Après l’Iran, d’autres puissances régionales pourraient chercher à se doter de l’arme nucléaire. Parmi les prétendants l’Egypte, l’Arabie Saoudite, et la Turquie.

A qui aura une influence majeure dans la région, c’est là tout l’objet des conflits actuels et des alliances souvent contre nature.

Pour ce qui est de la Turquie voilà deux points de vue intéressants, mais qui ne tranche pas de manière définitive le débat.

Pourquoi la Turquie ne se dotera pas de l’arme nucléaire

Si la Turquie cherchait à acquérir ses propres armes nucléaires, elle mettrait ces garanties de sécurité en péril et se mettrait l’Otan à dos. De toute façon, la Turquie n’a pas le savoir-faire et les infrastructures permettant de produire rapidement l’arme nucléaire et il lui faudrait plusieurs années, probablement plus d’une décennie, pour en être capable.

Selon les idées reçues, si l’Iran développe l’arme nucléaire, l’Arabie saoudite, la Turquie et possiblement l’Égypte tenteront de le faire également. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou est allé plus loin en s’adressant au Congrès américain début mars, en disant que le simple fait de permettre à l’Iran de poursuivre son programme d’enrichissement d’uranium « lancerait une course aux armements nucléaire dans la région la plus dangereuse de la planète ». Chacun de ces dominos nucléaires potentiels doit être analysé avec soin et séparément. Et en ce qui concerne la Turquie, les idées reçues semblent être essentiellement fausses.

La Turquie a bien un programme nucléaire naissant. Après des décennies de faux départs, le gouvernement turc a signé un contrat avec la Russie portant sur la construction et l’exploitation de la première centrale nucléaire du pays. Cette centrale, située sur les bords de la Méditerranée, est en cours de construction. Les tentatives faites par le gouvernement turc pour obtenir des offres de la part d’autres compagnies internationales ont été compliquées par le fait que les conditions accordées par la Russie sont nettement plus généreuses que celles de ses concurrents. La Turquie a néanmoins négocié un contrat avec un consortium franco-japonais pour la construction d’une seconde centrale nucléaire, sise sur les rives de la mer Noire.  

La Turquie a de très bonnes raisons économiques pour développer ses capacités de production d’énergie nucléaire. Les importations des sources d’énergie primaire représentent près de la moitié du déficit courant chronique de la Turquie, parce qu’elle importe plus de 90 pour cent de son pétrole et gaz naturel. De plus, contrairement aux autres pays européens, la demande d’électricité continue à croître de 5-6 pour cent par an. L’énergie nucléaire est perçue par les décideurs politiques turcs comme un instrument quasiment incontournable pour améliorer la sécurité énergétique et réduire la facture des importations. Ces intérêts économiques, associés aux considérations de sécurité nationale, constituent pour la Turquie une incitation à ne pas se doter de l’arme nucléaire.  

En tant que signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, il est interdit à la Turquie de développer des applications militaires de cette technologie. Si elle était perçue comme allant à l’encontre de cet engagement, d’autres États, y compris ceux qui pourraient contribuer à son programme d’énergie nucléaire, se retourneraient contre la Turquie et affaibliraient sa capacité à répondre à la croissance de la demande, à un prix abordable. Cette évolution saperait à son tour la croissance économique qui a permis au gouvernement de rallier le soutien de l’opinion publique ces vingt dernières années. La Turquie est de plus membre de l’Otan et bénéficie ainsi des garanties de sécurité offertes par l’Alliance atlantique, dont le parapluie nucléaire. En fait, les Etats-Unis ont des armes nucléaires basées en Turquie depuis des décennies. Plus récemment, l’Otan et les Etats-Unis ont déployé un système de défense antimissile balistique. Si la Turquie cherchait à acquérir ses propres armes nucléaires, elle mettrait ces garanties de sécurité en péril et se mettrait l’Otan à dos. De toute façon, la Turquie n’a pas le savoir-faire et les infrastructures permettant de produire rapidement l’arme nucléaire et il lui faudrait plusieurs années, probablement plus d’une décennie, pour en être capable. Durant cette période, la Turquie serait confrontée à de sérieuses pressions politiques, économiques et de sécurité, non seulement de la part des Etats-Unis et des autres pays membres de l’Otan, mais également de la Russie, de l’Iran et d’autres.  

Dans l’intervalle, les menaces immédiates pour la sécurité de la Turquie seraient aggravées. Les armes nucléaires ne contribueraient guère à réduire les dangers posés par la désintégration violente de la Syrie, la progression de l’État islamique ou le problème non résolu du séparatisme kurde. Les relations de la Turquie avec l’Iran, qui sont à ce jour restées gérables, entreraient sans doute dans une période de crise. Toutes ces considérations soulignent les risques sérieux encourus par la Turquie pour sa sécurité si elle cherchait à se doter de l’arme nucléaire. Ces risques pourraient à leur tour provoquer des dissensions internes à un moment où le parti au pouvoir, le Parti pour le justice et le développement (AKP), peine à conserver le soutien de l’opinion publique.

Dans ce contexte, la manière dont la communauté internationale envisage et commente l’avenir nucléaire de la Turquie revêt de l’importance. Affirmer que la Turquie cherchera naturellement – peut-être inévitablement – à acquérir un arsenal nucléaire revient à négliger les raisons importantes pour lesquelles elle ne militarisera pas son programme nucléaire civil. Les propos désinvoltes sur les risques de prolifération nucléaire ne doivent pas induire les Turcs en erreur à propos de leurs propres intérêts. Il serait opportun que le reste du monde souligne plutôt les efforts de la Turquie en vue du développement d’un programme d’énergie nucléaire pacifique et de la résolution du défi présenté par l’Iran, dans le cadre de l’Otan.

 

 

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SINAN ÜLGEN

La Turquie se lance dans le nucléaire

 

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La maquette centrale nucléaire d’Akkuyu, projet 19 milliards d’euros entrée en service 2020.

La centrale d’Akkuyu sera dotée de quatre réacteurs d’une puissance de 1.200 mégawatts chacun. Conduit par la Russie, le projet est estimé à 19 milliards d’euros. Entrée en service prévue en 2020.

 Atomkraft, da ! La Turquie engage la construction de sa première centrale nucléaire. Un projet d’envergure de 19 milliards d’euros mené par la Russie qui devrait entrer en service en 2020. Mercredi, le ministre turc de l’Energie Taner Yildiz et le chef de l’agence russe de l’énergie atomique (Rosatom) Sergueï Kirienko ont participé sur le site d’Akkuyu, dans la province de Mersin, à la cérémonie de pose de la première pierre du premier des quatre réacteurs VVER-1200 (pour water-water energy reactor) d’une puissance de 1.200 mégawatts chacun.

« Il n’y a pas de développement dans un pays sans l’énergie nucléaire », a déclaré le ministre turc. Avant d’ajouter : « Si cette centrale avait été bâtie il y a dix ans, nous aurions pu économiser 14 milliards de dollars (13 milliards d’euros) en achat de gaz naturel. » C’est en effet au nom de la « diversification de son approvisionnement électrique » et pour réduire « sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie ou de l’Iran » (sic), que la Turquie a engagé un ambitieux programme nucléaire, qui prévoit la construction de trois centrales d’ici à 2030.

 Outre celle d’Akkuyu, le parlement turc a voté début avril la construction d’une deuxième centrale nucléaire sur les rives de la Mer noire . Ce marché, d’un montant estimé à 15 milliards d’euros, a été attribué en 2013 à un consortium réunissant le turc EUAS, les japonais Mitsubishi et Itochu, et le français GDF Suez. Située à Sinop, sur la côte nord du pays, cette centrale d’une puissance totale de 4.400 mégawatts comprendra quatre réacteurs Atmea-1, dont c’est le premier succès commercial, un modèle conçu en collaboration par Mitsubishi Heavy Industries et Areva.

 Fournir 8% des besoins électriques en 2020

En octobre 2014, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a envisagé publiquement la mise en chantier d’une troisième centrale d’ici à 2030. Une centrale que la Turquie compte financer par ses propres moyens et qui devrait voir le jour vers 2018-2019. Ces trois centrales devraient fournir 8% de ses besoins électriques en 2020 et 20% à l’horizon 2030.

 Le projet et le ministre critiqués

Le projet d’Akkuyu essuie de vives critiques de la part des écologistes qui dénoncent les risques pour l’environnement et sa localisation sur une zone à forte activité sismique. Taner Yildiz a assuré ce jour que la centrale d’Akkuyu serait capable de résister à un séisme de magnitude 9 et que les nombreuses stations balnéaires de la région ne seraient pas affectées par sa présence.

 Au début de l’année, l’ordre des ingénieurs et architectes turcs avait menacé de poursuivre le ministre en justice pour avoir approuvé seul et de façon anticipée le projet d’Akkuyu, ceci sans avoir consulté un quelconque expert nucléaire avant de prendre sa décision.

ATATURQUIE

 

 

 

 

 

 

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