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Une énorme révolution: la fusion nucléaire

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La fusion nucléaire réussie pour la première fois aux États-Unis.

C’est historique ! Une fusion nucléaire a été réalisée en laboratoire. Le gouvernement américain annonce mardi une « percée scientifique majeure ». La fusion est considérée comme une future alternative possible aux centrales actuelles : elle pourrait un jour révolutionner la production d’énergie sur Terre.

C’était juste après une heure du matin… 1h03, très précisément: « Lundi 5 décembre, une fusion nucléaire a été réussie dans un environnement contrôlé », a annoncé fièrement Jill Hruby, la sous-secrétaire de l’administration pour la Sécurité nationale nucléaire (NNSA).

Elle a ensuite expliqué : « 192 lasers se sont focalisés sur une capsule de la taille d’un grain de poivre et ont simulé ainsi le cœur d’une étoile. Ce sont les premiers pas vers une énergie propre qui pourra révolutionner le monde », a-t-elle ajouté durant la conférence de presse.

« C’est une étape scientifique importante et une merveille de l’ingénierie », s’est félicitée Jennifer Granholm, la Secrétaire américaine de l’Energie. « Cette réussite se retrouvera dans les livres d’Histoire. »

Les scientifiques ont observé une fusion, une fois. Pendant la semaine qui vient de s’écouler, les données ont été analysées de nombreuses fois pour confirmer ce résultat : « Il va falloir maintenant pouvoir répliquer ce phénomène de manière plus simple, plusieurs fois par minutes », a souligné Kim Budil, la directrice du Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL). Une étape importante pour la future commercialisation du procédé.

L’une des clefs sera la capsule qui contient le combustible : cette coquille devra être améliorée, selon Michael Stadermann, l’un des scientifiques du National Ignition Facility (NIF). Décrite comme presque parfaitement ronde, elle est plus lisse que le meilleur des miroirs, chaque imperfection pouvant avoir une influence sur l’expérience. La capsule utilisée lundi 5 décembre avait « un design robuste, avec moins de défauts » pour effectuer cet allumage par fusion réussi, a expliqué le spécialiste.

Des décennies de recherches

Depuis des décennies, des équipes de recherche du monde entier essaient de développer la fusion nucléaire, dans le but d’en faire une source d’énergie propre, abondante et sûre. Elle pourrait permettre à l’humanité de rompre sa dépendance aux énergies fossiles, responsables du réchauffement climatique.

Le contenu exact de l’annonce américaine restait à confirmer en début de journée, mais certaines informations avaient déjà fuité dans la presse, provoquant immédiatement l’enthousiasme de la communauté scientifique à travers le monde. Une conférence de presse ayant débuté à 16 heures, heure en Suisse, a été diffusée sur internet.

Un article du Financial Times l’expliquait il y a quelques jours: des scientifiques du Laboratoire Lawrence Livermore, en Californie, sont pour la première fois parvenus à produire un « gain net d’énergie » grâce à la fusion nucléaire. C’est-à-dire à produire davantage d’énergie que la quantité utilisée pour provoquer cette réaction.

Si cette percée est confirmée, « il s’agit d’une avancée de taille, extrêmement enthousiasmante », a commenté Jeremy Chittenden, professeur de physique des plasmas à l’Imperial College London. « Cela prouve que le but longtemps recherché, le Graal de la fusion, peut être réalisé. »

Comme dans le Soleil

Actuellement, les centrales nucléaires utilisent la fission, qui fonctionne en scindant le noyau d’un atome lourd, libérant ainsi de l’énergie (lire encadré). La fusion nucléaire – aussi appelée allumage par fusion –, au contraire, provoque la fusion de deux noyaux légers, pour en former un plus lourd.

Cette réaction est celle qui alimente les étoiles, dont notre Soleil. Grâce aux conditions de chaleur et de pression extrêmes qui y règnent, les atomes d’hydrogène fusionnent pour former de l’hélium, produisant au passage une immense quantité d’énergie.

Sur Terre, ce processus peut être obtenu à l’aide de lasers ultra-puissants (lire encadré). Au NIF, qui dépend du laboratoire californien, pas moins de 192 lasers sont pointés vers une cible aussi petite qu’un dé à coudre, où sont placés les atomes légers d’hydrogène à fusionner.

Les scientifiques ont ainsi produit environ 3,15 mégajoules d’énergie, en délivrant à l’origine 2,05 mégajoules avec les lasers. La réaction s’est passée en moins de temps que la lumière met pour parcourir trois mètres, selon l’un des scientifiques impliqués dans la recherche.

