Sécheresse: aurons-nous tous de l’eau dans le robinet cet été ?
Un rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable publié le 12 avril alerte contre le risque de rupture d’approvisionnement en eau potable. Quatre communes Pyrénées-Orientales en souffrent déjà.
C’est un rapport passé relativement inaperçu. Le 12 avril, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) a publié un « retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022 », à la demande de quatre ministères (Intérieur, Agriculture, Santé et Ecologie). Les auteurs ont rencontré plusieurs centaines d’acteurs de la politique de l’eau dans une trentaine de départements, et formulé dix-huit recommandations, dont une partie sont intégrées au plan gouvernemental relatif à la gestion de l’eau, présenté par Emmanuel Macron le 30 mars. Ce dernier souhaite « fixer un cap de 10 % d’économies d’eau » pour tous les secteurs à l’horizon 2030 : l’énergie, l’industrie, le tourisme, les loisirs et bien sûr l’agriculture.
Car pour l’Igedd, « l’eau est encore trop fréquemment considérée comme une ressource inépuisable et gratuite ». Or, « à très court terme, la période de plus d’un mois sans pluie début 2023 en France et l’organisation d’événements exceptionnels, […] comme à l’été 2023 la coupe du monde de rugby, puis en 2024, les Jeux olympiques et Paralympiques, imposent une vigilance particulière quant au risque de rupture d’approvisionnement en eau potable », alerte le rapport.
Des distributions d’eau à la bouteille
Quatre communes des Pyrénées-Orientales connaissent déjà une telle situation : Bouleternère, Corbère, Corbère-les-Cabanes et Saint-Michel-de-Llotes organisent depuis le 14 avril des distributions d’eau en bouteille auprès de leurs 3 000 habitants, a indiqué à l’AFP le président du syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable, Jean-Pierre Saurie. Le département, frontalier de l’Espagne, est l’un des plus affectés de France par la sécheresse : entre septembre et mars, le niveau de précipitations a été divisé par deux par rapport aux normales, selon Météo-France.
Conséquence : « le niveau du forage d’eau potable sur Bouleternère est arrivé à son seuil de prélèvement », a indiqué la mairie de Corbère-les-Cabanes sur sa page Facebook. En attendant le nouveau branchement de forage, vendredi prochain, « l’eau du robinet est interdite à la consommation jusqu’à ce que l’Agence régionale de santé l’autorise ». Les habitants recevront gratuitement « un pack d’eau par personne et par semaine ».
Durant l’été 2022, plus d’un millier de communes ont également été contraintes de mettre en place tout un tas de mesures pour approvisionner leurs habitants, rappelle également l’Igedd. Parmi elles, 343 ont dû transporter de l’eau par camion, et 196 distribuer des bouteilles d’eau, ne pouvant plus fournir d’eau au robinet. « Aucune grande ville n’a connu de rupture d’alimentation, bien que certaines n’en soient pas passées loin », précise l’Igedd, tout en rappelant que « plus de 1 200 cours d’eau étaient totalement asséchés au 1er août 2022 ».
Des mesures de restriction « soft »
Qu’attendre alors de l’été 2023 ? En février dernier, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, annonçait la mise en place d’un comité d’anticipation sécheresse, après que la France a connu 32 jours sans pluie, un record pour l’hiver depuis 1959. « Il faut responsabiliser les Français sur leur consommation d’eau et les gestes à adopter », prévenait-il, annonçant des mesures de restrictions « soft », à l’image des 87 communes de la préfecture du Var confrontées à des interdictions liées au lavage des voitures, à l’arrosage des jardins ou encore au remplissage des piscines.
En moyenne, entre 2008 et 2019, le volume annuel d’eau consommé était estimé à 5,4 milliards de mètres cubes en France métropolitaine, soit 82 mètres cubes par habitant, selon le ministère de la Transition écologique. Sur cette période et pour les mois de juin à août, les consommations en eau représentaient « environ 60 % du total annuel ».
Interrogé par L’Express en février dernier, le docteur en agroclimatologie Serge Zaka était partagé sur ces mesures. « Si on commence à utiliser en hiver de l’eau dont on n’a pas réellement besoin, on risque de moins en avoir lors des sécheresses estivales. On sait très bien qu’on va être déficitaire, donc il faut anticiper et garder de l’eau dans les nappes pour les secteurs essentiels comme l’agriculture », rappelait-il d’abord, avant d’affirmer qu’elles ne suffiraient cependant pas à rattraper le retard de remplissage des nappes phréatiques d’ici cet été. « Il faudrait pour cela avoir 200 millimètres d’eau dans toute la France, c’est-à-dire qu’il pleuve tous les jours. C’est impossible ! », indiquait-il.
Le 13 avril, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a fait savoir que 75 % des nappes phréatiques sont à un niveau jugé en dessous des normales, contre 58 % il y a un an. Selon le BRGM, une partie du département des Pyrénées-Orientales est considérée comme ayant un « très fort » risque de sécheresse pour l’été.