Le miracle du Pourim d’Ancône en 1690
A chaque fois qu’un miracle se produisit dans une communauté juive, la commémoration de l’événement miraculeux fut nommé « pourim de » suivi du nom de la ville en question. Le seul rapport avec Pourim est que des Juifs ont eu la vie sauve miraculeusement.
Broderies au fil de soie pour rouleaux de la Torah, de la part d’« Esther, femme de R. ; Abraham B. Sch. ; en l’année 362 », Italie, 1602.
Bercée par les flots de l’Adriatique, la ville-port d’Ancône (Ancona) est très ancienne et elle constitue pour l’Italie, une ouverture face à la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Slovénie, la Serbie, le Monte Negro, le Kosovo, la Macédoine et la Grèce.
La ville d’Ancona dont le nom vient du grec ankon’ qui signifie coude est en effet construite en angle comme l’articulation du coude. Elle a donc été fondée par des Grecs au IIIème siècle avant l’ère chrétienne. Puis elle fut aux mains des Romains pour voir se succéder dans ses murs de nombreux peuples en l’espace de deux siècles. En effet, du IIIème siècle au Vème ce sont des Goths, des Lombards et des Sarrazins qui ont peuplé la belle cité. Au XIème siècle elle devint une république maritime indépendante étant jumelée avec Ragusa en Dalmatie et avec les Byzantins cependant la république de Venise étendit un très fort pouvoir sur la côte adriatique. Au XVIème siècle, Ancona devint une sorte de comté où les Grecs se rendaient souvent.
Les Juifs commencèrent à s’installer à Ancône vers la fin du Xème siècle de l’ère chrétienne. En 1270, un célèbre voyageur du nom de Jacob d’Ancona s’illustra par ses voyages en Chine et il rédigea un compte rendu de ses voyages dans un volume intitulé : la ville des lumières. Il visita la Chine quatre années avant Marco Polo.
Souccah (cabane) dans un manuscrit italien, 1374.
En 1550, la communauté juive comptait 2,700 personnes et, cinq années plus tard, le Pape Paul IV signa une bulle selon laquelle tous les Juifs devraient se convertir. Certains parmi les Juifs d’Ancône refusèrent expressément de se convertir ils furent condamnés par les autorités épiscopales locales à être pendus puis brûlés. Etant donné que la ville était une place commerciale forte et de là partaient les négociants de la route de la soie maritime de nombreux marchands boudèrent Ancona ce qui se solda par un grand manque à gagner pour les autres commerçants qui se plaignirent aux autorités. Doña Gracia Mendez Nassi fut l’interprète de la population marchande auprès des gouvernants.
Cependant, les événements se calmèrent et les ordonnances de la bulle oubliées ; un peu plus de cent ans après, se produisirent à Ancona des tremblements de terre à répétition plongeant la population dans la peur du lendemain.
Fin Décembre 1690, la cité fut ébranlée par un séisme d’une rare puissance entraînant de considérables pertes mais les Juifs ne subirent point de dommages c’est alors, que fut décidé et instauré un jour de jeûne et de prières pour rendre grâce.
Le 20 tévet fut jour de jeûne et le 21 jour de fête. Ces prières furent imprimées dans un sidour intitulé « Ohr haboker » publié à Venise en 1709.
Ancône fut le théâtre de plusieurs autres événements miraculeux pour la communauté juive qui continua à se développer dans ce point d’Italie il y eut en effet d’autres Pourim spéciaux à Ancona en 1741, en 1775 et en 1797 année qui fut malheureusement très douloureuse pour la communauté juive italienne dans différents points du pays.
De très nombreux conflits interconfessionnels eurent lieu à Ancône séparant dans leurs croyances les Grecs Orthodoxes et les Grecs Catholiques : le point culminant de ces conflits eut lieu en l’an 1797.
Les persécutions furent nombreuses en Italie dès la promulgation de l’Inquisition espagnole, et jusqu’au milieu du XIXème siècle, les Juifs souffrirent des différentes mesures antijuives prises à leur encontre et souvent par des hommes d’église.
En 1741, les Juifs d’Ancona regroupés en un quartier se rendaient chaque jour à la synagogue qu’ils avaient érigée dans le centre de cette sorte d’agglomération juive. Lorsque le premier jour de souccoth, les fidèles se rendirent à la synagogue revêtus de leurs plus beaux atours, il sembla que tout était calme et qu’une belle solennité allait leur permettre de se réjouir tous ensemble de cette fête de pèlerinage. Le soir-même, après l’office qui se déroulerait dans la joie, tous se regrouperaient pour réciter le kiddoush dans la belle soucca de la synagogue. Chacun pénétra dans le magnifique bâtiment lorsque soudain, l’un des fidèles sortit précipitamment à la recherche de son jeune enfant qui s’était échappé. Et c’est alors qu’eut lieu le miracle : quelqu’un avait allumé et enflammé la soucca et les flammes commençaient à crépiter et à envahir le bâtiment. Criant au feu, l’homme alerta les fidèles qui furent sauvés d’une catastrophe véritable par le seul fait que le jeune enfant retrouvé par son père s’était enfui. Sans aucun doute, il s’agissait là d’un miracle qui avait sauvé d’une mort certaine ces pères de famille. Ce fut donc encore ici un pourim spécial qui fut célébré dans cette communauté tous les 15 tishri.
Des années s’écoulèrent et, en 1775, peu de temps après le Pourim de Suse, la communauté fut rudement éprouvée mais épargnée par un miracle qui démontra, une fois de plus, s’il en était besoin que la Providence divine est toujours en éveil, pour sauver Ses enfants. Ce jour-là, les échauffourées entre les communautés chrétiennes étaient sanglantes et les armes parlaient. Les Juifs étaient cantonnés prudemment dans leur quartier lorsque brutalement se fit entendre une déflagration si forte que vibrèrent toutes les habitations, cependant, aucun dommage matériel ne se produisit ni aucune perte ne fut à déplorer. C’était le 24 adar.
A Ancône une fois de plus, les conflits religieux au sein de la population grecque se firent ressentir en 1797. A cette époque, les désordres plus que jamais, les dissensions permirent aux uns de se dresser contre les autres. Il n’était plus question de simples affrontements mais il s’agissait d’une véritable guerre et les pertes étaient nombreuses. Comme ce fut souvent le cas il fallut trouver un bouc émissaire pour détourner l’attention de ceux qui ne trouvaient pas de satisfaction dans cette guerre de bénitiers. Le bouc émissaire fut tout trouvé : les habitants du quartier juif bien évidemment ! Aussitôt des manifestants s’organisèrent brandissant armes et bâtons pour exterminer ces horribles suppôts de Satan qu’étaient les Juifs ! Et quoi de plus facile que de se rendre dans ce quartier et régler leur compte à ceux qui étaient censés provoquer cette guerre.
Dans la campagne tranquille où la nature reprenait ses droits après l’hiver, les amandiers pleins de bourgeons arboraient leurs délicate floraison rosâtre et quoi de plus étonnant ? Dans trois jours on fêterait le nouvel an des arbres puisqu’on était le 12 shevat. Cependant, les rues étaient pleines de gens en colère, assoiffés de vengeance et faire payer leur impudence aux Juifs : la menace était claire : le sang juif allait s’écouler dans les rues ! Soudain, l’arrivée d’un prélat détourna au dernier moment l’attention des manifestants et de cette foule ivre de colère qui ne rêva plus que d’acclamer la personnalité arrivée pour faire s’installer la paix entre les deux camps et oublia comme par enchantement la cause de leur présence dans le quartier juif. Dans les rues furent retrouvés gourdins, haches, et couteaux abandonnés de ci de là.
Dans la communauté fortement ébranlée les Juifs continuèrent à célébrer cette date avec reconnaissance envers le Créateur.