Hommage à Roland GOETSCHEL za »l (2) 1930- 2025

Je partis ensuite au Maroc pour devenir professeur de Lettres au Collège Abd El Moumen à Oujda qui est la capitale du Maroc Oriental. j’y retrouvais le pasteur Atgé et son épouse, que j’avais côtoyés en licence de philo. Avec des professeurs algériens, agrégés de mathématiques, nous avons organisé un cercle d’études judéo-christiano-musulman autour de la figure d’Abraham. Plus tard , nous avons appris que lesdits professeurs étaient des chefs de la wilaya 6 qui combattaient l’armée française en Algérie.

Nous avons été accueillis par la communauté juive à bras ouverts. Mon épouse n’était arrivée qu’un mois après la rentrée, ayant accouché de notre premier fils. Toutes nos affaires se trouvaient bloquées à Oran à la suite d’un naufrage, et la famille Bensoussan nous recueillit généreusement. J’était parvenu chez eux par leur gendre Jean-Paul Amoyelle, future personnalité de ‘Otser haTorah : en allant prier à la petite synagogue algérienne de la ville, j’avais fait sa connaissance grâce au Sefat Emet qu’il était en train de lire. Oujda avait encore deux synagogues : une grande synagogue marocaine et une belle petite shule espagnole fondée par d’anciens tangérois où je me rendais pour l’office de min’ha, le Shabath après-midi . Je donnais ma contribution à la communauté sous forme de conférences au DEJJ (Département Educatif de la Jeunesse Juive) local, et d’un cercle d’études sur le Maharal qui se réunissait chez nous, 14 rue de Taforalt.

Je passai l’écrit du CAPES de philosophie l’année suivante, à Casablanca où j’avais retrouvé la famille Fraenkel (mon cousin André Fraenkel était à ce moment là délégué du Joint au Maroc), et ensuite l’oral à Paris où je me souviens d’avoir expliqué un paragraphe du Discours de Métaphysique de Leibnitz . A la suite de quoi nous décidâmes, Nicole et moi- même de revenir dans notre chère Alsace, où je passais l’année au Centre Pédagogique Régional de Strasbourg.  

En Octobre 1961, je fus nommé professeur certifié de Philosophie au Lycée de Saint- Avold (Moselle). J’y côtoyais mon ami le professeur Freddy Raphaël, alors enseignant d’anglais. C’était assez dur pour nous de faire le trajet Saint Avold -Strasbourg et d’y transporter nos gamelles jusqu’au vendredi. En 1962, je fus nommé au Lycée de Sélestat, ce qui me mettait à une demi-heure de Strasbourg. J’y suis resté jusqu’en 1967. J’ai fréquenté à cette époque le séminaire du Professeur Louis Bourgey, grand spécialiste d’Hippocrate et qui a a publié Les Stoïciens dans la collection de la Pléiade.

En 1967, le Lycée Kléber à Strasbourg m’ouvrit ses portes. J’y enseignai la philosophie avec mes anciens conseillers pédagogiques : Baas et Rontchewski . J’ai décidé alors de préparer une thèse de troisième cycle avec André Neher. Le sujet choisi fut : La signification du Livre d’Esther dans la Pensée rabbinique. Mon jury présidé par André Neher, comprenait L. Bourgey, et le Doyen Marcel Simon, éminent historien du judaïsme antique et des débuts du christianisme.

A la suite de quoi ,je partis pour Vincennes (Paris VIII) comme maître-assistant au département d’Hébreu que dirigeait Haïm Zafrani za »l. Ce fut une expérience étonnante que d’enseigner dans cette université d’avant-garde. C’est à ce moment là,que je suis entré en contact avec le Professeur Georges Vajda za »l et que j’ai commencé à rédiger sous sa direction mon doctorat d’Etat. Tous les mercredis, j’assistais à son séminaire, alors que le lundis après midi, après avoir travaillé à la Bibliothèque Nationale, nous allions de concert, une fois par mois,écouter une conférence a la Société des Études Juives.

Je choisis comme sujet de thèse: Meïr Ibn Gabbay. Le discours de la Kabbale Espagnole. La soutenance eut lieu le 2 Juin 1977 dans la salle Liard de la Sorbonne. Le jury comprenait Colette Caillat, spécialiste éminente du jaïnisme, le Professeur Gerard Weil, za »l, Haïm Zafrani, ainsi que Geoges Vajda.

A la suite de l’alyah d’André Neher à Jérusalem, je fus élu par l’Université de Strasbourg II pour lui succéder en 1976. J’y restai jusqu’en 1991, date à laquelle la Sorbonne (Paris IV) créa pour moi une chaire de Langue et de Civilisation hébraïques que j’ai occupée jusqu’en 1996. Ces années là, j’ai aussi présidé les jurys de l’agrégation et du CAPES d’Hébreu. Autre occupation, je faisais aussi partie de la quinzième section (Langues diverses) du Conseil national des Universités. J’ai retrouvé Paul Ricoeur à la section philosophie de la Commission Nationale du Livre qu’il présidait alors.

Côté juif, j’ai présidé la commission universitaire du F.S.J.U. avec le concours des regrettés Louis Cohn za »l et Prosper Elkouby za »l. J’ai également présidé la Société des Études Juives. Comme quoi le métier de professeur à la Sorbonne n’était pas une sinécure d’autant que je continuais chaque semaine à faire le trajet Strasbourg-Paris aller-retour. J’ai pris une retraite anticipée cette année-là et l’on m’a accordé le titre de Professeur émérite. Je continue à donner régulièrement des séminaires à l’institut Martin Buber de l’Université Libre de Bruxelles dont je suis professeur associé.
En 1990, j’ai reçu le diplôme de ‘Haver des mains du grand rabbin René Gutman et du rabbin Alain Weill, à la Synagogue du Mercaz à Strasbourg.

Nous avons fait notre alyah en 2001 à Jérusalem et y vivons heureux, entourés de nos enfants (Rachel, Daniel, Sammy, Judith et Anne), petit enfants et arrière petits-enfants, amis anciens et nouveaux.
Mon occupation essentielle est la fréquentation de la bibliothèque Gershom Sholem, située dans la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Jérusalem à Givat Ram. C’est non seulement un lieu où sont rassemblé toutes les sources, documents et livres concernant la mystique juive mais aussi endroit d’échanges féconds entre chercheurs du mondes entier.
Pour ne pas trop nous encroûter ici , nous avons voyagé à l’étranger : USA et Russie, ce qui est toujours enrichissant . Espérons que Dieu nous accordera encore de nombreux jours à vivre dans la paix de Jérusalem.

Roland Goetschel a quitté ce monde le 8 mars 2025 à Jérusalem.

Professeur émérite des Universités.
Ancien Directeur du département Hébraïques et Juives de l’Université de Strasbourg II.
Directeur du Centre d’Etudes Juives de l’ Université de Paris-Sorbonne.
Professeur associé à l’Université Libre de Bruxelles.
Membre de l’Académie Européenne des Sciences et des Arts de Salzbourg.
Président de la Société des Études Juives
Publications principales :
– Meir Ibn Gabbay , Le discours de la Kabbale Espagnole, Louvain 1981.
– La Kabbale (Que-Sais-Je) Paris, 2005.
– Abravanel, Conseiller des Princes et Philosophe, 1994.
Nombreux articles et éditeur de plusieurs colloques.

JForum.fr avec www.judaisme-alsalor.fr/
prise de parole à un colloque

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires