Le Maghreb : face cachée du conflit au Moyen-Orient, Partie 1

Si nous acceptons que la Géopolitique est régie par les rapports de puissance entre les Etats, alors nous pouvons convenir de 3 types de relations en interaction ou non:

Ceux de puissance locale, de puissance régionale et de superpuissance. Chaque événement est un moyen d’affirmer cette puissance.

Il y a des règles. Puis il y a des événements qui, mis en itération avec ces règles, permettent de faire un diagnostic.

Un pays arabe d’Afrique peut-il être une puissance régionale ?

Le Maroc ne fait pas partie de l’Union Africaine (OUA) et ne se présente pas en puissance régionale.

L’Algérie est le plus grand pays d’Afrique mais tourne le dos à son Sud.

La Tunisie, à l’image des autres pays du Maghreb, dispose de peu de relations avec l’Afrique. Environ 2% des échanges commerciaux se font avec l’Afrique subsaharienne. TunisAir ne dessert que 7 destinations africaines. Pourtant, la Tunisie est le principal pays fondateur de l’Organisation de l’Union Africaine.

La Libye n’est plus celle de l’interventionniste Kadhafi.

Le Maghreb, coincé entre le Nord et le Sud, à moins de se suffire à lui-même, n’a d’autre choix que de se tourner vers l’Orient. Le Maghreb, pour se suffire à lui-même, devrait déjà s’organiser derrière un leader.

Localement, qui pourrait seulement imaginer des relations « normalisées » entre les pays du Maghreb avant d’envisager une unité maghrébine ?

Que vaut l’unité du monde arabe ? A ce niveau, avant d’être des pays arabes, le Maghreb, bien qu’il le refuse, est africain. Il subit un double isolement, celui qu’aucun de ses membres ne soit une puissance régionale et celui d’être Africain sans l’être vraiment.

Tahar ben Jelloun développait que  la langue arabe est une langue sacrée et qu’en conséquence, il ne peut y avoir de communauté culturelle arabe en dehors de la religion.

La culture maghrébine, parce que sous influence arabe, se veut « wijdan ». Le sens est un rapport équitable entre la raison et le cœur. Le paradoxe semble insoluble puisque Ben Jelloun, dans « le Terrorisme expliqué aux enfants », éditions du Seuil, propose une lecture apaisée du Coran. Il oublie que l’Islam n’est pas le Coran seul. La première mise en évidence peut être que les conversions se dispensent de l’interprétation par la « langue de la Révélation coranique ».

Cette unité, l’Islam semble seul à pouvoir la conduire.

L’unité du monde arabe demeure une pensée de Gauche, laïque. Se positionner en tant qu’arabe revient à se soumettre aux sources orientales. Ce sont celles du Califat et de son territoire. Les musulmans radicaux du Maghreb qualifiaient souvent Atatürk de « porc alcoolisé ».  Depuis l’arrivée d’Erdogan au pouvoir, la Turquie leur est un modèle.

Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahdha, déclare lors d’un débat avec un adversaire laïc :

« Pourquoi sommes-nous rapprochés d’un modèle qui est loin de notre pensée, comme les talibans ou le modèle saoudien, alors qu’il existe d’autres modèles islamiques à succès qui sont proches de nous, comme les modèles turc, malaisien et indonésien ; des modèles qui combinent islam et modernité ? »

L’idéologie des Frères Musulmans est, au Maghreb, à géométrie politiquement variable. Leur force dialectique, en Afrique du Nord, est de se coller au wijdan.

Les Etats, en dehors du Maroc, sont chacun en quête d’identité. Par ce « wijdan », la religion est le cœur et l’arabisme serait la raison.

Or, la complexité, d’après Edgar Morin, est une somme qui dépasse l’addition des parties qui composent le tout. Nous pourrions, ici, relever que l’identité séculaire est encore avant tout tribale pour les dirigeants maghrébins et que les minorités berbères sont loin d’être « minoritaires ».

La quête d’identité des pays maghrébins ne peut qu’accompagner des troubles intérieurs.

Le malaise identitaire maghrébin va particulièrement faire écho à la cause palestinienne. Celui qui sera le plus actif pour les Palestiniens sera écouté avec le plus d’attention. La question palestinienne est celle qui sera la plus facile à s’approprier. Ce peuple sorti de nulle part est un parent direct.

La situation du Maghreb est particulièrement complexe. Bref, si le dénominateur commun d’une identité est l’Islam, le regard se porte vers l’Orient pour paraphraser Khalil Gibran parlant de l’irrationnelle affection.

Cette complexité permet de faire un constat simple :

Le général De Gaulle affirmait que « les Etats n’ont pas d’amis, qu’ils n’ont que des intérêts », et il avait tort.

La géopolitique est de la métapolitique. Les grandes décisions sont, avant tout, des choix irrationnels. Ils sont simplement en synergie avec des intérêts qui deviennent justificatifs, alibis. Le complexe d‘infériorité culturelle du Maghrébin vis-à-vis du paradis où vit le jour le prophète Mahomet est patent. D’un point de vue neuropsychologique, sa soumission, conforme à l’Islam, sera la gratification qui est son intérêt.

Cette situation politique du Maghreb est du pain béni pour les puissances régionales du Moyen-Orient, du Machrek. La fitna, la loi du plus fort entre le Bien musulman et le Mal, ne coûte, alors, rien. Lorsque le Qatar vient financer le « printemps arabe », le retour sur investissement sera double.

La nature a horreur du vide, dit-on. L’Afrique du Nord a besoin d’une puissance régionale et par identité « à l’identique », les puissances régionales du Moyen-Orient peuvent occuper cette fonction.

