« Aux Etats-Unis, le krach boursier est là »

La correction subie par Wall Street entre le 18 et le 21 janvier n’est qu’un avant-goût du choc qui attend la France, encore protégée par la planche à billets de la Banque centrale européenne et les déficits budgétaires.

Les Français ne le savent pas encore, protégés des soubresauts des marchés financiers par la planche à billets de la Banque centrale européenne (BCE) et par les déficits budgétaires français, mais le krach est là. Wall Street connaît une sérieuse dégelée et a vécu du 18 au 21 janvier sa pire semaine depuis le début de la pandémie. Le recul n’épargne plus les stars technologiques (Apple, Amazon, Netflix…), et le Nasdaq a perdu plus de 15 % depuis son plus haut, en novembre 2021. L’indice général S&P 500 est en retrait près de 8 %, avec aucune bonne nouvelle en perspective.

Ah si : le phénomène devrait ravir les pourfendeurs des milliardaires. Selon l’agence Bloomberg, Elon Musk (Tesla) a perdu près de 100 milliards de dollars, sa fortune étant passée de 338 milliards en novembre à 243 milliards le 21 janvier. Jeff Bezos, patron d’Amazon, a « fondu » de 45 milliards et ne détient plus que 177 milliards. Pour Bill Gates, la baisse est 25 milliards de dollars (avec une fortune estimée à 129 milliards). Depuis le 1er janvier 2022, les dix premiers milliardaires de la planète ont perdu 125 milliards de dollars, soit 9 % de leur fortune, sans que rien ne change sur la planète. Ils avaient gagné 402 milliards en 2021.

Dans tout krach, on finit par trouver un gagnant. Warren Buffett, propriétaire de Berkshire Hathaway, s’en sort : le sage d’Omaha, investisseur dans des actions traditionnelles (plus Apple), avait réalisé une mauvaise performance pendant la pandémie. Mais celles-ci résistent mieux en période de hausse des taux. Lentement, la « tortue » Buffett rattrape les « lièvres » de Wall Street, en particulier Cathie Wood, star des dernières années pour avoir investi dans les valeurs d’hypercroissance, dopées par l’argent gratuit et la pandémie. Son fonds ARKK a été divisé par deux en un an, avec la fin de la spéculation effrénée, le recul de la pandémie et la perspective de hausse des taux (les dividendes de demain et donc les actions valent moins si le taux d’actualisation augmente).

La Bourse ouvre les yeux

L’appauvrissement des milliardaires ne rend personne plus riche. L’affaire menace plutôt de rincer les boursicoteurs, qui avaient découvert le chemin de Wall Street grâce à l’épargne forcée de la pandémie, et de grignoter les fonds de retraite des Américains. Voilà qui risque d’aggraver la morosité des ménages, déjà déprimés par l’inflation (7 % en décembre) qui réduit les salaires réels (en recul annuel de 2,3 %). Le maintien de la consommation n’est donc pas garanti.

Les mauvaises nouvelles s’accumulent aux Etats-Unis : la Réserve fédérale va remonter ses taux à court terme au moins à quatre reprises cette année, et laisser filer les taux longs en cessant d’acheter des bons du Trésor, ce qui va ralentir l’économie et faire baisser les actions. Les profits ne sont pas assurés en raison des goulets d’étranglement persistants sur le marché du travail et les matières premières. L’économie sera moins stimulée avec la baisse du déficit budgétaire, le plan de relance de Joe Biden arrivant à échéance et son programme social et environnemental étant bloqué au Sénat. Ajoutons-y les risques géopolitiques avec une Amérique faible, malmenée sur les fronts russe, chinois, nord-coréen, iranien : l’année 2022 ressemble à une « course d’obstacles », comme l’a observé la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, au Forum virtuel de Davos, le 21 janvier.

La course d’obstacles avait commencé au printemps 2021, avec l’effondrement des Special Purpose Acquisition Companies (SPAC), qui achetaient tout à n’importe quel prix grâce à l’argent gratuit fourni par les banques centrales. Début janvier, la Bourse a enfin ouvert les yeux sur les mauvaises nouvelles. Les investisseurs américains ont cherché à se réfugier vers les valeurs sûres, à croissance et dividendes garantis : les actions du pétrole et du gaz – peu importent les engagements sur le climat ; et même les actions européennes jugées sous-évaluées. Mais la politique de taux négatifs de la BCE ne fait que retarder l’arrivée de la correction en Europe. Le krach ne fait sans doute que commencer.

La crise boursière est le reflet d’une économie qui ne va pas aussi bien qu’on le dit. La reprise ralentit, l’inflation prend du souffle, les taux d’intérêt risquent fort de grimper, et la dette avec de l’argent gratuit risque de devenir un poids ingérable.

Son accélération pourrait venir perturber l’élection présidentielle. Jusqu’à présent la majorité avait pour argument en parlant de l’opposition « ils n’auraient pas fait mieux » maintenant on risque de dire « ils n’auraient pas pu faire pire », tant tous les voyants sont au rouge vif. Macron a mangé son pain blanc, attention à la zone de turbulence qui arrive, mais pas seulement pour Macron, mais aussi pour le patrimoine financier des Français.

JForum – Le Monde

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