Après Annapolis, Charm El-Cheikh ou Taba hier, Jérusalem et Jéricho aujourd’hui. Vingt ans après la signature des accords d’Oslo et pour la dixième fois, Israël et l’Autorité palestinienne se retrouvent, depuis le 14 août, pour tenter de négocier la fin d’un conflit qui dure depuis la création de l’Etat hébreu, en 1948. Deux nouvelles rencontres préparatoires ont eu lieu ce mardi à Jérusalem, avant la poursuite de discussions plus approfondies à Jéricho la semaine prochaine.

Début des négociations de paix, lundi 29 juillet à Washington. | REUTERS/YURI GRIPAS

Depuis plus de soixante ans, (NDLR voire un siècle) l’histoire du conflit israélo-palestinien se répète : les périodes de guerre précèdent les instants d’apaisement, puis la région replonge dans la crise – la reprise des discussions bilatérales intervient cette année après l’opération militaire israélienne « Pilier de défense », menée en novembre 2012 dans la Bande de Gaza. Mais si les négociations entre Israël et la Palestine se suivent et se ressemblent, le reste du Proche-Orient évolue rapidement.

Depuis deux ans et demi, la chute de régimes dictatoriaux et les révolutions en cours ont fait tomber la chape de plomb qui pesait depuis plus de quarante ans sur la région et multiplié les zones de tensions dans un Proche-Orient jusqu’ici rythmé par le conflit entre Israël et ses voisins arabes.

« LA PAIX N’AURAIT QUE PEU D’EFFET SUR LES GRANDES CRISES DE LA RÉGION »

Ces récents bouleversements posent alors la question de la place qu’occupe le conflit israélo-palestinien dans la région, à l’heure de la reprise de négociations de paix qualifiées à la fois « d’historiques » et « d’impossibles ». Selon Rashid Khalidi, historien qui faisait partie de la délégation palestinienne lors de la conférence de Madrid ayant abouti aux accords d’Oslo de 1993, ce sont justement ces bouleversements qui poussent les Etats-Unis à peser pour un nouveau processus de paix : « La situation régionale est clairement compliquée par ce qui se passe en Egypte et en Syrie. Il se peut que, à cause de l’impasse dans laquelle se trouve la diplomatie américaine dans la région, les Américains aient choisi d’entamer des négociations maintenant », estime-t-il.

NDLR : l’échec patent des Etats Unis, et de leur alliance avec les Frères Musulmans, font d’eux les dindons de la farce. Les milliards déversés en aide militaire à l’Egypte, n’ont servi en rien, quand on voit le peu d’efficacité de l’armée au Sinaï, et d’être obligé de soutenir l’armée après avoir soutenu leurs ennemis à savoir les frères musulmans. Ce qui démontre l’incohérence de ce qui se dit être une politique moyen-orientale.

Dominique Vidal, auteur de nombreux ouvrages sur le conflit israélo-palestinien, partage ce point de vue : « Pourquoi les Etats-Unis s’investiraient-ils autant dans ces négociations s’ils n’étaient pas persuadés de l’impact que la résolution du conflit pourrait avoir sur la région ? » Selon lui, stabiliser les relations entre Israël et les territoires palestiniens garantit d’apaiser les tensions dans les pays voisins, notamment parce que la cause palestinienne demeure une cause arabe.

Plus qu’un conflit entre Israël et la Palestine, la question de la création d’un Etat palestinien touche en fait l’ensemble des pays arabes. « La cause palestinienne n’est pas le point de départ des révoltes dans les différents pays arabes aujourd’hui, mais continue à jouer un rôle central dans l’IMAGINAIRE politique arabe contemporain et reste, à bien des égards, un élément fédérateur susceptible de mobiliser de larges pans de ces sociétés », nuance Xavier Guignard de l’Institut français du Proche-Orient.

