Après les attentats de Bruxelles, les failles du dispositif de sécurité français, belge et européen dans la lutte anti-terroriste apparaissent au grand jour. Pour nous éclairer sur la question,Contrepoints a interrogé Xavier Raufer. Xavier Raufer est directeur des études au département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l’université de Paris II. Il est l’auteur de plus d’une vingtaine de livres consacrés à la criminalité et au terrorisme.

1 – Les derniers événements liés au terrorisme qui ont secoué la France et la Belgique témoignent de failles dans le dispositif de sécurité européen. À quel niveau se situe le problème ? Y a-t-il impréparation de la police ? Manque de réactivité de la part des politiques ? Bernard Cazeneuve a réagi aux attentats de Bruxelles en renforçant le dispositif militaire. Y a-t-il une chance pour que cette réaction soit efficace ?

Encore une fois, rien n’avait été prévu ni anticipé, pas plus en Belgique qu’en France. Le Premier ministre belge arrive et dit « qu’il s’en doutait ». C’est loin d’être suffisant. On est dans le flou le plus absolu. Or il faut bien comprendre que ce qui s’est passé à Bruxelles n’est pas un coup porté exclusivement à la Belgique. Le front est clairement franco-belge, avec des terroristes qui ne cessent de faire des allers-retours entre les deux pays.

En France, nombre de mesures prises aux lendemains des attentats de 2015 ont été à la fois utiles et nécessaires, comme l’état d’urgence1, le renforcement policier dans les zones sensibles ou les contrôles aux frontières, mais l’essentiel n’a pas été accompli. Rien ne pourra fonctionner vraiment tant que l’on verra à la table de réunion de l’UCLAT (Unité de Coordination de la Lutte Antiterroriste) au ministère de l’Intérieur, pas moins de 22 services différents, tels que la DGSI, la DGSE, la PJ, TRACFIN pour le financement du terrorisme, etc. Situation démentielle ! Plus la situation se tend, plus pour y remédier l’État crée d’entités antiterroristes qui viennent s’agréger à ce qui existait auparavant.

Résultat, il n’existe pas vraiment à proprement parler de service antiterroriste en France, mais un conglomérat de plus en plus obèse au fil des années. Imaginons qu’il en soit de même dans tous les pays de l’Union européenne, la réunion de coordination au niveau des 28 pays nécessiterait la location du Palais des Sports.

2 – Vous avez à plusieurs occasions critiqué la désorganisation des services de renseignement : sommes-nous en train de payer le prix de ses multiples réorganisations au sommet, et éventuellement de la négligence du renseignement de terrain ?

Il faut simplifier les appareils antiterroristes tant français qu’européens et les mettre en ordre de bataille : qu’on sache clairement qui commande et qui obéit. Par ailleurs, aussi bien en France qu’en Belgique, il serait préférable qu’on ne tienne plus devant les commissions d’enquête sur les attentats des propos du type mettons-nous à leur place, ils n’ont pas d’avenir, les pauvres. On ne paye pas les responsables de l’antiterrorisme pour nous dispenser des cours de sociologie ni de morale, mais pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’attentats. On a besoin de services antiterroristes minces, flexibles, efficaces, rapides qui sachent arrêter les terroristes avant qu’ils ne provoquent des massacres de 20, 50 ou 100 personnes. Ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Pourquoi ? Depuis janvier et Charlie hebdo, rien n’a changé dans les structures et les hommes. Tous ceux qui subissent désastre après désastre depuis Mohamed Merah en 2012 sont maintenus ou promus. Mon sentiment est que nos dirigeants politiques ont peur que si jamais ils déplacent une pièce du dispositif et qu’une semaine après survienne un attentat, cela leur soit imputé. Au moins, en l’état actuel des choses, ce n’est pas leur faute. Ceux qui voient les choses se dérouler de l’intérieur ont ce mot terrible : « des lapins dans les phares ! »

3 – Sommes-nous, avec l’organisation état islamique, face à un ennemi ordinaire ? Quelle est la particularité de cette organisation terroriste ?

En 2013 l’État islamique a envahi une partie de l’Irak, puis s’est installé en Syrie en privilégiant le combat dans son fief. Ses chefs estimaient alors que le vrai combat et les authentiques guerriers étaient au Moyen Orient sans attacher d’importance à ceux qui se réclamaient d’eux en Europe : tout au plus daignaient-ils leur accorder une sorte de parrainage moral… Or voila que brutalement, au début de l’année 2015, les coups portés notamment par la Russie de Poutine commencent à les mettre en mauvaise position : les milices chiites qui remontent du sud de l’Irak tandis que les Kurdes redescendent du nord vers le sud les prennent en tenaille.

Dès lors, ils décident d’une nouvelle stratégie de frappe tous azimuts que nos gouvernants et nos services n’ont pas perçue immédiatement et qui s’est matérialisée en France avec les attentats du 13 novembre. La volonté de l’État islamique est de desserrer l’étreinte en semant partout la mort. C’est un classique de l’histoire du terrorisme : dès lors qu’il perd ses bastions au cœur du monde arabe, Oussama Ben Laden abandonne le petit Jihad pour le grand Jihad. Même stratégie pour Daech en 2015-2016 : les attentats extérieurs jusqu’alors imputables à des locaux qui lui faisaient allégeance sont désormais conçus centralement, au sein du Califat, et des éléments partiront du Moyen-Orient pour conduire le combat.

Contrepoint

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Daniel

Pour « améliorer » l’entrée et la sortie de ces cinglés, l’U. E. a ouvert ses portes bien grandes.