Le marchand d’art Guy Wildenstein devant la justice pour évasion fiscale

Le marchand d'art Guy Wildenstein et plusieurs membres de sa famille sont jugés à partir de lundi pour fraude fiscale et blanchiment aggravé.

Le procès du collectionneur s’ouvre ce lundi. Il risque jusqu’à dix années d’emprisonnement pour fraude fiscale et blanchiment aggravé pour avoir dissimulé au fisc une immense partie de la fortune de son père Daniel et de son frère aîné Alec.

L’année judiciaire parisienne s’ouvre sur une affaire qui aurait ravi les scénaristes de Dallas et deDynastie. Ce lundi débute le procès pour évasion fiscale du marchand d’art Guy Wildenstein, de son ex-belle-sœur, de son neveu Alec. Un notaire, deux avocats, deux sociétés gestionnaires de trusts partagent avec eux le banc des prévenus. L’héritier de la prestigieuse lignée, experts et collectionneurs depuis trois générations, risque jusqu’à dix années d’emprisonnement pour fraude fiscale et blanchiment aggravé sur fond d’héritage âprement disputé.

La justice reproche au septuagénaire qui vit aux Etats-Unis d’avoir dissimulé au fisc français une immense partie de la fortune de son père Daniel, décédé en 2001 à Paris, et d’avoir persisté après la mort en 2008 de son frère Alec. À la mort de leur père, les deux héritiers déclarent 40,9 millions d’euros d’héritage. Ils payent en bas-reliefs sculptés pour la reine Marie-Antoinette des droits de succession de 17,7 millions d’euros.

Mais en réalité la fortune des Wildenstein s’évaluerait en milliards: des toiles de Fragonard et de Bonnard, des galeries d’art, des chevaux de course, un gigantesque ranch au Kenya où fut tourné le film Out of Africa, un îlot aux Iles Vierges et des immeubles à New York. Les biens du clan ont majoritairement été enregistrés dans des paradis fiscaux, dans sept trusts au secret fiscal quasi impénétrable. Le montage financier est si complexe que la valeur exacte de ce patrimoine est difficile à établir – on parle d’un, deux, cinq voire dix milliards d’euros.

La gestion de ces trusts ayant été confiée à des administrateurs, les Wildenstein ne devraient théoriquement pas y intervenir. Mais les juges estiment que les héritiers ont continué à garder la main: les biens de ces trusts doivent être réintégrés à la succession. Le fisc a adressé fin 2014 un redressement record de quelque 550 millions d’euros, dont 250 millions pour Guy Wildenstein.

Le combat des veuves

Une décision contestée par l’intéressé qui a toujours répété «ne rien comprendre» à la fiscalité. «Mon père ne me parlait jamais de ses affaires. Je savais qu’il avait fait des trusts mais il ne m’a jamais informé du détail», expliquait-il, fin 2015, à Paris-Match, «tout l’aspect juridique, c’était lui, car ce n’est pas mon fort et il le savait». Et d’ajouter: «les juges me reprochent une fraude fiscale pour non-déclaration des biens qui figurent dans ces trusts, mais il n’existait, à l’époque, aucune législation qui imposait de les déclarer. Il souligne également n’avoir jamais eu recours lui-même à ces structures financières et n’avoir jamais fondé de trust.

Le scandale n’aurait jamais éclaté sans deux veuves en colère. Ayant initialement renoncé à l’héritage – sur conseil, dira-t-elle de ses beaux-fils, qui lui révèlent que leur père est mort ruiné -, la seconde épouse du patriarche Daniel fait finalement volte-face. Sylvia Roth et son avocate traquent son héritage et remontent la piste de dix-neuf tableaux de Bonnard et d’une toile du Caravage exposée au Metropolitan de New York. Sylvia Roth livre des informations décisives sur les montages offshore mais ne verra jamais aboutir sa plainte pour abus de confiance aboutir. Elle meurt en 2010.

