Theodor Herzl, le fondateur du sionisme politique, fut le premier à comprendre la grande importance de l’Église catholique quant au retour des Juifs en Terre Sainte.

Peut-être parce qu’il était à Vienne, capitale catholique de la monarchie austro-hongroise, après une longue parenthèse à Paris où il suivit le procès Dreyfus. Il tenta plusieurs fois d’être reçu par le pape, mais dut se contenter de rencontrer deux nonces apostoliques dans la capitale impériale.

C’est seulement quelques mois avant sa mort, le 25 janvier 1904, qu’il réussit à obtenir une audience du pape Pie X, rigide et très clair:

« Nous ne pourrons pas empêcher les Juifs d’aller à Jérusalem, mais nous ne pourrons jamais les y encourager. Le sol de Jérusalem n’a pas toujours été sacré, mais il a été sanctifié par la vie de Jésus. Les Juifs n’ont pas reconnu Notre Seigneur et nous ne pourrons donc pas reconnaître le peuple juif. Non possumus. »

Une réponse tirée du journal de Herzl et qui est restée d’actualité nonobstant les développements positifs intervenus depuis.

Pendant la Première Guerre mondiale, Nahum Sokolow, un des leaders sionistes de l’Organisation sioniste de Londres, fut reçu le 4 mai 1917 par le pape Benoît XV qui lui déclara:

« Le problème des Lieux saints est pour nous d’une extraordinaire importance. Leur sainteté doit être protégée. Nous allons régler cela entre l’Église et les Puissances. Il vous faudra y respecter pleinement les droits [1]»

Tout de suite après la Première Guerre mondiale, le Saint-Siège, exclu de la Conférence de la paix à Versailles aux termes de l’article 15 du Pacte de Londres, voulut faire en sorte qu’un État juif, qui aurait constitué une menace pour les Lieux saints et offensé les sentiments chrétiens, ne voit pas le jour.

Comme s’en expliquait Benoît XV le 13 juin 1921, on craignait que « les Juifs ne viennent à se trouver en Palestine en position de prépondérance et de privilège [2]».

Conclusion négative de la guerre pour le Saint-Siège : un Haut-Commissaire de confession juive pour la Palestine, Herbert Samuel, est nommé en 1920. À la Conférence de San Remo, la France avait, la même année, abandonné son rôle de protectrice des catholiques du Levant. 1922 : le Conseil de la Société des Nations octroyait le mandat sur la Palestine à l’anglicane Grande-Bretagne.

Le cardinal Gaspari, secrétaire d’État, écrivit en vain une lettre datée du 15 mai 1922 à la SDN, demandant que soient retranchés les paragraphes « sionistes » du mandat parce que ces articles conféraient aux Juifs une prépondérance sur les catholiques [3]..

À l’époque, le Vatican fit siennes les thèses arabes et trouva ici un appui en Sa Béatitude Luigi Barlassina, le patriarche latin de Jérusalem qui continua très longtemps de haïr les Juifs et inaugura la tradition antisioniste du patriarcat.

Le Saint-Siège allait exiger un contrôle international sur les Lieux saints et le principe fut retenu par la Grande-Bretagne qui introduisit l’article 14 dans la charte du mandat. Mais quand il s’avéra que les Britanniques avaient l’intention de placer un protestant américain à la tête de la commission des Lieux saints, il y renonça.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le cardinal Luigi Maglione, secrétaire d’État, le 18 mai 1943, à Mgr Amleto Cicognani, délégué apostolique à Washington :

« Les catholiques du monde entier [… ] ne pourraient pas ne pas être blessés dans leurs sentiments religieux si les juifs se voyaient garantir une prépondérance en Palestine [… ]. Veut-on créer un « home juif »? Il ne sera pas difficile de trouver d’autres territoires plus appropriés. La Palestine à prépondérance juive serait cause de graves problèmes internationaux ; elle ne satisfera pas les catholiques du monde entier, entraînera une plainte légitime du Saint-Siège, sans pour autant répondre au souci charitable et constant de celui-ci à l’endroit des non-aryens [4]»

À la fin de la guerre, Moshé Shertok (puis Sharett), de l’Agence juive, Premier ministre d’Israël en 1954-55, fut reçu par Pie XII et soutint qu’il n’y avait pas de conflit entre les aspirations sionistes en Palestine et les intérêts du catholicisme dans la région, qu’un État juif s’engagerait à protéger les Lieux saints, que les Juifs espéraient obtenir l’appui moral de l’Église à notre « existence renouvelée » en Palestine. Pie XII n’allait pour sa part donner aucune assurance [5]….

En 1947, les Nations unies décident d’envoyer en Palestine une Commission spéciale des Nations unies pour la Palestine (UNSCOP), qui propose le partage entre deux États juif et arabe et un corpus separatum international à Jérusalem et dans les environs. Il semble que ce soit le régime international pour Jérusalem qui ait convaincu le Saint-Siège de ne pas s’opposer à la partition approuvée également par les pays catholiques le 29 novembre 1947 à l’ONU.

L’État d’Israël fut établi le 14 mai 1948. Surprise amère pour certains courants conservateurs à l’intérieur du catholicisme selon lesquels les Juifs restaient condamnés à l’errance planétaire pour déicide.

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