Moins de déchets radioactifs

Un tel résultat fournirait enfin la preuve d’un principe physique imaginé il y a des décennies. Il s’agirait ainsi d’un « succès pour la science », a souligné Tony Roulstone, conférencier à l’université de Cambridge.

La fusion présente de nombreux avantages par rapport à la fission: elle ne comporte aucun risque d’accident nucléaire et produit moins de déchets radioactifs. Surtout, par rapport aux centrales à charbon ou à gaz, elle ne génère aucun gaz à effet de serre.

Le chemin reste toutefois long avant que cette solution ne soit viable à l’échelle industrielle et commerciale: « Pour transformer la fusion en source d’énergie, nous devrons augmenter encore le gain d’énergie », a averti Jeremy Chittenden. Il faut aussi augmenter l’efficacité des sources laser. « Nous devrons également trouver le moyen de reproduire le même effet à une haute fréquence, et pour bien moins cher, avant de pouvoir raisonnablement en faire une centrale. »

Un long chemin

La recherche autour de l’allumage par fusion dure depuis environ soixante ans et la théorie dit depuis un siècle qu’elle est possible. Mais pour qu’elle aboutisse vraiment, « cela pourrait encore prendre vingt ou trente ans », a estimé Erik Lefebvre, chef de projet des expériences laser au Commissariat à l’énergie atomique français.

Or, pour limiter le réchauffement climatique, il est absolument nécessaire de réduire dès aujourd’hui au maximum les émissions de gaz à effet de serre, martèlent tous les experts du climat.

D’autres projets de fusion nucléaire sont en développement, notamment le projet international ITER, actuellement en construction en France. Au lieu de lasers, la technique dite de confinement magnétique sera utilisée: les atomes d’hydrogène seront chauffés dans un immense réacteur, où ils seront confinés à l’aide du champ magnétique d’aimants.

Fusion vs fission

La fusion diffère de la fission, technique utilisée dans les centrales nucléaires actuellement, et qui consiste à casser les liaisons de noyaux atomiques lourds pour en récupérer l’énergie. La fusion est le processus inverse: deux noyaux atomiques légers sont fusionnés pour en créer un lourd. En l’occurrence deux isotopes – soit des variantes atomiques – de l’hydrogène, donnant naissance à de l’hélium: ce processus libère de l’énergie. La fusion se crée naturellement dans les étoiles, dont notre Soleil.

« Contrôler la source d’énergie des étoiles est le plus grand défi technologique jamais entrepris par l’humanité », a écrit sur Twitter le physicien Arthur Turrell, auteur du livre « The Star Builders ». La fusion n’est possible qu’en chauffant de la matière à des températures extrêmement élevées, de l’ordre de plus de 100 millions de degrés.

Le hohlraum qui abrite le type de cible cryogénique utilisé pour réaliser l'allumage par fusion au National Ignition Facility du LLNL, le 5 décembre 2022.

Isoler la matière chaude

« Donc il faut trouver des moyens pour isoler cette matière extrêmement chaude de tout ce qui serait susceptible de la refroidir. C’est la problématique du confinement », explique Erik Lefebvre, chef de projet au Commissariat à l’Energie atomique (CEA).

La première méthode est la fusion par confinement magnétique: des atomes légers d’hydrogène (deutérium et tritium) sont chauffés dans un immense réacteur. La matière est alors à l’état de plasma, un gaz à très basse densité. Elle est contrôlée à l’aide d’un champ magnétique, obtenu à l’aide d’aimants.

C’est la méthode qui sera utilisée pour le projet international ITER, actuellement en construction en France, et celle employée par le JET (Joint European Torus) près d’Oxford.

Une deuxième méthode est le confinement inertiel. Là, des lasers de très forte énergie sont envoyés à l’intérieur d’un cylindre de la taille d’un dé à coudre, contenant l’hydrogène. C’est la technique utilisée par le Laser Megajoule (LMJ) français, ou le projet le plus avancé en la matière, le National Ignition Facility (NIF) américain.

Le but de ces derniers est davantage de démontrer le principe physique, quand la première méthode cherche à reproduire une configuration proche d’un futur réacteur à fusion.

Depuis des décennies, les scientifiques cherchent à faire en sorte que l’énergie produite par la fusion nucléaire dépasse celle utilisée pour provoquer la réaction.

Le fonctionnement du NIF

Le National Ignition Facility  « utilise un laser pour comprimer suffisamment d’énergie dans un temps et un espace restreints pour créer des conditions de fusion », explique le physicien Arthur Turrel sur Twitter.

« Et il ne le fait que pendant un bref instant avant que la capsule sur laquelle il tire ne s’effondre. La fusion se produit durant ces DIX NANOSECONDES », souligne-t-il.

RTS

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