefila », qui vient de la racine פלל « palal », se retourner sur soimême, nous permet de nous introspecter et de faire notre propre examen de conscience ; et d’un cœur pur, de nous retourner vers Celui qui sait toutes nos faiblesses.  Ainsi que s’exprima le Prophète Ezra Chapitre 9, Verset 6) :  

ואומרה אלוהי בשתי ונכלמתי להרים אלהי פני אליך כי עוונותינו רבו למעלה ראש ואשמתנו גדלה עד 

 : לשמים

« Mon Dieu, dis-je, j’éprouve de la honte et de la confusion à élever ma face vers Toi, ô mon Dieu : car nos fautes se sont multipliées, jusqu’à nous submerger, et nos torts sont si grands, qu’ils atteignent au ciel ». 

Nous devons aussi veiller à ce que nos propos, notre attitude, notre comportement, notre tenue vestimentaire, tout ce qui nous concerne doit être empreint de pureté et de « tsniouth » (צניעות) ; c’est-à-dire, que nous devons veiller à être humble, et pudiques. C’est un peu ce que traduit ce terme : tsanoua (צנוע), ou tsenouâh צנועה) (au féminin). Un vêtement « tsniouth » va permettre à celui qui le porte d’avoir une tenue correcte, pudique. 

Ceci nous entraînera à ne pas attirer l’attention outre mesure, et par voie de conséquence, n’attirera pas la concupiscence du voisin, ce qui évitera entre autres les problèmes d’adultère… 

L’intégrité est une facette de la pureté des sentiments, de nos cœurs, et le scrupule doit être notre compagnon de route, et non pas seulement nous laisser entraîner par le Mauvais Penchant. Si quelque chose ne nous semble pas clair ou logique, nous devons mettre en marche nos scrupules, et vérifier si nos doutes ne sont pas fondés. Ne pas se réfugier derrière un prétexte vieux comme le monde  » : après tout moi j’ai fait confiance, et s’il m’a trompé, le péché retombera sur sa tête ». Nous avons déjà exposé le fait que nous devons être l’ami, le « réâ », ֵרֵע de notre prochain, il nous faut le « réveiller », pour qu’il ne faute pas.   

Dans l’analyse des Dix Paroles, nous arrivons ainsi à la neuvième, par laquelle Dieu nous interdit de rendre un faux témoignage. C’est-à-dire de mentir, de vouloir « redresser » la justice. Ceci ne nous appartient pas. Nous ne connaissons pas les tenants et les aboutissants des affaires qui se déroulent, nous ne sommes pas des juges. Etablir la justice ne nous appartient pas, ce qui ne veut pas dire de détourner les yeux. Il nous faut être vigilants, attentifs, car nous ne voudrions pas être des facteurs déterminant une sanction, « hass vehalila ».חס וחלילה .      

Le scrupule, l’intégrité, doivent guider notre conduite, que nous devons imprégner d’Amour ; non pas seulement pour notre prochain, mais envers notre Créateur, et de Crainte, comme nous le verrons plus loin. 

Réveiller notre prochain est partie intégrante du devoir de réprimande, ou plutôt de reproche la « tokhakha ». תוכחה La différence entre le reproche et la réprimande est très sensible. De toute manière, reproche ou réprimande doivent se faire sans colère et sans « bizayone », sans faire honte à notre prochain, tout en délicatesse et en finesse. C’est pourquoi, Rashi s’exprime ainsi dans Devarim, « Il ne faut faire de reproche à quelqu’un que peu de temps avant de mourir soi-même» … 

Il faut être attentif à ce que notre bouche ne profère que des bénédictions. En hébreu actuel, il existe une expression souvent prononcée lorsque l’interlocuteur est désarçonné et ne sait plus comment réparer un acte fait : « שתהיה בריא » soit : que tu sois en bonne santé… Eviter de maudire. Souhaiter du bien. 

Notre Amour pour Dieu devrait pouvoir s’exprimer,  à l’instar de cette phrase extraite d’une prière qu’adressait Rabbi Shnéour Zalman de Liady, « Ce que je veux, HaKadosh baroukh ‘Hou, ce n’est pas Ton Gan Eden,  ni Ton Olam Haba (Ton Paradis ou Ton monde futur), mais c’est TOI, et Toi Seul » ; ou comme on rapporte dans la tradition hassidique, cette exclamation provenant d’un rabbin  dont les moyens ne lui permettaient pas d’acquérir un bel ethrog (cédrat) pour la fête de souccoth,  et qui céda au marchand sa part du monde futur en échange : « Enfin, maintenant je pourrai accomplir cette mitsva sans penser au Olam ‘Haba (au monde futur) »… 

L’étude même de la Torah doit se faire par Amour pour Dieu, pour apporter un message, et non pas pour devenir célèbre, ou faire fortune. Pour tenter de réunir le peuple autour de l’Unicité de Dieu. 

Rabbi Méir Ibn Gabbaï remarque : « Il est clair (…) que celui qui sert Dieu avec un objectif personnel, n’aime que soi-même, et que le Tout Puissant ne reçoit rien de ses services, tandis que le dessein originel était que l’homme rendît ses devoirs religieux uniquement pour l’amour de Dieu ; ce qui signifie l’établissement de l’Unité du Grand Nom, à la fois dans l’action et la pensée. C’est l’homme d’un tel dessein, dont on peut dire qu’il aime Dieu. 

 Rabbi Moshé Haïm Luzzatto, mystique du XVIIème siècle, dans son ouvrage Le Sentier de Rectitude donne ainsi son explication : « La signification de cet amour, est que l’homme doit désirer ardemment et rechercher la présence de Dieu, bénie soit-Elle, de la même façon qu’il cherche à atteindre l’objet de ses passions. Il doit ressentir les mêmes bénédictions et délices en disant Son Nom, en priant et en goûtant les mêmes mots de la Torah qu’un amoureux ressent auprès de la femme de sa jeunesse… Cet amour ne doit pas dépendre de quelque chose ». 

L’expression de cet amour nous fera ressentir un sentiment de liberté et de libération, et nous ne nous sentirons pas dépendants d’un intérêt. 

La Foi. La foi en Dieu guide nos pas, mais il est évident, que parfois, nous redoutons la justice établie par les hommes, car aujourd’hui, nous ne pouvons nous fier à rien. Notre foi nous rend enclins à attendre que vienne le Messie, pour nous permettre de jouir enfin d’une justice établie par Dieu.    A suivre…

Dr Caroline Elisheva Rebouh PhD.
ד »ר קרולין אלישבע רבוה בן אבו
Tableau réalisé par Gérard Darmon

 

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