Au-delà du symbole et de la capacité fédératrice de la cause, d’un point de vue géopolitique, les pays limitrophes de l’Etat hébreu ont tous été impliqué dans le conflit, ou le sont encore aujourd’hui. Si l’Egypte et la Jordanie ont signé un traité de paix avec Israël, respectivement en 1979 et en 1994, la plupart des autres pays ne reconnaissent pas l’Etat hébreu, au premier rang desquels l’Iran, la Syrie et le Liban.

Parvenir à la paix entre Israël et la Palestine aurait bien « un effet indirect » sur les récents conflits de la région, reconnaît Rashid Khalidi, sans pouvoir les résoudre pour autant. Les revendications sociales et sociétales des peuples arabes ne trouveront pas de solution à travers la paix entre Israël et la Palestine. « Il se peut que la situation en Syrie soit un peu apaisée, il se peut que le gouvernement jordanien se stabilise. Mais en ce qui concerne les grandes crises de la région, le nucléaire iranien et la situation intérieure en Egypte, la paix n’aurait que peu d’effet », conclut-il.

LA PERSPECTIVE D’UN ACCORD SATISFAISANT POUR TOUS EST FAIBLE

Les conflits en Syrie ou en Egypte, en passant par l’Irak, auraient-ils pris de l’importance face au « vieux » conflit israélo-palestinien ?

Dans un éditorial publié le 29 juillet dans le New York Times, Roger Cohen estime que c’est effectivement le cas : « Il y a plus de tensions actuellement entre les sunnites et les chiites qu’entre la Palestine et Israël« , écrivait l’éditorialiste. Dans un article qui évoque les dix raisons de ne pas croire à la paix entre Israël et la Palestine à l’issue des négociations entamées la semaine dernière, il est indiqué que « la désintégration de l’ordre ancien à travers le Proche-Orient pendant les divers ‘printemps arabes’ a démontré à quel point il est absurde de placer encore la question israélo-palestinienne au centre des problèmes de la région ».

Iris Hersch, historienne à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, ne partage pas cette analyse : « Ces nouvelles zones de tensions ont toujours été des conflits sous-jacents. La question israélo-palestinienne a été et reste un point de tension central dans la région, mais ça n’est pas le seul », analyse-t-elle.

Plutôt que de hiérarchiser les conflits dans une région qui évolue constamment, il convient de se pencher sur le contexte des négociations. C’est leur contenu qui déterminera leur portée. « La paix entre Israéliens et Palestiniens peut être une étape vers l’apaisement des tensions dans la région, à condition qu’elle soit perçue comme juste par les autres pays arabes », précise Iris Hersch.

Or, dans le contexte actuel, la perspective d’un accord satisfaisant pour tous est faible. Tout d’abord parce qu’Israël ne négocie qu’avec la moitié de la Palestine. L’Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas, politiquement affaibli, ne représente que la Cisjordanie, et non la Bande de Gaza, dirigée par le Hamas, élu en 2006. Dans ce contexte, aucun accord ne peut être reconnu par l’ensemble des pays arabes.

Sur le terrain aussi, les conditions ne semblent pas réunies pour trouver un accord « juste » du point de vue de la plupart des pays arabes. Aujourd’hui, près de 500 000 colons juifs vivent dans les territoires de Cisjordanie par Israël. Ils représentent presqu’un Israélien sur six (NDLR : un sur douze, ce qui montre la méconnaissance de l’expert) , et leur nombre progresse, diminuant les chances de retour en arrière : aucun gouvernement ne pourra ignorer un électeur sur six.

De même, aucun pays arabe ne pourra reconnaître un Etat palestinien réduit, amputé de Jérusalem-Est ou d’une partie de la Cisjordanie. Une paix négociée à minima ou qui ne respecterait pas les frontières de 1967, seule alternative qui semble se dessiner si les discussions actuelles aboutissent à un accord, ne pourrait pas être un facteur de stabilité pour l’ensemble du Proche-Orient.

Elvire Camus
Journaliste au Monde Article original

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires