CNews : Itinéraire d’une mise au ban

Sous la pression des militants sectaires de Reporters sans frontières, le Conseil d’État a sommé l’Arcom de revoir les règles du pluralisme à l’antenne, visant particulièrement CNews et mettant en péril les principes fondamentaux de la liberté d’expression. Itinéraire d’une grave dérive qui pourrait faire date.

CNews, le nouvel ennemi public n°1.  

Il est comme ça, Pascal Praud, il répond furtivement à Valeurs actuelles puis raccroche, ajourne, demande de rappeler. Incontestablement, il fait partie de la caste des hommes qui comptent, qui dérangent. Alors, lorsqu’il nous répond un laconique « No – comment. J’ai déjà tout dit à l’antenne », Valeurs actuelles n’en prend pas ombrage. On le sait : Pascal Praud manque de temps. Depuis quelques jours, CNews est devenue la cible d’un aréopage de censeurs qui tentent, coûte que coûte, de faire taire la chaîne d’info qui monte. Cette fois, nulle question des “géants endormis”, les Sleeping Giants, ces vengeurs numériques masqués, tapis dans l’ombre et protégés par l’anonymat du Net. Ni des menaces d’une ex-ministre de la Culture zélée qui insinuait, en février 2023, que CNews pourrait perdre sa fréquence d’ici 2025 si elle enfreignait les obscures “obligations à respecter”. Non, la dernière offensive contre le canal propriété de Vincent Bolloré, encore plus pernicieuse, vient du Conseil d’État, mis sous pression par l’opiniâtreté des journalistes-militants de Reporters sans frontières (RSF). Un tandem infernal qui veut mettre la liberté d’expression à genoux.

​Tout est parti d’un coup de billard à trois bandes. En novembre 2021, l’organisation non gouvernementale (ONG), supposément apartisane, décide de saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Elle exige la mise en demeure de la chaîne CNews pour « manquements à ses obligations légales d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information ». Comprenez : à ses yeux, la chaîne d’information, qui a redynamisé un groupe Canal+ moribond au mitan des années 2010, serait trop conservatrice, trop réactionnaire, trop tout. Nullement intimidée par les gesticulations de RSF, l’instance régulatrice de l’audiovisuel français balaie d’un revers de main la requête de l’ONG. Mais l’association veut s’offrir à tout prix le scalp de l’épouvantail Bolloré. Alors, elle s’entête, persévère et dépose, le 13 avril 2022, un recours auprès du Conseil d’État, instance qu’elle sait nouvellement gangrenée par le gauchisme.

​RSF fait confiance à une “sommité”, François Jost, sémiologue et professeur émérite en sciences de la communication – et accessoirement « fidèle de la gauche depuis toujours » selon ses confidences à Libération, en 2015 – pour rédiger un rapport à charge qui attestera d’une surreprésentation de la droite et de l’extrême droite sur CNews. « RSF m’a demandé de faire une analyse objective de ce qui se passait pour présenter des arguments au Conseil d’État pour dire : “Vous voyez, la chaîne n’est pas pluraliste” », admet le principal intéressé sur Sud Radio, le 15 février.

​En 2022, pendant cinq jours, François Jost a pour mission de regarder trois émissions – l’Heure des prosFace à l’info et la Matinale – et de noter l’orientation politique supposée de chaque intervenant sur son calepin, avant de remettre le rapport à l’autorité. « Ce n’est en rien représentatif, voire cela flirte avec la désinformation », s’étouffe l’animatrice de Face à l’info, Christine Kelly, ex-membre du CSA, l’ancêtre de l’Arcom. Qu’importe. Deux ans après, le 13 février 2024, le Conseil d’État rend un avis favorable au document soumis par le docteur ès pluralisme et affirme que la droite et l’extrême droite, jamais définies dans l’“étude”, occuperaient près de 78 % (!) du temps d’antenne.

Un contrôle plus arbitraire

« Le rapport ne présente pas les qualités requises pour être une étude fiable, valide, souffle Christine Kelly. De plus, se fonder sur un court extrait, deux ans plus tard, et en tirer des conséquences ? Cela pose question. » La plus haute juridiction administrative française n’en a cure et donne un ultimatum à l’Arcom : elle a six mois, pas un de plus, pour réexaminer « le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information ». Sous peine d’une lourde amende.

​Pour mener à bien sa mission, le gendarme de l’audiovisuel devra suivre une nouvelle méthode plus stricte, mais beaucoup plus arbitraire. Désormais, il faudra « prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ». Depuis la loi de 1986 sur l’audiovisuel, le pluralisme à la télévision repose sur l’équilibre entre le temps de parole des personnalités politiques, et uniquement celles-là. Une époque révolue : l’expression de tout intervenant en plateau, qu’il soit chroniqueur, invité ou éditorialiste, sera rigoureusement scrutée.

