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« Astérix et le Griffon » de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad / « Il était une fois à Hollywood » de Quentin Tarantino

Victoire du petit Gaulois (50 ans avant Jésus-Christ) face à Rick Dalton (Los Angeles – 1969).

Novembre se profile. Notre pays s’installe dans un automne chagrin. Les jours raccourcissent et le temps n’a jamais paru aussi incertain. La nuit tombe dès six heures de l’après-midi dans les rues de Tigreville. Les bus parisiens sentent le chien mouillé. Le matin, très tôt, des milliers d’automobilistes fatigués peinent à s’extirper de leurs lointaines banlieues. Le ballet des essuie-glaces rythme le trajet des mères-célibataires au son du ministère amer. Le télétravail, cette vieille utopie des jours de pandémie, s’éloigne au fil des semaines. Le présentiel comme les collants font leur grand retour sous les jupes en flanelle.

Les imperméables fripés s’exfiltrent des penderies tandis que les duffle-coats blottis contre les anoraks attendent patiemment leur bon de sortie. Une envie de potage nous saisit à midi. Au bureau, il nous arrive de comparer sur internet, le confort duveteux des charentaises fabriquées « Made in France ». Sur les marchés, à la campagne, des mémés chaussées de boots fourrées arpentent les allées des maraîchers. La récolte des panais et le prix du fioul domestique sont au cœur de toutes les conversations. D’ici quelques jours, les prix littéraires seront décernés dans l’indifférence générale. L’élection de Miss France aura-t-elle lieu ? Tous les candidats à la présidentielle, ces quémandeurs professionnels, n’ont toujours pas la décence de se taire. Nous les aurons en garde alternée jusqu’au printemps prochain.

Malgré le chaos en marche, il y a quelques raisons d’espérer. Novembre est, par exemple, le mois des produits tripiers. Aucune profession de foi n’égalera une fricassée de rognons. Hier, j’ai rêvé des ris de veau rissolés, ravioles de châtaigne farcies de bouillon de veau aux herbes, chips de châtaigne du chef Guy Savoy. Et puis surtout, le dernier album « Astérix et le Griffon signé Jean-Yves Ferri (textes) et Didier Conrad (dessins) est en vente depuis le 21 octobre.

Astérix est de retour

Il est partout, dans les librairies, les relais, les gares et les supermarchés. Même l’ombre du Z ne fait pas le poids face aux deux irréductibles Gaulois à têtes de gondole. Cet ogre commercial, tombé dans la potion magique en 1959, avalera tout sur son passage. Ses ventes à sept chiffres pourraient heurter notre égalitarisme. Au contraire, cette redoutable machine éditoriale demeure un merveilleux marqueur temporel, indispensable à notre survie. Pour les enfants nés dans les années 1970, c’est un peu la Tapisserie de Bayeux avec phylactères qui prolonge le tissage de notre mémoire. Elle résiste à toutes les vilénies d’une époque mortifère qui salit le moindre espace de tendresse et de nostalgie. Que l’on arrête de vouloir lui faire dire tout et son contraire, il y a assez d’objets politiques en France pour s’abstenir de tout analyser. Goscinny et Uderzo peuvent dormir tranquille, l’héritage perdure benoîtement.

A chaque nouvel album, nous retombons en enfance, insensibles aux critiques et aux pisse-froids. On se moque des querelles d’experts bédéistes. On prend un album d’Astérix et on respire à plein nez le parfum du Tang Orange de nos onze ans, à l’époque bénie des Big Jim et du jeu électronique Simon. Jeudi matin, à la première heure, je l’ai acheté comme jadis mon grand-père recevait l’Almanach Vermot et le catalogue des roses Meilland. Notre peuple, fatigué par tant de polémiques assassines, a besoin de repères bienveillants, d’une quête positive et de cet humour potache qui désamorce les conflits. N’y voyez rien de plus, rien de moins.

Un Astérix dans l’air du temps, est-ce un crime ?

Ce 39ème opus s’adapte gentiment à l’ère du temps (est-ce un crime ?), s’amuse de la parité homme-femme dans l’art de la guerre et n’a pas vocation à devenir un manuel idéologique. Laissez au divertissement le soin de seulement divertir un large public ! Astérix et Obélix partent cette fois-ci à la recherche d’un animal sacré, au précipice du monde, sur le territoire des Sarmates. Terrinconus, le géographe de César aux traits houellebecquiens est particulièrement savoureux ainsi que les deux guides « scythes » qui multiplient les jeux de mots. Si l’on ajoute Idéfix, entre chien et loup qui a reçu l’Appel de la forêt et une belle maîtrise graphique avec des cases grandioses où les paysages gelés explosent, cette BD s’avère très agréable à lire.

Plutôt Astérix qu’un mauvais roman de Tarantino.

Sous le sapin de Noël, elle décevra moins que n’importe quel roman chichiteux primé. C’est le cas de Il était une fois à Hollywood de Quentin Tarantino, ce texte adapté de son splendide film tourne à plat. Trop didactique, trop mécanique, il ne laisse aucune place à l’imaginaire du lecteur. Aucune chance à la transposition littéraire et au dérapage incontrôlé. Il fait office au mieux de bonus, au pire de notes de bas de page.

Et pourtant dieu sait que je suis fan absolu de Rick Dalton et de sa doublure cascade Cliff Booth, à l’écran. La preuve, je porte les mocassins indiens de Brad Pitt et vénère ces héros flamboyants comme les deux ultimes témoins du Los Angeles mythologique. A l’écrit, ces deux-là ennuient, radotent, pontifient. Après cette victoire par K.O du petit Gaulois, l’agenda de novembre nous laissera peu de répit. Car le tome 28 de Blake & Mortimer « Le dernier Espadon » sortira le 19 ! En quoi, je reste fidèle à la maxime de Roger Nimier : « Un homme sans projet est l’ennemi du genre humain ».

Astérix et le Griffon – Jean-Yves Ferri / Didier Conrad – Les éditions Albert René

Il était une fois à Hollywood – Quentin Tarantino – Fayard

Thomas Morales -31 octobre 2021

www. causeur.fr

Astérix 1, Tarantino 0© Les éditions Albert René

 

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