Le relais est alors pris par Loubia, la seconde femme et veuve d’Alec. S’estimant exclue d’une succession minorée, elle fournit de nouvelles pièces et dépose une plainte contre X avec constitution de partie civile pour abus de confiance. Entrée dans la bataille en victime, la sculpteur russe en sort toutefois inculpée pour complicité de blanchiment aggravé.

Au-delà des rebondissements de ce feuilleton familial, surnommé par Sylvia, «Dallas-sur Seine», le procès ne manquera pas de soulever deux questions de droit: d’abord celle du «vide juridique», puisque la loi obligeant à déclarer les trusts au fisc français date de 2011, donc après les faits. Ensuite, celle de la double poursuite, à la fois sur le terrain fiscal et au pénal. Les avocats de Guy Wildenstein ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité en ce sens. À Paris-Match, le marchand d’art confiait se sentir «un bouc émissaire» et «vivre depuis des années des événements qui le dépassent».

Procès Guy Wildenstein : le crépuscule d’une dynastie ?

Le marchand d’art Guy Wildenstein et plusieurs membres de sa famille sont jugés à partir de lundi pour fraude fiscale et blanchiment agravé. L’épilogue d’une longue querelle entre héritiers.

 

Guy Wildenstein en 2006.

Guy Wildenstein en 2006. JACQUES DEMARTHON / AFP
Un empire financier, une famille qui s’entre-déchire, des successions litigieuses et un léger parfum de scandalepolitique. L’énième scénario de « Dallas » ? Non, celui du feuilleton judiciaire qui débute lundi 4 janvier au tribunal correctionnel de Paris. Au cœur de la tempête : la famille Wildenstein, et en particulier son patriarche, Guy. Agé de 70 ans, résident des Etats-Unis, où il est né, ce marchand d’art n’est pas seulement une figure très influente de la scène artistique internationale, il est aussi l’un des membres fondateurs de l’UMP. Et un très proche de Nicolas Sarkozy. Autant d’ingrédients qui promettent de passionnants rebondissements lors des prochaines semaines. Mis en examen avec les héritiers de son défunt frère Alec par les juges d’instruction Guillaume Daïeff et Serge Tournaire, Guy Wildenstein devra répondre d’accusations portant sur la succession de son père, Daniel, décédé en 2001. Le crépuscule d’une dynastie qui règne depuis le XIXe siècle sur le marché de l’art ?

Il lui est notamment reproché d’avoir dissimulé ses avoirs dans des trusts situés dans des paradis fiscaux. Deux de ces entités financières sont dans la foulée elles-mêmes poursuivies en tant que « personnes morales » : la Northern Trust Fiduciary Services et la Royal Bank of Canada Trust Company Limited pour l’action dans cette affaire de sa filiale aux Bahamas. Sont également impliqués un notaire et quelques avocats proches de la famille.

Une écurie, des maisons, un ranch, une île…

L’administration fiscale réclame par ailleurs aux Wildenstein, après négociations, la somme record de 550 millions d’euros. Parmi les avoirs de Daniel Wildenstein qui auraient dû êtredéclarés lors de sa succession, selon l’ordonnance de renvoi des juges d’instruction : « les propriétés immobilières du Kenya, des îles Vierges britanniques, du 740 Madison Avenue et du 19 East 64th Street à New York, les parts de la Wildenstein & Co Inc, diverses galeries d’art, le tout logé dans le Sons Trust, le David Trust, le Sylvia Trust et le GW Trust ».

 

Jocelyn Wildenstein assiste à une exposition de Jean-Yves Klein en octobre 2015 à New York.

Jocelyn Wildenstein assiste à une exposition de Jean-Yves Klein en octobre 2015 à New York. GRANT LAMOS IV / AFP

Un inventaire à la Prévert dont on prend la mesure dans la version plus romantique de la veuve de Daniel, Sylvia Wildenstein, décédée en 2010. Interviewée par Le Monde quelques années auparavant, elle évoque un souvenir de vacances : la famille est en croisière dans les Antilles. Avec son propre bateau, ça va de soi. Pris dans une tempête, le yacht tente de se réfugierdans des ports d’Haïti ou de Saint-Domingue. Mais il ne peut y pénétrer, car il est trop grand… Il fait donc relâche dans une baie protégée des îles Vierges, qu’à la demande de son épouse, Daniel Wildenstein décide d’acheter, en 1981, pour y établir une villégiature plus stable.

Outre l’îlot privé, la famille a eu une résidence en Suisse, une écurie de courses à Chantilly, le château de Marienthal près de Verrières-le-Buisson (Essonne) posé sur un parc de plus de 8 hectares. Une misère comparée à leur ranch de 30 000 hectares au Kenya, où fut tournée une partie du film Out of Africa : y sont implantés deux cents bâtiments et creusés cinquante lacs artificiels. Il dispose également d’un hôpital de brousse et d’une clinique vétérinaire destinée aux animaux sauvages. On se déplace d’un lieu à l’autre en jet, privé, bien entendu. La famille possède par ailleurs une des plus belles maisons de l’Upper East Side, le quartier le plus huppé de New York. La galerie d’art est installée à proximité, dans un hôtel particulier. Ses réserves sont mythiques, fruits du labeur de plusieurs générations.

 

Alec Wildenstein à Deauville en 2002.

Alec Wildenstein à Deauville en 2002. MYCHELE DANIAU / AFP

De l’Alsace natale aux galeries d’art new-yorkaises…

La naissance de l’empire familial remonte en effet à 1875. Son fondateur, Nathan Wildenstein, fils d’un rabbin alsacien, quitte cinq ans auparavant sa province natale pour rester français. Après un rapide passage par Carcassonne, où il se marie, il se lance dans le négoce des antiquités. Très vite, il se spécialise dans les tableaux du XVIIIe siècle. Son ascension est fulgurante. Au début des années 1890, il achète un hôtel particulier au 57, rue La Boétie. En 1902, il ouvre une galerie à New York, puis une autre à Londres en 1925, et une dernière, quatre ans plus tard, à Buenos Aires.

A son décès en 1934, son fils Georges (1892-1963) a depuis longtemps pris la relève et étend les achats à presque tous les champs de l’histoire de l’art, de la peinture à la sculpture, des manuscrits médiévaux aux impressionnistes. Il est un familier de Pablo Picasso, Salvador DalÍ, Max Ernst, un ami des surréalistes. André Breton le considérait comme un homme d’une distinction d’esprit hors du commun.

 

Daniel Wildenstein, le 6 juin 1976, à côté d'un de ses chevaux.

Daniel Wildenstein, le 6 juin 1976, à côté d’un de ses chevaux. RUE DES ARCHIVES/AGIP

En 1940, fuyant l’invasion allemande, Georges, son fils Daniel et son petit-fils Alec, né en août à Marseille, partent pour les Etats-Unis. Guy, le second fils de Daniel, y verra le jour en 1945. Membre de l’Institut de France, Georges Wildenstein a pour ennemi intime Malraux, qui lui reproche des exportations acrobatiques de tableaux sensibles, comme La Diseuse de bonne aventure de Georges de La Tour (interdite de sortie du territoire, elle avait bénéficié d’une autorisation d’exportation temporaire et fut vendue à la hussarde au Metropolitan Museum de New York, où elle est toujours) .

Cela ne l’empêche pas d’être l’un des principaux donateurs des musées français et de gérer la Fondation Wildenstein, qui dresse et édite des catalogues raisonnés d’artistes. Il trépasse en 1963. C’est alors à Daniel qu’incombe la tâche de diriger l’entreprise, en cultivant toujours, à l’exemple des générations précédentes, la discrétion la plus absolue sur leurs affaires. Ce qui, en soi, n’a rien de répréhensible, et est même conseillé à tout marchand un peu conscient de ses intérêts et de ceux de ses clients.

Les révélations gênantes de la femme trompée

Mais « qui femme a, noise a », dit le proverbe médiéval. Un beau jour, Jocelyn, épouse de son fils aîné, Alec, manifeste son intention de divorcer. Non sans quel­ques bon­nes raisons : elle aurait surpris son mari au lit avec une autre femme, et celui-ci l’aurait menacée d’une arme à feu. En désaccord avec le montant de sa pension alimentaire, elle prend à témoin les médiasaméricains, des tabloïds à la presse dite « de qualité », sans oublier la télévision, et révèle quelques secrets de famille, pas toujours très vérifiables et rarement reluisants. Dont le moins joli, vivement démenti par les intéressés, concerne le commerce d’art avec les nazis durant l’Occupation.

 

A la fin des années 1990, la famille Wildenstein est secouée par le divorce d’Alec et de Joce­lyn, adepte des coups de bistouri (ici en 2004, durant la Fashion Week de New York).

A la fin des années 1990, la famille Wildenstein est secouée par le divorce d’Alec et de Joce­lyn, adepte des coups de bistouri (ici en 2004, durant la Fashion Week de New York).ALEX MAJOLI/MAGNUM PHOTOS

Le scandale est tel que le patriarche Daniel Wildenstein est contraint de lui accorder la pension réclamée et de sortir d’un mutisme aussi légendaire que l’étendue de ses collections. Il multiplie les déclarations à la presse, allant jusqu’à réaliser un livre d’entretiens avec le journaliste Yves Stavridès (Marchands d’art, Plon). Il tente élégamment – de l’avis général de ceux, et surtout de celles, qui l’ont connu, l’homme était un séducteur – d’y éteindre l’incendie causé par la mention des activités de la galerie durant la guerre, sans se rendre compte qu’il allume de nouveaux brandons, en évoquant une collection de tableaux de Bonnard, qui reviendra sur le tapis lorsqu’il sera question de sa succession.

Si Jocelyn est une panthère – elle en a en tout cas la physionomie, après de nombreuses opérations de chirurgie esthétique qui contribuent encore à sa célébrité –, la propre épouse de Daniel, Sylvia Roth-Wildenstein, a apparemment, elle, tout d’un oiseau de paradis. Très belle, très blonde, gentiment mondaine, elle joue les évaporées, que son mari comble de cadeaux et tient soigneusement à l’écart de ses affaires. C’est oublier qu’elle a été dans sa jeunesse sous-officier dans l’armée israélienne et a connu quelques guerres. A l’usage, elle va se révéler une lionne. Surtout quand elle se rendra compte qu’on vient de la priver de ses chers chevaux : « J’ai réagi lorsqu’un avocat m’a fait signer un papier, déclare-t-elle alors au Monde. Je me suis rendu compte que mes quatre chevaux ne m’appartenaient plus. Mon époux, Daniel, m’avait offert mon premier cheval, une jument bien née, mais condamnée à la boucherie. Elle s’appelait Neomenie et est devenue une championne de course d’obstacles… »

 

Sylvia Wildenstein, veuve de Daniel Wildenstein décédée en 2010, a accusé ses beaux-fils, Alec et Guy, de l’avoir spoliée.

Sylvia Wildenstein, veuve de Daniel Wildenstein décédée en 2010, a accusé ses beaux-fils, Alec et Guy, de l’avoir spoliée. RAPHAEL DEMARET/REA

Après la mort de son mari, le 23 octobre 2001, ses beaux-fils Alec et Guy l’ont en effet encouragée à renoncer « purement et simplement à la succession de son époux », dit un arrêt de la cour d’appel en 2005, très sévère pour les deux garçons parce qu’ « [ils] lui [ont] fait croire faussement qu’en renonçant à la succession » elle s’exonérait de la dette fiscale laissée par le défunt – lequel, de son vivant, déclarait sans sourciller moins que l’équivalent de 500 euros de revenus mensuels ! La source de cette dette ? Un redressement fiscal, au titre de l’impôt sur le revenu des années 1996 à 1998, d’environ 67 millions de francs à l’époque.

