AstraZeneca : Et si les thromboses étaient causées par l’injection accidentelle du vaccin dans le sang ?

Les quelques thromboses graves survenues en moyenne une semaine après l’administration du vaccin d’AstraZeneca pourraient s’expliquer par une erreur dans l’injection du vaccin. Le chercheur Éric Billy et la pneumologue Corinne Depagne, membres du collectif « Du côté de la science » explicitent à Industrie & Technologies les indices qui étayent l’hypothèse du passage intraveineux.

AstraZeneca : Et si les thromboses étaient causées par l'injection accidentelle du vaccin dans le sang ?

Une aiguille dans un vaisseau sanguin ? La formation de caillots de sang bloquant la circulation sanguine quelques jours après l’injection d’une dose du vaccin d’AstraZeneca chez certaines personnes, pourrait être dus à une administration maladroite : le vaccin aurait été injecté dans une veine plutôt que dans le tissu musculaire de l’épaule. Telle est l’hypothèse que propose le collectif de chercheurs, de chercheuses et de médecins « Du côté de la science », s’appuyant sur la littérature scientifique et développée dans un article paru jeudi 25 mars.

Pour rappel, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a confirmé l’existence d’un risque « rare » de thrombose atypique associé au vaccin d’AstraZeneca, dans un communiqué daté du vendredi 26 mars, en soulignant toutefois que la balance bénéfice/risque restait « favorable ». Ont ainsi été déclarés en France « neuf cas de thromboses des grosses veines [les plus graves, ndlr], atypiques par leur localisation (cérébrale en majorité, mais également digestive), pouvant être associés à une thrombopénie ou à des troubles de coagulation, dont deux décès ». La plupart des thromboses sont traitables par le biais d’un anticoagulant, bien que les cas les plus graves puissent entraîner des troubles neurologiques, voire la mort, en obstruant par exemple les veines du cerveau (thrombose cérébrale).

La Haute Autorité de Santé a d’ailleurs recommandé de réserver le vaccin AstraZeneca aux personnes de 55 ans et plus, dans la mesure où « l’Agence européenne du médicament (EMA) a identifié un possible sur-risque de cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et de thrombose veineuse cérébrale (TVC) chez les personnes de moins de 55 ans », d’après le communiqué daté du 19 mars.

Passage dans le sang accidentel et cascade immunitaire

Plusieurs indices poussent le collectif « Du côté de la science » à inculper le passage intraveineux comme responsable d’un sur-risque de thrombose. L’hypothèse centrale est que cette erreur d’administration provoquerait une réaction auto-immune, conduisant à la formation de caillots de sang. Si l’injection est intraveineuse, en effet, les premières cellules à être repérées par le virus sont principalement les cellules endothéliales (celles qui tapissent les vaisseaux sanguins). « Or, en s’associant aux « héparanes sulfates » – les cellules qui sont situées à la surface des cellules endothéliales –, le virus pourrait engendrer une réponse immunitaire contre certaines protéines du « soi » ; celles qui se trouvent, à ce moment-là, en contact direct avec l’adénovirus », explique Éric Billy, chercheur en immunologie et chef de fil du collectif, qui précise « avoir travaillé avec adénovirus ».

Et pour cause : d’après une étude publiée dans la revue Blood en octobre 2020, la protéine Spike du SARS-CoV-2 agit comme un activateur du système immunitaire et peut induire une cascade immunitaire, jusqu’à conduire à des thromboses. « Ces anticorps vont alors à leur tour induire, par cascade, une activation des plaquettes sanguines, jusqu’à engendrer une thrombocytopénie spécifique… c’est-à-dire une chute de ces même plaquettes, limitant la capacité de coagulation dans votre sang », poursuit le chercheur.

Activation anormale d’un mécanisme de défense

D’autres paramètres, avec différents niveaux de contribution, pourraient associer ce sur-risque de thrombose à l’injection intraveineuse, à l’instar du mécanisme de défense NET (Neutrophil extracellular traps). « Chez les polynucléaires neutrophiles [des globules blancs, ndlr], il existe un mécanisme de défense inné (le NET) qui, tel un filet lâché dans l’organisme au niveau sanguin, a pour but d’attraper les virus », illustre M. Billy. Problème (mis en évidence par plusieurs études) : dans le cas du SARS-CoV-2, ce mécanisme aggrave les éléments thrombotiques chez les personnes atteintes de formes graves du Covid-19. L’injection accidentelle du vaccin dans une veine pourrait, là encore, expliquer la survenue de thrombose par activation anormale du NET.

Au final, « l’injection directe des adénovirus dans le sang engendrerait une réponse immunitaire innée et adaptative, l’activation des neutrophiles et le relargage de NET. Puis la formation de thrombus définirait la gravité des thromboses », indique M. Billy.