Pour classer idéologiquement un journaliste de Valeurs actuelles ou de l’Obs, par exemple, son parcours pourra être disséqué, décortiqué, ses prises de position médiatiques analysées. Denis Olivennes, le directeur de Libération, est-il de gauche, de centre gauche ou d’extrême gauche ? Alexis Brézet, le directeur du Figaro, est-il de droite ou centre droit ? L’engrenage, aussi kafkaïen qu’orwellien, inquiète, car il repose « plus sur des considérations politico-morales que sur des éléments juridiques », selon Joseph MacéScaron, l’ancien directeur de la rédaction de Marianne.

« Il est singulier que le Conseil d’État fasse peser les contraintes du pluralisme interne sur un opérateur privé », s’alarme, avec un sens certain de la litote, Jean-Éric Schoettl, ancien directeur du CSA. « Il faudra beaucoup de ressources humaines pour assurer le classement et le fichage et défrichage des chroniqueurs du paysage audiovisuel français », souffle un membre de l’Arcom à Valeurs actuelles.

« L’organisme fera sûrement appel à l’intelligence artificielle, qui, nous le savons tous, peut être orientée politiquement. Les Duhamel, Saint-Criq, Salamé n’y échapperont pas. L’Arcom va devoir étiqueter tout le monde, mais quid du fichier au regard du droit ? » Dans le monde idéal du Conseil d’État, un bon contradicteur est un contradicteur fiché. Une technique aussi implacable que diabolique. « Cette décision, en plus d’être scandaleuse, nous enseigne que la liberté n’est jamais acquise et qu’il faut systématiquement se battre pour la préserver », confie Jérôme Béglé, directeur général de la rédaction de Paris Match. À l’origine de cette dérive, un journaliste obstiné.

Faire de CNews un paria, à tout prix

Tous ses compagnons de route le concèdent aisément : Christophe Deloire est un journaliste rigoureux, consciencieux et opiniâtre. Le secrétaire général de Reporters sans frontières ne s’en est jamais caché : l’extrême droite est loin d’être sa tasse de thé. Deloire abhorre les médias détenus par Vincent Bolloré, principalement. Certains détails ne trompent pas. Il est l’homme qui a mené la fronde durant l’été 2023 pour s’opposer à l’arrivée de Geoffroy Lejeune, ex-directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, à la tête du Journal du dimanche (JDD), dans le sillage de la grève lancée par les membres de la société des journalistes de l’hebdomadaire dominical. « Là où Vincent Bolloré passe, le journalisme trépasse », déclarait-il au micro de France Inter en juillet, en guise d’avertissement.

Alors, lorsqu’il apprend que son recours devant le Conseil d’État a été approuvé, c’est la consécration. « C’est une victoire », réagit-il auprès de Valeurs actuelle s quelques minutes après l’“heureux” dénouement, visiblement peu conscient de la gravité du moment. Au téléphone, l’enthousiasme du journaliste paraît pourtant douché, son souffle, coupé. Quelques minutes auparavant, il s’empoignait encore sur le plateau de l’ Heure des pros avec Éric Naulleau, Charlotte d’Ornellas, Olivier Dartigolles et consorts, une assemblée de contradicteurs auxquels il compte couper le sifflet. L’algarade cathodique, aussi éprouvante que violente, a laissé entrevoir un Deloire incapable de développer le moindre argumentaire pour défendre sa thèse. « Il est mal à l’aise, car il ne pense pas ce qu’il dit », trahira un ancien proche dans les colonnes du JDD, quelques jours après. La voix chevrotante, Christophe Deloire tente de sauver la face : « Le plateau que je viens de vivre, où j’ai été très violemment pris à partie par Pascal Praud et son équipe, vient confirmer notre diagnostic : le débat n’existe pas sur CNews. » Puis, comme touché dans son orgueil, il se reprend. « Oui, je l’affirme. La chaîne est uniquement dans une volonté d’orienter les opinions. Oui, il y existe un système Bolloré, qui se comporte souvent comme un rédacteur en chef. Il s’immisce régulièrement dans les lignes éditoriales des médias qu’il dirige. »

À l’origine de la croisade, un procès d’intention. CNews serait coupable de « tester la démocratie » et « participerait à la fragmentation de la société française », selon Deloire. « Mais que dire de Mediapart et des livres d’Edwy Plenel, qui divisent eux aussi les Français ? C’est totalement arbitraire », s’interroge Christophe Barbier, ex- directeur de la rédaction de l ’Express et chroniqueur sur BFM TV. On l’a bien compris, cette caste-là a choisi son camp. Pour elle, impossible que France Inter ou France Culture, radios financées par nos impôts, veuillent façonner l’imaginaire de leurs auditeurs selon leur grille de lecture progressiste. Que les tutos “wokistes” prodigués par France. tv Slash, faits de shows de dragqueens ou de cours sur le genre, contaminent les cerveaux des plus jeunes esprits. « J’ai l’impression qu’ils [les conseillers d’État, NDLR] creusent plus profondément dans la bêtise, murmure notre cadre de l’Arcom. Cette injonction, c’est ouvrir la boîte de Pandore. »

