« Je souhaite leur montrer qu’il est possible de se relever même après tant de destructions »

Pour terminer la visite guidée du Musée de l’Histoire Allemande, Yasser Almaamoun s’arrête devant l’exposition dépeignant la réunification du pays. Alors qu’il se tient à côté des vestiges du Mur de Berlin, cet architecte de 30 ans, originaire de Damas, présente à son groupe de réfugiés syriens, les dangers auxquels les Allemands de l’Est ont dû faire face pour essayer d’échapper à l’oppression.

Quelques temps auparavant, il leur a présenté des photos montrant les destructions occasionnées par la Seconde Guerre Mondiale en Allemagne et les atrocités que ce pays avait perpétrées pendant l’Holocauste et, encore avant, en évoquant la Réforme Protestante, il avait décrit les guerres de religions qui avaient ravagé le pays pendant des décennies.

« Il existe des similarités entre la Syrie et l’Allemagne et je souhaite leur montrer qu’il est possible de se relever même après tant de destructions », explique Almaamoun qui est arrivé à Berlin en 2013. « Les réfugiés viennent ici, dans ce musée ; ils voient ce qui a eu lieu en Allemagne par le passé puis, observent ce qu’il en est aujourd’hui ; cela leur donne de l’espoir pour le futur, cela leur montre que notre pays, lui aussi, pourra être reconstruit ».

Polina Garaev

Polina Garaev – « Yasser Almaamoun au musée »

Almaamoun est l’un des 25 réfugiés Syriens et Irakiens qui, dans le cadre du projet Multake, ou « lieu de rencontre » en français, ont suivi une formation pour devenir guide arabophone du musée. Ce projet a débuté il y a un an sous l’égide du Musée d’Art Islamique qui cherchait alors à aider les nouveaux arrivants.

Le musée a recruté des réfugiés aux parcours variés qui purent par la suite choisir de travailler dans l’un des quatre musées de Berlin : le Musée d’Art Islamique, le Musée de l’Antique Proche Orient, le Bode Museum et le Musée de l’Histoire Allemande.

Les réfugiés ont suivi une formation rigoureuse, apprenant tout à la fois les connaissances à propos des œuvres du musée et les méthodes par lesquelles transmettre ces connaissances. Depuis le lancement de ce projet, 4500 visiteurs ont pu profiter de ces visites guidées.

« Nous avons des architectes, des musiciens, des archéologues, des avocats ; je crois que leurs parcours professionnels atypiques, différents de celui d’un guide de musée traditionnel constituent un atout pour nous », explique le directeur du projet Multaka Robert Winkler. « Chacun d’entre eux possède un point de vue unique sur les œuvres du musée, ils les rendent plus ludiques, plus intéressantes et les participants comprennent plus aisément leurs significations ».

Polina Garaev

Polina Garaev – « Robert Winkler »

Pour Winkler, qu’ils puissent être guidés par une personne qui partage la même langue, le même parcours, qu’ils puissent observer la place importante donnée à leur culture dans les institutions Allemandes, aide à l’établissement de liens.

« Par exemple, lorsqu’ils visitent le Musée d’Art Islamique, ils voient des objets de leur propre pays, qu’ils ne s’attendaient peut être pas à trouver à Berlin. Cela leur montre que leur héritage est reconnu et apprécié en Allemagne. Cela améliore le sentiment qu’ils ont d’eux-mêmes et de la place qu’ils occupent dans la société Allemande ; alors, ils peuvent se sentir un petit peu moins comme des étrangers ».

« Cependant, enrichir leurs connaissances de l’histoire Allemande peut aussi les aider à développer un sentiment de familiarité », ajoute Almaamoun. « Lorsque l’un d’eux voit une peinture ou une statue de Bismarck puis entend parler de Bismarckstrasse alors qu’il se promène dans Berlin, son expérience s’en trouve modifiée ; connaissant, il peut alors se sentir concerné ». Nombre de mes amis ont visité le musée et disent à présent « maintenant, lorsque nous irons à Bismarckstrasse, nous pourrons dirent aux autres Je sais qui est Bismark ».

« Nous présentons les dignitaires allemands mais il est tout aussi important d’informer les visiteurs des sombres chapitres de notre histoire », insiste Boris Nitzsche du Musée historique allemand. « Nous voulons montrer comment la société allemande est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, les étapes souvent effroyables et douloureuses par lesquelles elle est passée et les leçons qu’elle en a tirées ».

Aussi, s’arrêter près d’une maquette d’Auschwitz et observer les images des camps de concentration à la libération fait partie intégrante de la visite. « Nous devons être conscients que nombre d’entre eux ont une perspective différente et ne connaissent que peu de choses à propos de l’Holocauste, » continue Nitzsche, « nous souhaitons leur montrer pourquoi l’antisémitisme est un sujet si sensible en Allemagne et en quoi il ne peut être admis socialement. »

Ces connaissances, ces leçons d’histoire peuvent servir aux réfugiés, explique-t-il, et ce, qu’ils décident de les utiliser pour mieux s’intégrer à la société allemande, ou qu’ils choisissent de s’en inspirer pour construire une société moderne et tolérante une fois rentrés dans leur pays.

Pendant ce temps, le projet Multaka continue de se développer, de nouveaux guides sont en formation et de nouveaux ateliers sont proposés tant aux réfugiés qu’aux germanophones.

Toutes les parties concernées décrivent à quel point les réactions ont été chaleureuses, y compris de la part des autorités allemandes et de la communauté muséale internationale, dont les représentants se rendent à Berlin afin d’apprendre comment reproduire le succès de Multaka au-delà des frontières allemandes.

Polina Garaev est la correspondante d’i24news en Allemagne. i24

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires