Tous les mercredis, ministres et députés se l’arrachent: un siècle après sa création, Le Canard enchaîné, toujours en noir et blanc, sans photos ni véritable site internet, rencontre toujours le même succès en kiosque, une réussite bâtie à coups de révélations qui ont malmené les pouvoirs.

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Des diamants de Bokassa offerts au président Valéry Giscard d’Estaing à l’appartement de fonction du ministre de l’Économie Hervé Gaymard ou du secrétaire général de la CGT Thierry Lepaon, les affaires dévoilées par l’hebdomadaire depuis les années 1970 ont pesé sur la vie politique jusqu’à pousser certains responsables à la démission. Et sa célèbre page 2, « La Mare aux canards », qui dévoile les coulisses du pouvoir, est toujours aussi redoutée.

Alliance de satire, d’investigation et d’humour, ce journal de huit pages, à la maquette surannée, dont les journalistes cultivent la discrétion, signant souvent sous des pseudonymes, fait aujourd’hui figure d’ovni dans la presse mondiale. À l’heure où les applications des journaux se battent pour séduire les utilisateurs et figurer sur tablettes et smartphones, l’hebdomadaire conserve son format « quotidien » (36 cm sur 56), peu commode dans le métro ou le bus.

Sans publicité, Le Canard enchaîné a choisi de naviguer à contre-courant, malgré la concurrence de nouveaux sites d’investigation comme Mediapart : sans application, ni compte Facebook, et avec un compte Twitter au contenu limité. Comme son site internet, où à quelques très rares exceptions, seules les unes sont publiées.

Le journal satirique s’écoule encore à près de 390 000 exemplaires chaque semaine

« Ils sont menacés par l’instantanéité, les choses finissent par fuiter. Peut-être que l’avenir leur donnera raison, mais en n’étant pas sur le numérique, la marque est absente et, dans dix ans, les jeunes ne connaîtront plus le nom du Canard enchaîné », estime Laurent Valdiguié, rédacteur en chef du Journal du Dimanche et auteur, en 2008, d’un livre sur l’hebdomadaire.
« Notre formule, ça fait vintage et un peu ringard, mais en même temps ça marche », répond Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef du « Palmipède ». « On ne dit pas qu’on n’évoluera jamais, mais on le fait avec prudence. Les sites (des journaux, ndlr) en publiant leur contenu sur internet gratuitement se sont piratés eux-mêmes. Le secret de la liberté, c’est d’être indépendant financièrement. »
Deux anniversaires

Ce monstre sacré de la presse française, qui ne fait rien comme les autres, aura… deux anniversaires. La première version du journal, parue le 10 septembre 1915, n’avait connu que cinq numéros avant d’être « sabordée » par son fondateur Maurice Maréchal pour reparaître l’année suivante avec une nouvelle formule. Le titre, qui parle dans son dernier éditorial de « faux-départ » en 1915, fêtera donc officiellement ses 100 ans le 5 juillet 2016.

« C’est ce jour-là qu’a redémarré la numérotation actuelle et le décompte des années », ajoute l’hebdo aux 4 949 numéros, qui assume cette « décision arbitraire ». En 2014, le journal a un peu mieux résisté que le reste de la presse, avec une baisse de ses ventes de 2,5 %, mais un résultat financier positif. Seul titre à publier ses comptes, il a annoncé une diffusion payée de 389 567 exemplaires en moyenne l’an dernier. Ses abonnements ont baissé de 4,4 %, mais les ventes en kiosque se sont quasiment maintenues (-0,9 %).
Assis « sur un tas d’or »

Le Canard reste bénéficiaire : ses recettes ont à peine baissé l’an dernier, à 24,4 millions d’euros contre 25,2 millions en 2013 et 30,1 millions en 2012, et son bénéfice a même légèrement augmenté, à 2,4 millions en 2014 contre 2 millions en 2013. « Ils sont assis sur un tas d’or (leur réserve est évaluée à une centaine de millions d’euros, selon les experts), mais pour combien de temps ? D’autant qu’ils sont cernés par Mediapart du côté de l’investigation et par Le Gorafi sur la dérision », décrypte l’historien de la presse Patrick Eveno, qui pointe également un lectorat « vieillissant, en recul et provincial ».

Alain Townley est de ceux-là. « Je le lis depuis la fac. Je suis content d’avoir cette publication critique et extrêmement bien renseignée. Le jour où il aura disparu, on aura de quoi s’inquiéter ! » pense de médecin de 68 ans, installé en Savoie.

Martin Michenot, 34 ans et Parisien, est aussi un fidèle : « Avec lui, j’ai vraiment l’impression d’être informé et son côté anachronique n’est pas pour me déplaire : ça donne la préférence au fond. »

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sudouest.fr

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