Quand des plongeurs (amateurs) jouent aux archéologues en Israël
Des apnéistes multiplient les découvertes dans le nord d’Israël. Après des amphores romaines et une ancre préhistorique, ils ont remonté une épée médiévale.
« L’engouement des Israéliens pour la plongée a du bon. » Jacob Sharvit, directeur de l’unité de recherches maritimes de l’Autorité des antiquités de l’État hébreu (IAA) se réjouit de la multiplication des clubs dans cette discipline. « Depuis les derniers Jeux olympiques, les apnéistes sont de plus en plus nombreux et ils font des découvertes archéologiques formidables », poursuit-il.
Depuis plusieurs mois, des plongeurs amateurs ont ainsi permis à ses équipes de remonter une série d’artefacts intéressants dans le secteur d’Atlit (dans le nord d’Israël). L’été dernier, plusieurs amphores romaines, datées entre le IIe et le IIIe siècle avant notre ère, ont ainsi été repérées par des nageurs dans cette baie venteuse située à mi-distance entre Césarée et Haïfa. « Nous les avons repêchées après leur signalement », évoque Jacob Sharvit, que ses amis surnomment Koby.

Pesant près de 1,8 kilo, cette épée richement incrustée de pierres serait postérieure à la troisième croisade qui opposa une coalition européenne, englobant le roi de France Philippe Auguste, l’empereur germanique Frédéric Barberousse et le roi d’Angleterre Richard Cœur-de-Lion, à l’armée de Saladin, alors sultan d’Égypte. Le conflit s’acheva en 1192. Au terme du traité de Jaffa, le littoral passa sous contrôle européen, tandis que l’arrière-pays, dont Jérusalem, restait entre les mains de Saladin.

Nir Distelfeld, inspecteur des découvertes archéologiques sur le secteur, indique dans un communiqué que cette découverte confirme l’importance du site comme lieu de mouillage utilisé depuis plus de 4 000 ans par les marins de la région. Dans le secteur, plusieurs fouilles ont dévoilé le peuplement de collines dès l’époque préhistorique à Tel Dor, mais aussi Tel Nami. Leur approvisionnement par voie maritime restait en revanche mal connu. Bien que difficile d’accès, en raison des courants qui traversent la baie et poussent les embarcations à s’éperonner sur le rivage rocheux, la plage mitoyenne pourrait avoir été un lieu de débarquement au Moyen Âge.
En 1217, une forteresse a été érigée en cet endroit lors de la cinquième croisade. Les ruines de cet édifice, baptisé château Pélerin, entouré d’une enceinte de 280 mètres de longueur sur 160 de largeur demeurent visibles sur une petite péninsule dominant la plaine voisine où des points d’eau douce et des marais salants pourraient avoir attiré les marins.
Aucun port n’a cependant été retrouvé, à ce jour, dans la zone. Mais des morceaux de tuyauterie en plomb de l’époque romaine attestent que des constructions existaient là il y a plus de deux millénaires. « Nous avons les premières pièces du puzzle. Elles sont encore éparses. À nous d’en trouver d’autres et surtout de reconstituer le motif d’ensemble », indique Jacob Sharvit. Le chercheur fonde l’espoir que d’autres découvertes interviennent cet hiver. « À cette période, les tempêtes agitent les fonds et sont susceptibles de mettre au jour des épaves », espère-t-il.

La cause et la date de la submersion de cette zone d’habitat préhistorique ne sont pas tranchées à ce jour. Pour une équipe de géologues italiens, placée sous l’autorité de Maria Pareschi, le village aurait été englouti lors d’un raz-de-marée provoqué par une éruption de l’Etna, il y a 8 000 ans.
Les archéologues israéliens estiment plutôt que c’est le réchauffement climatique qui est responsable de la montée des eaux. En ce point, le niveau de la mer a monté d’au moins 16 mètres depuis la fin de l’ère glaciaire. En 2015, le département d’archéologie sous-marine de l’IAA avait, par ailleurs, retrouvé un trésor de près de 2 600 pièces en or, datée de l’époque du califat fatimide (autour de l’an Mil) au large de Césarée.
Par Baudouin Eschapasse Publié le
La découverte d’une épée médiévale à Atlit a été rendue publique le 20 octobre dernier.© IAA
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