Une des caractéristiques du Moyen-Orient tient à la lutte pour la suprématie régionale entre 4 puissances, Turquie, Arabie, Iran et Egypte et dont deux, seulement, sont arabes.

Une caractéristique du Maghreb est l’autoroute transméditerranéenne qui relie l’Afrique à l’Europe.

Le Maghreb peut être un facteur d’influence majeur en Europe. Il peut, également, être un pourvoyeur de troupes supplétives. Le système de la Fitna, qui prévaut en Orient, est un système de type féodal. L’Etat inféodé devra s’exécuter.

Enfin, dans une lutte de domination et d’influence, qu’elle soit économique ou strictement politique, quand les parts de marché sont établies, la lutte se résume à des parts de clients. La victoire totale ne se tient plus que dans un contexte de conflit asymétrique. Dans un conflit de basse intensité qui oppose des forces en présence équilibrées, le « petit plus » devient stratégique. Sur un champ de course de plus de 2000m, la distance  entre le vainqueur et le deuxième est souvent de quelques centimètres. C’est cette petite distance qui est stratégique et non les 2000m.

Le Maghreb est ce « petit  plus » pour la Turquie ou pour les Séouds.

Le Maghreb n’est rien. Il peut faire beaucoup.

Mais avant de porter une capacité de nuisance, le territoire peut sombrer dans la violence extrême. L’exemple libyen le démontre. Les territoires fragiles sont toujours la proie des prédateurs. C’est une loi de la nature.

Les événements en Afrique du Nord sont donc la conséquence de la faiblesse de l’identité maghrébine. Ils sont largement prévisibles.

Les activités du Maréchal Haftar en Libye, premier à accepter un cessez-le-feu et premier à quitter Moscou ce mardi sans signer l’accord, les rôles-clé de la Russie et de la Turquie sur les événements libyens ne devraient pas surprendre. Il en est de même avec la politique intérieure algérienne après les dernières élections, car quels peuvent être les vrais défis pour Tebboune, seul maître à bord de l’Algérie ? La faiblesse est un appel à la corruption.

Algérie : Haftar Erdogan

 

La question sécuritaire est la seule vraie question qui compte en Tunisie et l’enlisement de Habib Jemli était inéluctable.

Le Maghreb est le théâtre d’opérations extérieures des puissances du Moyen-Orient. C’est leur marché et elles y mettront le souk.

En parallèle, la région Maghreb, partie englobée d’un territoire arabo-musulman global animé par les puissances régionales, est également le lieu d’opposition de superpuissances : Chine, Russie, USA, ne serait-ce que par régulation des activités des puissances régionales. Mais déjà, qui instrumentalise qui ?

Alors nous comprendrons à quel point la menace pour l’Europe et la France d’un Maghreb soumis à l’influence orientale est un vrai danger. Car les attentats islamistes ne sont que la partie visible d’un théâtre des opérations globales sur le territoire européen pour affirmer une puissance arabo-musulmane au Moyen-Orient.

Par ©Gilles Falavigna

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Massinissa le grand Africain

Les maghrébins ne sont ni arabes, ni européens. Nous ne sommes ni Occidentaux, ni Orientaux comme le disait le Grand Abane Ramdane, architecte de la révolution Algérienne. Nous sommes Berbères et nous l’avons toujours été, ceux qui connaissent l’Histoire et le Maghreb le savent. Ni arabes, ni sémites, juste Nord Africains.

tudmir

Les Maghrébins parlent arabe, le Maghreb fait partie du monde arabo-musulman depuis plus de mille ans donc les Maghrébins, qui ne sont plus vraiment des Berbères mais issus d’un mélange de Berbères et de Sémites avec des apports subsahariens et européens voire turcs, sont arabes ou fortement arabisés. La « désarabisation » n’est pas pour demain, surtout qu’il y a plus de Berbères qui s’arabisent que de Maghrébins qui se « (re)berbérisent ». Pour mettre tout le monde d’accord, je pense même que le Maghreb sera submergé -comme d’autres parties du monde- par les Noirs, qui seront 3 ou 4 milliards vers 2100. Il n’y aura plus de distinction entre Nord-Africains et Subsahariens, il y aura juste des Africains noirs et, à mon humble avis, en grande majorité islamisés et arabisés.

Asher Cohen

@tudmir
Bien plus de 1000 ans avant l’arrivée du colonisateur arabe, les Berbères existaient avec une langue spécifique, un système d’écriture, une culture et des religions. Pourquoi vouloir imposer une arabité à des gens qui ne sont pas arabes? A quel titre prétendriez-vous définir l’identité de gens qui se sont déjà définis par eux-mêmes dès l’Antiquité? A quel titre vouloir imposer la langue arabe et l’Islam à des gens qui avaient déjà leur propre langue et leur propres religions? En quoi seraient-ils des hommes libres dans ce cas? D’ailleurs vous ne précisez même-pas ce que leur apporte l’arabité et l’islam.

Jugurtha Roi Berbère d'Algérie

Je suis du Maghreb et j’ai jamais entendu le mot Abide pour désigner les noirs, on dit « ka7louche » ou « k’hel » qui veut dire noir, tout simplement. Comme en Europe on dit « les Noirs » ou dans le monde Anglo Saxon on parle de « Black ». Je pense que vous avez tellement la haine du Maghreb que vous inventez des mensonges juste pour salir les maghrébins. Le mensonge et la diffamation ne payent pas.

Stra

Je pense sincèrement qu’une des raisons c’est le mépris des arabes envers les noirs. Ils sont d’accord de les convertir à l’islam, mais c’est juste pour les asservir.
Les plus grands esclavagistes étaient bien des arabes, n’est ce pas ?

LE CHAT DORT

bien sur

les musulmans du Maghreb continuent de désigner les noirs sous le terme méprisant de « Abide » ( esclave)