Dans un fax daté du 6 août 2003 adressé à ­Sylvia Roth-Wildenstein, ses beaux-fils lui ont affirmé : « Il était envisagé par les impôts une procédure pénale contre Daniel et toi ; qu’aurais-tu fait devant un juge d’instruction ? » Le tribunal a estimé que ce fax était « de nature à impressionner fortement Mme Wil­denstein, alors âgée de 68 ans et de nationalité américaine, les poursuites pour fraude fiscale pouvant conduire, aux Etats-Unis d’Amérique, à une longue peine d’emprisonnement… »

Après la panthère et la lionne, la tigresse…

Or, non seulement la renonciation de Sylvia Roth-Wildenstein à la succession de son mari ne la mettait pas à l’abri de l’administration fiscale, mais Daniel Wildenstein avait en outre laissé de quoi régler les frais de sa succession. Ramené après transaction à 7,6 millions d’euros, l’impôt était largement couvert par une caution bancaire établie de son vivant à hauteur de 9,6 millions d’euros.

Ici, la cour d’appel se faisait, dans son langage le moins fleuri, sévère : ses beaux-fils, « avec l’ensemble des intervenants juristes et fiscalistes chargés de conseiller Mme Wildenstein » , se sont « abstenus de l’éclairer exactement sur sa situation financière, alors qu’elle n’avait jamais participé aux activités financières de son mari, qu’elle n’était pas renseignée précisément sur l’état et la composition de sa fortune mobilisable » et qu’elle était « quelque peu fragilisée tant par l’âge […] que par le décès de celui qui avait été son compagnon durant quarante ans et qu’elle venait de veiller pendant une dizaine de jours à la clinique où il venait d’être opéré d’un cancer et se trouvait dans le coma ».

 

Guy Wildenstein, lors de l'enterrement de sa belle-mère Sylvia, le 19 novembre 2010.

Guy Wildenstein, lors de l’enterrement de sa belle-mère Sylvia, le 19 novembre 2010.BERNARD BISSON/JDD/SIPA

Tous les principaux éléments du procès à venir en janvier 2016 sont là. Mais personne ne le sait encore, sauf une avocate, encore peu connue. Claude Dumont-Beghi n’est pas un ténor du barreau, mais a une réelle passion pour le droit, et en connaît toutes les arcanes. Elle va le prouver dans la décennie qui va suivre. Après la panthère et la lionne, les Wildenstein vont avoir àfaire face à une tigresse. C’est elle qui, plaidant pour Sylvia lors du procès du 14 avril 2005 à la cour d’appel de Paris, obtient la requalification de son statut marital.

DEUX JUGEMENTS ONT DÉCLARÉ DANS LEURS ATTENDUS QUE “L’ÉVASION DU PATRIMOINE DANS DES SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES ET DES TRUSTS [ÉTAIT] CONFORME À LA TRADITION FAMILIALE DE TRANSMISSION DES BIENS AUX HÉRITIERS DIRECTS”.

Ils sont réputés mariés sous le régime de la séparation de biens à New York. Le fait qu’elle et Daniel aient vécu majoritairement à Paris lui permet dedémontrer qu’en droit, le régime applicable est le français, en l’occurrence, et en l’absence de contrat, celui de la communauté de biens, donc que Sylvia a l’usufruit de la moitié de la fortune de son défunt mari. C’est elle aussi qui trouve étrange, sinon miraculeux, que Daniel Wildenstein, dans les jours qui ont précédé son décès, plongé dans un « coma aréactif » , ait pu signer au profit d’une société détenue par ses deux fils la vente de soixante-neuf chevaux de course, et être déclaré comme ayant assisté à la tenue d’un conseil d’administration… Elle sera alors suivie par la cour, qui ne croit pas non plus aux miracles, sur ces deux points.

