Yossi Cohen, l’espion devenu ennemi numéro 1 de Téhéran.
Le patron du Mossad joue un rôle clef dans la guerre de l’ombre contre l’Iran. Ses récents succès militaires lui ouvrent un destin politique en Israël.
Pendant des années, Yossi Cohen a murmuré des mots doux aux oreilles des Iraniens. L’espion ne cherchait pas à séduire les mollahs, mais plutôt leurs agents sur le terrain, afin de recruter des taupes au service d’Israël. Charmant, habile, polyglotte, ce grand brun à la carrure d’athlète et aux cheveux gominés, surnommé « le Mannequin » dans les couloirs de l’agence, a gravi tous les échelons, jusqu’à devenir le directeur du Mossad en 2016. Avec un ennemi intime dans le viseur : l’Iran.
Le véritable n° 2 d’Israël
A la tête de la deuxième plus grande agence d’espionnage occidentale, derrière la CIA, Yossi Cohen dirige plus de 7 000 agents. Réputé d’abord pour sa traque sans relâche des nazis après la Seconde Guerre mondiale, le Mossad (l’Institut) joue un rôle central dans le fonctionnement de l’Etat hébreu, qui, depuis sa fondation en 1948, vit sous la menace permanente de ses voisins. « Pour résumer, le chef du Mossad est le deuxième des personnages les plus importants d’Israël, avance Joe Macaron, spécialiste du Moyen-Orient à l’Arab Center de Washington. Il est chargé de coordonner la défense du pays et de prévoir les attaques extérieures. Et, depuis quinze ans, la principale menace pour Israël, c’est l’Iran. »
Yossi Cohen pilote cette guerre de l’ombre contre la République islamique, et collectionne les succès. Vols de documents secrets, éliminations de scientifiques iraniens, assassinats de cadres des Gardiens de la révolution…, jusqu’à l’activation à distance d’explosifs dans l’installation nucléaire de Natanz, principal site d’enrichissement d’uranium en Iran, le 11 avril dernier. A chaque coup d’éclat, l’Iran accuse le Mossad, qui se garde bien de démentir. « Les Iraniens veulent nous rayer de la carte, ils considèrent Israël comme le petit diable, bras droit du grand diable américain, explique un haut fonctionnaire de l’Etat hébreu, sous couvert d’anonymat. Nous savons qu’ils ont les connaissances pour construire la bombe atomique, et le Mossad reste notre première ligne de défense, avec des actions qui retardent l’avancée de leur programme, en attendant la chute du régime. »
Le rôle de Yossi Cohen va au-delà des opérations extérieures. Considérant que les Occidentaux sont naïfs face à l’Iran, il use aussi de ses charmes pour renforcer les liens d’Israël avec d’autres ennemis de Téhéran, à savoir les pays du Golfe. « Nos nouveaux alliés arabes coopèrent activement avec Israël en matière de renseignement et de technologie militaire, souligne Yonatan Freeman, expert en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem. « Yossi Cohen a joué un rôle important dans la normalisation des relations avec les Emirats arabes unis [EAU] et le Soudan, sans doute aussi l’Arabie saoudite. » Signe de son prestige, l’espion a fait le déplacement à Washington, en septembre 2020, pour assister à la signature des accords d’Abraham entre Israël, les EAU et Bahreïn.
Un espion dans la lumière
Contrairement à ses prédécesseurs, dont l’identité était classée top secret jusqu’en 1996, l’actuel chef du Mossad raffole de la lumière et échange régulièrement avec la presse. « Yossi Cohen est une figure médiatique, il aime mettre en avant les réussites de ses services, qui servent aussi les intérêts de son propre patron, le Premier ministre », décrypte Joe Macaron. Benyamin Netanyahou, qui a fait de la neutralisation de la menace iranienne une stratégie de gouvernement, adore surfer sur les réussites du Mossad. Ainsi, en janvier 2018, il convoque les médias pour une conférence de presse hallucinante, organisée dans une salle remplie de classeurs et de cédéroms. Il assure que ces documents contiennent des archives du programme nucléaire iranien, volées par les services secrets israéliens dans un entrepôt de la banlieue de Téhéran. Véridiques ou non, ces documents auraient convaincu Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien quatre mois plus tard. Ces jours-ci, Yossi Cohen multiplie les allers-retours vers Washington pour convaincre l’administration Biden de se montrer plus exigeante envers Téhéran.
Preuve de sa popularité en Israël, le patron du Mossad est devenu un argument de campagne, Netanyahou ayant promis publiquement de lui offrir un « poste clef » dans son prochain gouvernement, si jamais il parvenait à former une coalition. Yossi Cohen, qui partira du Mossad en juin, voit sans doute encore plus loin. En tant que haut fonctionnaire, il devra respecter une carence de trois ans avant de se présenter à des élections. A 59 ans, nombreux sont ceux qui lui prédisent un grand avenir politique. « Cohen est très populaire, il a du charisme, et le Mossad fait partie des institutions les plus aimées des Israéliens, relève Yonatan Freeman. Certains le voient comme le successeur de Netanyahou, ils pourraient avoir raison. »
Le seul problème est que si les champions militaires Israéliens ont de l’expérience, bizarrement, dès qu’ils deviennent politiciens ils ont tendance à virer vers la gauche (Rabin, Sharon, Ehud Barak, Gantz…) et ensuite leurs dégâts reviennent très cher ! Et dès qu’on les contredit on entend la phrase « magique »: « Il s’y connaît mieux que toi et moi ! »
Espérons que celui ci fera « exception » et conservera le bon sens malgré le vertige de l’ascension politique.