Les dirigeants nationalistes de Corse ont crié victoire samedi et salué une « mobilisation énorme » pour la manifestation qu’ils organisaient à Ajaccio, trois jours avant une visite d’Emmanuel Macron, et qui a rassemblé jusqu’à 25.000 personnes selon eux, et jusqu’à 6.000 personnes selon la préfecture.

« C’est une mobilisation sans précédent ces dernières années, c’est énorme », s’est réjoui auprès de l’AFP le leader nationaliste Gilles Simeoni à la fin de la manifestation, qui s’est achevée dans le calme peu avant 17H00.

« C’est un message très fort qui est envoyé par les Corses. Maintenant, au président de la République de dire, de parler, et, je l’espère, de montrer qu’il a entendu ce que nous avons dit aujourd’hui », a-t-il ajouté.

Trois jours avant la visite d’Emmanuel Macron, qui doit notamment participer à la commémoration du 20e anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac, une forte mobilisation et l’absence d’incidents étaient les deux enjeux majeurs pour les dirigeants nationalistes de cette île de 330.000 habitants, pour poser un rapport de forces avec l’exécutif et obtenir davantage dans de futures négociations, notamment en matière d’autonomie.

Les organisateurs attendaient officiellement 8.000 à 10.000 manifestants, selon des estimations données à l’AFP dans la matinée. Finalement, à l’issue d’un défilé qui s’est déroulé sans aucun incident, ils ont estimé la participation à 22.000 à 25.000 personnes, alors que la préfecture en a dénombré quatre fois moins, entre 5.600 et 6.000.

-‘Mobilisation dans la durée’-

À titre de comparaison, le 11 février 1998, cinq jours après l’assassinat du préfet Claude Érignac, quelque 15.000 personnes à Ajaccio et 13.000 à Bastia, selon la police, avaient manifesté pour exprimer leur refus de la violence.

« Je crois qu’il va y avoir une mobilisation dans la durée, les Corses devront être mobilisés pour nous soutenir, pas seulement avec leurs suffrages », avait estimé samedi, avant le départ du défilé, l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, allié de l’autonomiste Gilles Simeoni à la tête de l’île depuis leur large victoire en décembre, qui leur a donné les clés de la nouvelle collectivité territoriale, qui fusionne les anciens conseils départementaux et l’ex-région.

Rassemblé derrière le slogan « Demucrazia è rispettu pè u populu Corsu » (« Démocratie et respect pour le peuple corse »), le cortège a été ouvert par des jeunes filles aux épaules recouvertes du drapeau corse. Les manifestants ont notamment scandé « Vive la lutte d’indépendance ! » ou « État français assassin! ». Sur la voiture de tête, une banderole « Amnistia », référence à l’une des principales demandes des nationalistes, l’amnistie des « prisonniers politiques ».

La manifestation visait à « convaincre » le président Macron d' »ouvrir un dialogue », avait expliqué vendredi à l’AFP M. Simeoni.

Pour l’autonomiste, ce rassemblement constituait une réponse aux « fins de non-recevoir sur la quasi-totalité des dossiers » – co-officialité de la langue corse, rapprochement et amnistie des prisonniers, statut de résident, inscription de la Corse dans la Constitution – qu’il a présentés la semaine dernière à Paris au Premier ministre Edouard Philippe, avec M. Talamoni.

– Repoussoir –

Matignon avait semblé surpris par la déception des élus nationalistes, évoquant un « dialogue constructif ». « À l’issue de cet échange, chacun a d’ailleurs convenu que nous entrions dans une nouvelle phase politique », avait-on fait valoir dans l’entourage de M. Philippe.

À l’Élysée, l’heure est à l’attente et à l’observation. La visite présidentielle est prévue vingt ans, jour pour jour, après la mort du préfet Claude Erignac, assassiné par balles le 6 février 1998 à Ajaccio par un militant indépendantiste.

Compliquant un peu plus la position de Gilles Simeoni, la manifestation a compté parmi ses rangs Charles Pieri, ex-chef du Front de libération nationale corse (FLNC), mouvement radical indépendantiste auteur de nombreux attentats en Corse qui a déposé les armes en 2014.

Sa présence a pu agir comme un repoussoir pour certains, qui entendent se désolidariser de la période de violences indépendantistes qui a meurtri l’histoire de la Corse. Le retour sur le devant de la scène de cet ex-dirigeant du FLNC pourrait « être utilisé par Paris pour mettre à distance un certain nombre des revendications nationalistes », résume pour l’AFP le politologue Xavier Crettiez.

AFP

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