On épargnera au lecteur la décennie de procédures qui s’en est suivie. Les norias d’avocats, tous plus prestigieux les uns que les autres, appelés à la défensedes Wildenstein. Les attendus parfois surprenants de certains tribunaux auxquels Claude Dumont-Beghi, soucieuse d’estimer les avoirs du défunt Daniel Wildenstein, signalait l’existence de trusts dans des paradis fiscaux : deux jugements, un en appel, confirmé en cassation, déclaraient dans leurs attendus que« l’évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts [était] conforme à la tradition familiale de transmission des biens aux héritiers directs »

Ces fameux trusts, quels sont-ils ? Claude Dumont-Beghi les décortique dans un livre à paraître le 6 janvier aux éditions de l’Archipel, Les Milliards cachés des Wildenstein, où elle décrit l’ensemble de l’affaire. A l’origine, une invention britannique remontant au Moyen Age. Si la ceinture de chasteté dont les chevaliers partant en croisade ceignaient leur épouse est un mythe, ils ne voulaient pourtant pas laisser la malheureuse sans protection, et confiaient leur fortune à un homme de confiance, un « trustee », à charge pour lui de l’administrer et de pourvoir aux besoins d’une famille que le croisé savait avoir peu de chance derevoir un jour.

Des tableaux “disparus” dans les caves de la famille

Aujourd’hui, selon l’avocate, la chose est devenue un outil d’une parfaite opacité destiné à frauder le fisc et à blanchir l’argent sale, et pas seulement celui des marchands de tableaux. C’est, semble-t-il, l’avis du fisc et des deux juges d’instruction. Encore aura-t-il fallu, pour qu’ils se mettent en branle, que Claude Dumont-Beghi et Sylvia Wildenstein, dans les derniers mois qui lui restaient à vivre, passent à la vitesse supérieure. La première en signalant ses trouvailles à l’administration fiscale et à deux ministres successifs – Eric Woerth puis François Baroin (seul ce dernier donna suite) –, et Sylvia en acceptant enfin que l’affaire soit portée devant la justice pénale.

Dès lors, la machine judiciaire, on allait dire la vraie, était lancée. Avec des dommages collatéraux pour Guy Wildenstein : en novem­bre 2010, les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) perquisitionnent à l’Institut Wildenstein, où, depuis des décennies, la famille édite des catalogues raisonnés d’artis­tes et conserve ses archives, et qui jouxte le siège de l’UMP à Paris, rue La Boétie. Leur surprise fut d’y trouver des œuvres qui n’avaient rien à faire là. Notamment une toile de Berthe Morisot, Chaumière en Normandie, disparue en 1993 avec une quarantaine d’autres tableaux, lors de l’inventaire de la succession Anne-Marie Rouart. L’héritier, son neveu Yves Rouart, avait alors porté plainte. Raison pour laquelle ce sont cette fois les policiers de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) qui, les 11 et 12 janvier, ont investi les locaux de l’Institut Wildenstein. Et Guy Wildenstein de se voir mis en examen pour « recel d’abus de confiance ». D’autres familles se rendent alors compte que des tableaux qu’elles croyaient perdus dorment dans les caves des Wildenstein. Ces affaires-là sont encore à suivre.

Enfin, vu les amitiés de Guy Wildenstein, l’affaire n’a pas tardé à prendre un tour politique, jusqu’à l’Assemblée nationale où plusieurs députés asticotèrent le gouvernement de Nicolas Sarkozy sur le sujet. C’est le fonctionnement normal d’une démocratie. Mais avant d’être une affaire politique, avant d’être une histoire de gros sous, il s’agit d’abord de dire le droit, ce qu’aura à faire le tribunal correctionnel.

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

6 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Danielle

Mais je ne comprends pas votre révolte, ce milliardaire qui a une fortune inestimable et qui fraude est comme tout citoyen , un voleur. !
Qu’il soit Juif , il est vrai que c’est regrettable, mais que voulez-vous ?
Vous êtes entrain de nous sortir, la guerre d’Algérie, antisémitisme, et j’en passe, mais ça n’a rien à voir.
Si vous sous-entendez que des biens juifs ont été judicieusement dérobés, là c’est une autre affaire qui n’a rien à voir avec les fraudeurs.
Chabbat chalom.

