logojusticebertrand-45-c0a62
 
Le 18 février 2015, la Cour Suprême israélienne a annulé la décision de la commission électorale qui avait invalidé la candidature de la députée palestinienne Hanin Zoabi en vue des élections législatives programmées le 17 mars 2015. La décision de la Cour Suprême a, d’ailleurs, été prise à la quasi unanimité puisque 8 des 9 juges se sont prononcés en faveur de la candidature de Zoabi.
 
 
Les partis travaillistes et Hatnoua (dirigés par Herzog et Livni) avaient pourtant soutenu les partis de la droite israélienne pour invalider la candidature de la députée palestinienne et la commission électorale s’était finalement fondée sur plusieurs critères :
 
         La député du parti Balad avait critiqué, de façon virulente, l’opération bordure protectrice entreprise dans la Bande de Gaza au cours de l’été 2014, visant à stopper la pluie de roquette sur Israël tirés depuis la Bande de Gaza.
 
         En 2010, elle avait participé à la flottille, à bord du navire turc « Marmara », dont l’objet était de briser le blocus de la Bande de Gaza. Des militants palestiniens avaient alors agressé des militaires de Tsahal qui l’arraisonnaient.  
 
         Au cours de l’été 2014, la député « palestinienne » (elle se définit ainsi) avait été démise de ses fonctions pour une durée de 6 mois, pour avoir dénié publiquement la qualité de terroristes, des meurtriers des trois militaires israéliens qui avaient été enlevés avant d’être sauvagement assassinés.
 
         En août 2014, elle a publiquement condamné « les crimes israéliens contre le peuple palestinien de Gaza », en le qualifiant de « crime de guerre ».
 
Désormais, la députée palestinienne de la Knesset exulte.
 
Suite à l’invalidation de sa candidature, elle avait affirmé que la démocratie israélienne était une « plaisanterie » qui conteste « la lutte politique du peuple palestinien ». A Nazareth, elle avait alors déclaré qu’Israël « ne veut pas voir à la Knesset, des représentants qui se battent pour le peuple palestinien » (sic).
 
Plus spécifiquement, elle n’a pas manqué d’avancer : « je suis une palestinienne et la lutte pour les palestiniens est mon combat. M’interdire de me présenter aux élections ne vise pas que moi mais aussi la lutte des palestiniens dans leur ensemble » (sic).
Elle avait alors conclut son allocution en soutenant : «  s’il y a du terrorisme dans mon pays, sa seule source est l’occupation israélienne et l’injustice » (comme si son pays était la Palestine à l’intérieur des frontière israéliennes).
 
Naturellement, elle a indiqué que si « Netanyahou, Herzog ou Livni remportaient les élections, ils ne reconnaîtraient en rien les revendications palestiniennes et notamment faire de Jérusalem Est la capitale de la Palestine ou revenir aux frontières d’avant 1967 (c‘est à dire revenir à la délimitation de la ligne d’armistice de l’Etat d’Israël avec les pays arabes en 1949) » (sic).
 
Le parti arabe unifié avait alors indiqué que si « le camp sioniste de gauche franchissait cette étape, il n’apporterait pas son soutien à un gouvernement de gauche ». Hanin Zoabi avait alors conclu en indiquant qu’il n’y avait pas « de différences fondamentales entre l’aile droite et le camp sioniste de gauche ».
 
La décision de la Cour Suprême est donc surprenante à plus d’un titre.
 
Tout d’abord, elle viole la Loi fondamentale sur la Knesset du 12 février 1958, qui exige une parfaite loyauté des députés  israéliens à l’égard de l’Etat hébreu. D’ailleurs l’article 15 de cette loi met à la charge des députés l’obligation de prêter allégeance à l’Etat d’Israël selon la formule suivante : « je promets de faire allégeance à l’Etat d’Israël et de m’acquitter loyalement de mon mandat ».
 
Cette déclaration d’allégeance revêt un caractère fondamental puisque l’article 16 de la Loi précise que le député ne peut jouir de ses prérogatives tant qu’il n’a pas effectué cette déclaration, pour éviter qu’ils ne se livrent à des actes déloyaux ou à d’autres infidélités à l’égard de l’Etat juif.
 
Plus grave, la loi fondamentale envisage le cas des députés qui auraient une citoyenneté additionnelle. En pareille hypothèse, l’article 16 A de la Loi fondamentale exige de lui qu’il « se libère de l’autre citoyenneté  et (bien évidemment), lui interdit de déclarer allégeance à l’Etat d’Israël, tant qu’il ne se sera pas libéré de cette autre citoyenneté, le privant de ses droits de membre la Knesset avant toute déclaration sur ce point ». Ces textes, à valeur constitutionnelle, définissent donc clairement les conditions à remplir par les députés de la Knesset pour qu’il puissent exercer leur mandat.
 
Au cas particulier, la député palestinienne Zoabi a bien une citoyenneté autre, puisqu’elle ne cache pas son identité palestinienne, elle viole régulièrement son serment d’allégeance tout en conservant ses droits de membres à la Knesset.
 
La décision de la commission électorale ayant invalidé sa candidature était donc parfaitement justifiée au regard de la norme juridique israélienne, ce qui constitue une violation, par la Cour Suprême, de la Loi fondamentale.
 
En outre, cette décision de la Cour Suprême contredit les dispositions du projet de la loi « anti-terrorisme » sanctionnant les citoyens arabes d’Israël qui apporteraient leur concours aux opérations des terroristes palestiniens ou qui les cautionneraient.
Ainsi, la question se pose donc de savoir si la Cour Suprême en Israël (instance juridictionnelle correspondant au plus haut degré de juridiction), peut prendre des décisions qui contredisent la Loi fondamentale de la Knesset alors qu’elle a valeur constitutionnelle au sein du pays, en l’absence de constitution, c’est à dire dont la valeur normative se situe au plus haut degré dans la hiérarchie des normes juridiques de l’Etat hébreu. A titre de comparaison, c’est un peu comme si la Cour de Cassation, dont la vocation est d’unifier le Droit en France, rendait une décision contredisant la Constitution française qui constitue le cadre normatif.    
 
Enfin, non seulement la Cour suprême israélienne viole les textes ayant valeur constitutionnelle, mais en outre elle viole les bases du système politique et démocratique israélien. En Effet, le système israélien repose sur le principe de séparation des pouvoirs, législatif (qui édicte la loi), exécutif (qui l’exécute) et judiciaire (qui sanctionne sa violation).
 
Ainsi, la rôle de la Cour Suprême est de contrôler l’application de la Loi et de sanctionner son non respect en se fondant sur les textes de lois (qui émanent du pouvoir judiciaire) pour prendre ses décisions. Elle ne peut en aucun cas se substituer à lui, sauf à violer également le principe de séparation des pouvoirs.
 
Dans les régimes démocratiques, il peut arriver que le pouvoir judiciaire, palie, ou supplée la carence de la Loi ou qu’il interpréte les textes sujet à double sens, pour donner un éclairage en cas de contradiction, mais il ne peut en aucun cas, se substituer au législateur. Si donc la Cour Suprême viole les institutions nationales, Israël pourra difficilement exiger de ses ennemis qu’ils le respectent. En effet, c’est un peu comme s’il ne se respectait pas lui même.
 
Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach
 

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires