«Je pensais que ma vie était finie»: amputée des deux jambes après l’attentat de Bruxelles, Béatrice est devenue athlète de haut niveau

TÉMOIGNAGE – Cette Franco-Américaine de 24 ans a été la première rescapée à témoigner au procès des attentats de Bruxelles. Cette miraculée au mental hors du commun s’est confiée au Figaro.

Béatrice de Lavalette, 24 ans, et son cheval en mars 2022.

Béatrice de Lavalette, 24 ans, et son cheval en mars 2022. Elena Dotoli (photo fournie au Figaro).

 

Mardi 22 mars 2016. Une jeune fille de 17 ans traîne ses lourds bagages dans le hall de l’aéroport de Bruxelles-Zaventem. Direction la Floride, où elle doit rejoindre ses parents pour les vacances. Cette heureuse perspective et l’insouciance de la lycéenne vont voler en éclats en une fraction de seconde.

À 7h58, deux terroristes islamistes se font exploser au milieu de la foule. La jeune fille est littéralement projetée en l’air. «J’ai le souvenir de me réveiller sur le sol de l’aéroport. J’avais des trous partout dans le corps et des morceaux de métaux dans le dos. Ma jambe faisait un angle droit. J’ai essayé de me lever mais j’en étais incapable», confie Béatrice de Lavalette. Immobilisée, elle voit des valises dévorées par les flammes sous un épais nuage noir.

Alors que les secouristes s’affairent autour d’elle, la jeune fille hurle en levant la main pour qu’on lui vienne en aide. En vain. Elle comprendra plus tard qu’elle n’était pas «prioritaire» dans le triage des urgentistes. «J’étais marquée par un scotch rouge car il y avait peu de chance que je survive», explique Béatrice.

Un long combat pour se reconstruire

Finalement évacuée de l’aéroport, parmi les tout derniers, Béatrice tombe inconsciente puis est plongée dans le coma. La jeune fille reprend connaissance à l’hôpital au bout d’un mois. Entre-temps, elle a été amputée des deux jambes, juste en dessous des genoux. Elle a également subi une trentaine d’opérations, dont des transplantations de peau aux jambes, mains et épaules.

«À 17 ans, quand votre vie est changée en un instant, vous ne savez pas quoi faire. Je pensais que ma vie était finie, que je n’avais plus de futur», se souvient Béatrice. «Pendant longtemps je n’ai pas voulu revoir mes amis car je ne voulais pas qu’ils me voient comme ça. Je ne ressemblais plus du tout à la personne que j’étais avant», poursuit-elle.

Désormais en fauteuil roulant, Béatrice de Lavalette entame une longue rééducation. «Utiliser mes mains, mes doigts, mes bras… J’ai dû réapprendre à tout faire. J’ai eu beaucoup de moments de découragement mais heureusement j’avais ma famille et mes amis», raconte-t-elle. En octobre 2017, la jeune femme originaire de Versailles s’envole pour les États-Unis. Là-bas, elle poursuit sa rééducation au «Naval Medical Center» de San Diego, normalement réservé aux grands blessés de l’armée américaine. Son frère vient s’installer sur place pour s’occuper d’elle.

Malgré le drame, son rêve d’enfant – devenir cavalière professionnelle – reste dans un coin de sa tête. La jeune femme commence à s’entraîner avec son cheval. Mais le quotidien n’est pas simple à gérer. Béatrice connaît plusieurs phases de dépression. «J’ai connu un gros bas de septembre 2018 à juin 2019. Mon école n’était pas adaptée pour avoir une personne en chaise roulante. J’étais dépressive et j’ai été admise à l’hôpital», se souvient-elle.

Les jeux paralympiques de 2024 en ligne de mire

Après des mois de travail acharné et plusieurs compétitions, elle finit par intégrer l’équipe américaine paralympique de sport équestre en 2021. Béatrice monte son cheval à l’aide de prothèses. «Je n’ai aucune sensation en dessous des hanches, ce n’est pas très compliqué à mettre. Elles sont là pour l’équilibre», détaille-t-elle.

L’adrénaline de la compétition mais aussi un travail de fond avec une thérapeute ont contribué à sa reconstruction. «J’ai passé beaucoup de temps avec ma thérapeute à parler de ce qu’il s’est passé, de ce que j’ai vu… Elle m’a appris à vivre avec, sans que ça m’affecte dans la vie de tous les jours. Ce qu’il s’est passé me rentre dans la tête de temps en temps mais ça ne m’empêche pas de vivre ma vie», explique-t-elle.

Béatrice de Lavalette vit aujourd’hui outre-Atlantique. Elle s’entraîne avec son cheval et fait de la gymnastique avec un entraîneur personnel, trois à quatre fois par semaine. Huit ans après avoir frôlé la mort à Bruxelles, elle portera les couleurs américaines lors des jeux paralympiques de 2024 à Paris.

Un procès hors normes

La jeune femme a été la première à témoigner au procès des attentats de Bruxelles, lundi 6 mars. «Je voulais raconter au jury ce qui s’est passé. Il était important pour moi de montrer que je me suis reconstruite et que je vais bien. Les terroristes, je m’en fiche», explique Béatrice. Le procès, qui s’est ouvert début décembre, doit durer encore quatre mois environ. Les quatre semaines à venir sont consacrées aux témoignages des rescapés et proches des victimes.

Le 22 mars 2016, deux djihadistes – Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui – s’étaient fait exploser à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem et un troisième – Khalid El Bakraoui – dans le métro de la capitale européenne, causant au total 32 morts et plus de 300 blessés. Ces attaques avaient été revendiquées par le groupe État islamique (EI). Neuf accusés, dont Salah Abdeslam et Mohamed Abrini – «l’homme au chapeau» qui aurait renoncé à se faire exploser à l’aéroport –, font face à un millier de parties civiles.

Par Guillaume Poingt  www.lefigaro.fr/

Béatrice de Lavalette, 24 ans, et son cheval en mars 2022. Elena Dotoli (photo fournie au Figaro).

 

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andre

Immense admiration pour cette jeune femme, pour son courage, sa volonte, son intelligence. J’espere qu’elle aura de grands succes aux jeux paralympiques.