Ratfucker

On a beau être résident à l’étranger, avoir ses biens à l’étranger, le fisc français ne lâche jamais. Sauf les titulaires de la carte du PS (Cahuzac, Taubira, Thévenoud, Fabius, etc…)

André

Il est vrai que déclarer 40,9 millions d’euros d’héritage pour l’héritier d’un marchand d’art de cette envergure ça paraît vraiment dérisoire. A peine le prix d’une ou deux toiles de grands maîtres…

Jcg

Quel est le probleme? Juif blanc ou Juif noir ,pour le francais il est toujours Juif , et toujours malmene depuis des millenaires.
Tres fier d tre francais ? C est fini depuis longtemps .

Sami

Ce juif qui nous fait honte de chez honte, devrait-il être blanchi parce que juif ou encore, ami d’Israël ???
J’ose espérer qu’une écrasante majorité de juifs et juives de France et d’ailleurs hurleront avec moi un retentissant NON, NON, il doit être condamné comme il se doit à la hauteur de sa faute, ni plus ni moins.
On a encore en mémoire la dégradante et humiliante affaire du sentier, qui nous a souillés, nous juifs de France !!!!!

Un juif français (très fier d’être français !!!) pratiquant !!! Et Ami d’Israël !!!!

MARCO SPORTICH

MOI JE NE SUIS PAS FIER D ETRE FRANCAIS POUR CE QUE TU DIS CHER AMI ..SURTOUT QUE CETTE FRANCE NOUS A VENDU EN ALGERIE OU MA FAMILLE A TOUT LAISSER LA BAS A CAUSE DE DE GAULLE QUI A VENDU NOTRE BEL ALGERIE AUX TERRORISTES DU FLN EN 1962 ET MON PERE EN EST MORT DE CELA ..CETTE FRANCE QUI A FAIT VENIR TANT DE MUSULMANS MAGREBINS ET AFRICAINS POUR EN FAIRE UNE FRANCE MUSULMANE .. ET LA JE DIS TROP C EST TROP .. ALORS J AI HONTE D ETRE FRANCAIS ET MEME MIEUX JE VOUDRAIS MOI QUE LES FRANCAIS VOTENT MASSIVEMENT POUR LE FN AFIN QUE CETTE FRANCE QUI EST UN PILIER DE L EUROPE QUI SE BRISERA EN X MORCEAUX ..PARCE QUE CETTE EUROPE FAIT TROP UNE POLITIQUE ANTI ISRAELIENNE EN FINANCANT DES ONG ANTI ISRAELIENNES DE GAUCHE DANS UN BUT DE DESTABILISER ISRAEL AU PROFIT DU FATAH AUQUEL LA GAUCHE ISRAELIENNE A VENDU ISRAEL AU FATAH EN 1993 MAIS SI LA DROITE AVAIT DES COUILLES ELLE LES AURAIT BRISE ET ANNULER OSLO ..MEME ISRAEL C EST LA CATA OU LA GAUCHE EST ENCORE LA OU ON FAIT TOUT AFIN DE PROTEGER CETTE PAX AMERICANO ISRAELO PALESTINAE VOULU PAR LA GAUCHE D OSLO ..MAIS SI LES ISRAELIENS LE VOULAIT ..ILS VOTERAIENT POUR DE VRAIS PARTIS DE DROITE PAS POUR CES VENDUS DU LIKUD QUI FONT DU SURPLACE QUI S EN PRENNENT SUR LEUR DROITE AU LIEU DE S ATTAQUER A LA GAUCHE D OSLO QUI EST RESPONSABLE DE TOUS LES MAUX D ISRAEL ET D AVOIR FAIT VENIR EN PLEIN ISRAEL DES FATAHNIKS A RAMALLAH .. NAPLOUSE ..DJENINE ..ETC ET SI J ETAIS PM JE CONDAMNERAIS TOUS LES ARTISANS D OSLO A ETRE JUGES POUR HAUTE TRAHISON ET ETRE ELIMINES SUR LE CHAMP §§§