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Auschwitz : Batsheva Dagan, 95 ans, continue de témoigner

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75 ans d’Auschwitz : Batsheva Dagan, 95 ans, continue de témoigner

Née en Pologne, déportée dans le camp de la mort en 1943, cette Israélienne transmet la mémoire de la Shoah dans ses livres et ses conférences. Témoigner pour faire savoir et pour ne pas oublier le sort de plusieurs millions de Juifs en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.

  • Joel David (correspondant à Jérusalem),
75 ans d’Auschwitz : Batsheva Dagan, 95 ans, continue de témoigner

Quand les Allemands envahissent la Pologne en septembre 1939, Batsheva Dagan vit à Lodz, sa ville natale, avec son père, Shlomo-Fiswel Rubinstein, un tailleur, Fajga, sa mère, couturière, et sept frères et sœurs. Sioniste comme tous les siens, un autre frère a immigré en Palestine avant la guerre. « Fuyant l’avancée de la Wehrmacht, nous nous sommes dispersés. Mes parents se sont réfugiés avec deux de mes sœurs et moi à Radom », raconte-t-elle. Mais, un an plus tard, le piège se referme sur ce havre précaire où un ghetto juif est créé. À 17 ans, Batsheva se retrouve seule. Elle ne reverra aucun de ses proches, disparus ou assassinés dans la tourmente nazie.

Avant son arrestation

Elle rejoint le mouvement sioniste socialiste Hashomer Hatzaïr, qui la charge de s’infiltrer dans le ghetto de Varsovie pour remettre un message à Mordechaï Anilewitcz, chef de la révolte juive.

Elle en rapportera le journal clandestin de son réseau de combattants. Mais, elle est traquée. Munie de faux papiers d’Aryenne, elle tente en 1942 de se fondre dans la foule à Schwerin en Allemagne, où elle trouve un emploi de domestique au sein d’une famille de fervents nazis.

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Quelques mois plus tard, la Gestapo la démasque. « En avril 1943, j’ai été déportée à Auschwitz-Birkenau. Pendant vingt mois, j’ai compté les jours et les nuits, dans la crainte de la mort », se souvient-elle.

Survivre à Auschwitz

Elle nettoie les latrines, cueille à mains nues des orties qui serviront de brouet, trie les monceaux de chaussures et de vêtements des Juifs gazés. « Impossible de rapporter tous les cauchemars du quotidien carcéral, comment on s’endort, comment on se réveille, la faim qui tenaille, la promiscuité permanente, les coups, la peur et le froid », dit-elle.

Et pourtant, il y a des lueurs d’espoir dans cet univers. « À Auschwitz, on m’appelait Isabelle (son prénom d’origine), ou Isa. J’y ai appris beaucoup de poèmes et de chansons, une nourriture spirituelle qui m’a permis de résister, car je cherchais un sens à l’enfer. J’ai aussi appris des langues étrangères et toutes les injures possibles. Une détenue belge m’a enseigné le français, la langue de l’espoir, chaque jour quelques mots. » Impossible d’oublier ces phrases : « On va se débrouiller ! », « Si je vis, nous serons ensemble ! »

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« Face à la barbarie dans les camps, il y avait la dignité humaine préservée par les déportés, la solidarité, le morceau de pain qu’on partage, l’amitié », estime Batsheva Dagan.

La libération

À l’approche de l’Armée rouge, elle survit à deux « marches de la mort » quand ses bourreaux l’évacuent vers les camps de Ravensbrück et Malchow, où elle est finalement libérée en mai 1945. Peu après, elle gagne la Palestine avec son mari rencontré à Bruxelles. Elle y retrouve son frère Zwee, hébraïse son nom, et s’installe à Holon, près de Tel-Aviv, où elle vit toujours dans un appartement fleuri.

Une deuxième vie

« J’ai travaillé dans des jardins d’enfants à Tel-Aviv. Les bambins s’étonnaient de mon numéro tatoué à l’avant-bras, le 45 554 », raconte-t-elle. Ce questionnement l’a incitée à vouloir transmettre l’indicible aux plus petits. « Pour exprimer l’immensité des horreurs, les massacres, les humiliations, il fallait les traduire en fragments, à travers poèmes et chansons », explique-t-elle.

En 1991, son premier livre paraît : Ce qui s’est passé durant la Shoah : récit en rimes pour les enfants qui veulent savoir. Cinq autres ouvrages largement traduits feront autorité pour l’enseignement de la Shoah. En 2009, elle présente ainsi en France Imagination, bénie soit-elle, maudite soit-elle !.

Témoigner, toujours

Un nouveau livre est en préparation, et elle témoigne inlassablement de son expérience devant des conscrits de Tsahal ou dans les écoles. Elle a aussi accompagné sur ses lieux de vie en Europe des groupes formés de jeunes Israéliens et Allemands.

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Lundi 27 janvier, Batsheva Dagan participera à Auschwitz aux cérémonies du 75e anniversaire de la libération du camp. « Il me semble que le monde n’a rien appris des horreurs du nazisme », déplore-t-elle à propos de la résurgence de l’antisémitisme. Mais elle n’aspire pas à la vengeance. « Ma victoire, dit-elle, c’est ma vie, mes deux fils, mes dix petits-enfants et leurs familles. »

la-croix.com

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