DES ADOLESCENTS : ENTRE CONSCIENT ET INCONSCIENT
Ces adolescents qui s’ennuient… le jeudi
Jeudi 14 février : cimetière juif de Sarre-Union dans le Bas-Rhin, cinq adolescents âgés entre 15 et 17 ans, pas tout à fait des gamins donc, vandalisent, renversent, bousculent, près de 250 à 300 tombes juives. Ils ont même détérioré la plaque en l’honneur des déportés qui se trouve à l’entrée du cimetière, ont ouvert des caveaux mais sans toucher aux morts. C’est la plus importante profanation jamais faite dans ce cimetière qui, malheureusement en a connu d’autres. Ces adolescents n’ont aucun antécédent judiciaire, sont scolarisés normalement, vivent dans des familles sans doute respectables…
Ce qu’ils disent : c’est que leur acte n’était pas un acte de vandalisme antisémite. Bien que profaner un cimetière relève de l’anthropologie. On ne touche pas aux sépultures ni aux morts… Toucher à un cimetière relève d’une régression de la civilisation, puisque celle-ci s’est justement édifiée à partir du moment où l’humain a fait des sépultures pour ses morts. Il s’est alors inscrit dans une histoire, dans une filiation….Ces adolescents ne savaient pas non plus qu’il s’agissait d’un cimetière juif. Difficile encore de les croire, de penser qu’ils n’ont pas reconnu la calligraphie hébraïque des tombes, les étoiles de David qui bien souvent y figurent, qu’ils n’aient pas lus, car c’était entre 15h00 et 18h00, encore en plein jour donc, les noms des déportés sur la plaque qu’ils ont détériorée, à moins qu’ils ne sachent pas lire ou n’aient pas bien suivi leur cours d’histoire ! Bref, disent-ils, ils ne savaient pas !
Il y en a un autre qui ne savait pas. Lui ignorait qu’il avait tué son père Laïos et qu’il avait épousé sa mère, Jocaste. Œdipe ne savait pas, comme l’enfant pris dans le vertige et les tensions qu’il vit avec ses parents, qu’il soit enfant ou adolescent, ne sait pas que c’est, comme on dit, son complexe d’œdipe qui le travaille et lui cause tant de tourments…Admettons que l’on puisse croire ces adolescents « qui ne savaient pas », ce que nous sommes certains par contre, c’est que leur inconscient lui, savait…
L’inconscient qui sait….
Il n’est pas possible que ces cinq adolescents ignoraient l’actualité récente à moins de vivre sur Mars. Il n’est pas possible qu’ils n’aient pas vu les manifestations mondiales contre les assassins de Paris et de Copenhague… Mais bon, admettons qu’ils n’ont pas mis leurs actes en relation avec l’actualité brûlante de ces derniers mois, cela ne peut s’expliquer que par le biais du clivage, ou du refoulement. Et si, dans cette histoire, il y en a un qui sait, c’est bien l’inconscient. Il sait lui ce qui est refoulé ou clivé, et nous, nous savons que le retour du refoulé dans le réel, c’est le symptôme. Le symptôme est aux enfants ce que le problème est aux parents, dit-on souvent en psychologie de l’enfant. Alors oui, si ces cinq adolescents, inconscients-conscients ne savaient pas comme ils le disent, c’est qu’ils auraient été porteurs, passeurs dans le réel du symptôme, non pas de leur parents, mais des adultes, de cette société française, et par extension de cette « civilisation » qui verse depuis des siècles dans l’antisémitisme dont on voit aujourd’hui la recrudescence monstrueuse.
Autrement dit, si, en profanant un cimetière juif, ces adolescents ne savaient pas ce qu’ils faisaient, alors ils n’ont fait que traduire inconsciemment, et en miroir, par leur acte délinquant, le symptôme antisémite par lequel le monde continue sa bascule et sa régression…
Jean-Marc Alcalay, Psychologue clinicien, Psychanalyste
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