Réponse immunitaire adaptative

L’intervalle de temps qui s’écoule entre l’injection du vaccin AstraZeneca et l’apparition de la thrombopénie – entre quatre et quatorze jours – conforte, elle aussi, l’hypothèse d’une réponse immunitaire conséquence d’un passage intraveineux. « La réponse immunitaire en anticorps est à peu près sept-dix jours, ce qui corrèle bien avec la réponse immunitaire adaptative que nous avons décrit dans le cas de la cascade immunitaire », avance Éric Billy.

S’il s’agissait d’une toxicité due à la quantité de produit injectée, la pathologie se déclarerait beaucoup plus rapidement. « Dans les publications sur la cytotoxicité identifiée par l’injection directe d’une grande quantité d’adénovirus, les animaux meurent dans les heures voire les minutes qui suivent l’injection, ajoute Éric Billy. Il s’agit alors d’une toxicité immédiate. »

L’article publié par le collectif indique que la dose d’adénovirus présente dans une injection de vaccin d’AstraZeneca (en nombre de particules virales par kg) est « 35 000 fois inférieur » à celle utilisée pour obtenir un effet toxique chez la souris. « Bien sûr qu’en tapant « adénovirus« , « toxicité », vous allez trouver des articles dans la littérature scientifique, beaucoup de théories du complot circulent à ce sujet sur les réseaux sociaux… pointe l’immunologue. Mais les quantités de virus n’ont rien à voir ! »

Des facteurs favorisants

Reste à savoir pourquoi les cas de thromboses atypiques ont très majoritairement touché des femmes de 20 à 55 ans, ce que l’hypothèse de l’injection intraveineuse accidentelle, à elle seule, n’explique pas. « La prise de pilules contraceptives (de troisième et quatrième générations) et le tabagisme, qui engendrent des risques de thromboses, pourraient expliquer la fréquence – au-delà de ce qui est attendu dans une population – chez les femmes d’une certaine classe d’âge », éclaire Corinne Depagne, pneumologue et membre du collectif « Du côté de la science ».

Des facteurs de risques, liés au genre et à l’âge, viendraient ainsi s’ajouter à la réaction immunitaire discordante, engrangée par une injection intraveineuse accidentelle.

Injection accidentelle rare

Doit-on alors craindre une erreur d’administration lors de notre vaccination ? « Non, piquer dans les vaisseaux arrive vraiment très rarement ! », rassure Mme Depagne. Il existe d’ailleurs, normalement, une procédure de contrôle afin que le clinicien ou la clinicienne s’assure que l’aiguille se trouve bien dans le tissu musculaire avant d’injecter la dose de vaccin. « Historiquement, nous devons faire un appel de sang, c’est-à-dire que nous piquons, puis aspirons un peu dans notre seringue pour vérifier qu’il n’y a pas de sang qui remonte et que nous ne sommes pas dans un vaisseau », détaille Corinne Depagne.

D’après le collectif, ce protocole serait un moyen simple de pallier cette potentielle injection intravasculaire accidentelle. « Or, « l’absence de retour sanguin » n’est pas recommandé aujourd’hui par le ministère de la Santé pour le vaccin d’AstraZeneca… Nous ne savons pas trop sur quelle base cette décision a été prise », s’interroge le chercheur en immunologie.

Dans un rapport daté du 18 mars, une équipe de pharmacovigilance du Statens Serum Institute danois recommande d’ailleurs au personnel chargé de la vaccination d’aspirer légèrement sur le piston avant l’administration du sérum, faisant ainsi la même hypothèse que celle étayée par le collectif français.

« Nous ne prétendons pas avoir LA solution. Mais considérant que l’incidence est quand même très faible, que les produits ont été ré-analysés plusieurs fois et qu’il n’y a pas de lot mis en cause de manière spécifiquela piste d’une injection intraveineuse accidentelle est à creuser », conclut Éric Billy. « C’est l’ensemble de ces hypothèses qui conduirait à un sur-risque thrombotique… insiste Corinne Depagne. Mais ce sont des pistes… pour l’heure, on ne sait pas ! » À charge pour la communauté scientifique de chercher l’aiguille dans une botte d’hypothèses et d’incertitudes.

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SABBAH

Il est important d’aspirer après avoir piqué, avant d’injecter le vaccin. Ce geste anodin, systématique ne s’est pas pratiqué durant la vaccination de masse anti covid. seules les infirmières connaissent l’importance d’aspirer avant d’injecter et d’éviter ainsi l’injection dans un vaisseau sanguin

joseph

Aspirer pour contrôler la position de l’aiguille, opération très facile avec une aiguille de 40mm profondément enfoncée, mais avec une aiguille courte on risquera de déplacer l’aiguille de 2 ou 3 mm, pour trouver un autre capillaire, ou du tissus sous-cutané