Les insultes subies par Alain Finkielkraut montrent comment le mot « sioniste » a remplacé « juif » dans un certain discours antisémite. Par Pierre Breteau
« Barre-toi, sale sioniste de merde », « grosse merde sioniste », « nous sommes le peuple », « la France, elle est à nous », ont crié plusieurs manifestants vêtus de gilets jaunes à l’endroit de l’académicien Alain Finkielkraut, samedi 16 février. Dimanche, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion ».
Peut-on considérer que M. Finkielkraut a été victime d’insultes antisémites alors même que ses agresseurs n’ont pas prononcé le mot « juif » – en tout cas dans la partie audible de la vidéo qui a recueilli la scène ? Oui, sans aucun doute. Pourtant, les termes « judaïsme » et « sionisme » ne sont pas interchangeables.
Pour résumer à grands traits, l’antisémitisme est, selon les mots du journaliste et historien Dominique Vidal, « la haine des juifs, qui s’exprime sous des formes très diverses ». Une forme de racisme donc, envers une religion et non une ethnie.
L’antisionisme, en revanche, est, toujours selon Dominique Vidal, « la critique d’une pensée politique, celle de Theodor Herzl », inventeur du concept à la fin du XIXe siècle, qui vise à établir un Etat juif en Palestine.
Il peut s’agir alors de critiquer la politique menée par l’Etat d’Israël et son expansion territoriale, ou bien de considérer l’existence même du pays ou ses frontières comme critiquables ou illégitimes.
Racisme d’un côté, opposition doctrinale de l’autre, donc. Mais les deux termes tendent de plus en plus à se lier.
En juillet 2017, Emmanuel Macron lançait ainsi : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme », lors de la commémoration de la rafle du Vélodrome d’hiver, en présence du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.
De l’origine du glissement
Le vieux courant antisémite français, d’origine chrétienne – « les juifs ont tué Jésus » –, existe depuis le Moyen Age et a perduré dans la France des XIXe et XXe siècles. La figure du juif « apatride », financier cynique et acharné à la perte des peuples, qu’on retrouve dans toute l’iconographie du début du XXe siècle, fut moins visible après la seconde guerre mondiale et la Shoah, sans disparaître totalement des mentalités.
En outre, ajoute Dominique Vidal, ce courant s’est « mélangé avec un antisémitisme qui avait des origines culturelle ou religieuse liées à l’islam ».
Le courant sioniste est lié, lui aussi, à l’antisémitisme à la fin du XIXe siècle. Face aux persécutions, l’idée est de trouver un foyer au peuple juif. Il a été théorisé, en 1897, par Theodor Herzl, un journaliste austro-hongrois.
Il dira plus tard que l’affaire Dreyfus a motivé son engagement, puisque même dans un Etat de droit comme la France, où les juifs ne sont pas discriminés, « ils ne parviennent pas à s’assimiler », et c’est la source de sa théorie, explique Dominique Vidal. Le mouvement a abouti à la création d’un « foyer national juif », Israël, en 1948.
L’antisémitisme, apparenté au racisme, est puni par la loi. Mais l’antisionisme, en tant que critique d’un projet politique, ne l’est pas.
D’où un usage de plus en plus répandu du terme « antisionisme » pour parler en réalité d’antisémitisme, voire de « sioniste » pour « juif ».
Juin 1967 souk d’Oujda (Maroc) : la chanson d’Oum Kalçoum passe en boucle :
« adbah adbah el yehoud » (égorge égorge le Juif) =>15 morts à la sortie de la synagogue de Berkane.
Février 1975 nécro d’Oum Kalçoum par un journaliste palestinien dans le journal Libération :
« certains lui reprochent sa chanson ‘tue l’ennemi sioniste’ »
Depuis au moins 45 ans, la Gauche entend « sioniste » quand un arabophone dit « Juif » et réciproquement.
Le » sioniste » est venu au secours de l’antisémite peu courageux .
Quelle aubaine pour la pourriture .
Je suis fier d’être Juif et sioniste et leur odeur m’indispose .