Car le Conseil d’État, aux ordres des oukases de Deloire, semble avoir la mémoire courte. Oubliés les 70 % du temps de parole monopolisés par la Nupes sur France Inter lors des deux premières semaines de la campagne des législatives de 2022, selon le décompte de l’Arcom. Oubliées les élucubrations des philosophes et des sociologues bienpensants qui ont leur rond de serviette sur les ondes du service public. Oubliées les personnalités de gauche, à l’image de la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, et de la députée écolo Sandrine Rousseau, qui refusent systématiquement les invitations répétées de CNews. Les censeurs poursuivent un seul but. Faire de la chaîne un paria, une pestiférée. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir. « Tout le monde devrait se sentir en danger avec cette décision du Conseil d’État, cingle Étienne Gernelle, directeur de la rédaction du PointFaudra-t-il prochainement établir des fiches de journalistes ? C’est invraisemblable, ahurissant. Ceux qui se réjouissent de cette décision ne comprennent pas qu’ils seront les prochains sur la liste. On entre dans un cycle infernal. »

Le triomphe des chantres de la “cancel culture”

Au sein de la classe politique, le même sentiment de stupeur mâtiné de dégoût prédomine. Une seule question se pose : aujourd’hui CNews, mais qui demain ? « C’est une décision grave, dangereuse et terriblement symptomatique », dénonce dans le JDD Florent Bachelier, ex-député Renaissance et ancien questeur de l’Assemblée nationale. « Sous prétexte d’équilibre, on assiste à une extension sidérante du contrôle de la liberté de s’exprimer », déplore Robert Ménard, maire de Béziers et ancien secrétaire général de Reporters sans frontières, qui observe « avec stupéfaction » la dérive de l’ONG qu’il a fondée. « C’est plus qu’un dévoiement de la cause fondamentale de RSF. C’est la trahison d’une ONG gangrenée par des rapports incestueux avec la gauche. »

Il y a fort à parier que RSF n’a cure des anathèmes pleins de bon sens de Robert Ménard. En une semaine, les militants ont accompli une grande partie de leur mission : mettre à la fois CNews au pas et au cœur du débat. La saisine de RSF a saturé l’espace médiatique. On a fait les comptes, devisé sur la couleur politique de tel chroniqueur ou tel commentateur. Des éditorialistes – pour l’heure pas encore fichés – y sont allés de leurs pronostics, souvent hasardeux, ont ergoté sur le vote de tel invité à la dernière présidentielle. Aurélien Saintoul, député insoumis des Hauts-de-Seine, s’est réjoui sur les antennes de LCP d’une « décision très bienvenue ». On s’est même moqué du modus operandi privilégié par François Jost – encore lui – qui a préconisé, en guise de classement objectif des chroniqueurs politiques, de suivre la nomenclature du… Monde.

« On voit bien que, pour ces gens-là, il existe des bonnes opinions et des opinions dangereuses », ironise l’avocat Pierre Gentillet, intervenant régulier sur CNews. Surtout, les apôtres de la cancel culture ont pu se délecter du spectacle. Ce désastre-là, c’est avant tout leur triomphe, leur butin de guerre. « On a l’impression que Conseil d’État voudrait supprimer le pluralisme pour obtenir une sorte de neutralité, un lissage des médias, analyse Christophe Barbier. Mais il faut rappeler que notre trésor, c’est le pluralisme, pas l’uniformité. » AK_C_13Finalement, il faut la sagesse d’un ex-ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, pour mettre fin à ce triste charivari, reconnaissant que CNews est « une chaîne clairement orientée à droite, mais en a parfaitement le droit », une sortie fidèle au rôle de funambule qu’on lui connaît. Et de conclure, en guise d’ultime pirouette : « Je regarde CNews de temps en temps et suis beaucoup plus choqué par les propos antisémites de membres de LFI ou les frais de séjour au festival de Cannes de dirigeants de France Télé visions, par exemple. Il existe un deux poids, deux mesures flagrant entre le sort réservé aux différentes parties. » On ne saurait mieux dire.

Valeurs Actuelles

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Franck DEBANNER

Comme nous disons depuis le 30/09/2000 : – « Les propagandistes, c’est comme les déchets, nous n’en exterminerons jamais assez ! ».

Pauliltique

La Gauche a choisi d’ étouffer toute voix divergente, toute voix différente. Une insulte à la démocratie.