La Turquie et l’Arabie Saoudite ripostent au Pacte Obama-Poutine 


Grands titres du dernier article du journal turc Zaman avant que le gouvernement Erdogan le place sous tutelle

La Turquie et l’Arabie Saoudite ont pris des mesures distinctes pour se libérer des diktats de Washington sur la question syrienne et montrer leur résistance à l’intervention cavalière de la Russie en Syrie. Ils empruntent des voies différentes pour signaler leur défiance et leur frustration (colère) contre le pacte exclusif entre les Présidents Barack Obama et Vladimir Poutine qui ostracise Riyad et Ankara sur la question syrienne.

La Turquie en particulier, se retrouve avec trois millions de réfugiés syriens (la Jordanie en accueille 1, 4 million), ressent que Washington fait la sourde oreille à ses demandes d’instauration de zones d’exclusion aérienne dans le nord et le sud de la Syrie comme zones-refuge contre les raids aériens russes et syriens.

L’an dernier, le Président Tayyip Recep Erdogan a tenté, par désespoir, d’ouvrir partiellement la porte à une sortie massive de réfugiés syriens vers l’Europe. Il a été accablé lorsqu’il a découvert que la plupart du million de demandeurs d’asile n’étaient pas Syriens, mais souvent des Musulmans d’Afrique du Nord, d’Afghanistan et du Pakistan, en quête d’une vie meilleure en Occident. La plupart des Syriens sont restés installés dans les camps qui les hébergent dans le sud de la Turquie.

Même les services de renseignements turcs, le MIT a beaucoup de mal à expliquer ce revers. Selon une explication partielle, les gangs de trafiquants de drogue et d’armes du crime organisé du Moyen-Orient, dans lesquels Daesh est très fortement impliqué et représenté, ont pris le contrôle du trafic de réfugiés vers l’Europe à partir de la Libye, d’Irak et de Syrie. Ce trafic d’êtres humains rapporte au groupe terroriste Daesh un revenu estimé à 1 milliard de $.

La Turquie est restée en plan avec des millions de réfugiés syriens sur les bras et une aide internationale insuffisante pour répondre à leurs besoins. Et, non moins douloureux , Bachar El Assad est toujours bien assis sur son trône à Damas.

De voir Assad fermement retranché dans Damas n’en constitue pas moins un affront pour l’Arabie Saoudite. S’ajoutant à cela, les groupes rebelles syriens soutenus par Riyad sont en train de fondre sous les assauts continus du régime appuyé par les Russes, que permet l’accord de « cessez-le-feu » conclu entre Obama et Poutine.

Les dirigeants du royaume pétrolier ont pris comme un sacré coup à l’estomac le fait que l’Iran et le Hezbollah ne cessent de se renforcer à la fois en Syrie et au Liban.

Les Turcs ont menacé de répliquer, mais se confinent à des tirs d’obus d’artillerie sur les zones syriennes proches de la frontière. Tout en semblant prendre pour cibles les milices kurdes YPD-YPG qui font mouvement dansq ces secteurs, les canons turcs frappent en fait des terrains vagues dénués de présence humaine kurde. Leur objectif était de tracer une ligne autour du territoire qu’ils ont projeté de transformer en zone de sécurité et d’exclusion arrière au nord. 

Samedi 5 mars, le Président Erdogan a proposé de bâtir une « ville nouvelle » de 4.500 kms carrés sur le territoire du nord de la Syrie, afin d’héberger des millions de réfugiés de guerre. Il a à nouveau essayé de « vendre » cette idée au Président Obama.

Le Ministre de la Défense saoudien, le Prince héritier Mohammed bin Salman a conçu un schéma plus complet et à hauts risques. Son objectif double est de frapper le Hezbollah pro-iranien sur ses arrières et de forcer les deux grandes puissances à le prendre plus au sérieux, en tant qu’acteur à part entière dans la résolution de l’imbroglio syrien. 

Cette logique d’actions saoudienne s’articule par l’annulation de l’aide militaire de 4 milliards de $ promise à l’armée libanaise, interdisant ainsi au Hezbollah, devenu un Etat dans l’Etat et qu’il domine le gouvernement de la tête et des épaules, tout accès à ce financement saoudien. Mais cette décision tire aussi le tapis sous les pieds du Liban et de ses espoirs de pouvoir combattre Daesh et le Front Al Nusra appartenant à Al Qaïda, qui se sont emparés d’une bande du territoire libanais dans la Vallée de la Beqaa au Nord.

L’action saoudienne, en affaiblissant l’armée libanaise et sa capacité à consolider le gouvernement central à Beyrouth, risque de faire basculer le Liban vers une nouvelle guerre civile.

L’ Economist de Londres a commenté cette mesure saoudienne contre le Liban en la traitant « d’amateurisme ». Sous le règne du jeune Prince (30 ans), « l’Arabie Saoudite agit parfois avec grandiloquence (arrogance) et violence , ce qui tend à le faire ressembler au Donald Trump du Monde Arabe« , selon la dépréciation du magazine anglais.

Mais les mesures saoudiennes sont guidées par une troisième motivation moins évidente, un coup de poing dans l’oeil du Président Barack Obama, pour avoir épousé les prétentions de l’Iran à l’hégémonie au Moyen-Orient. Le ressentiment à ce sujet est commun à la famille royale saoudienne et au gouvernement Erdogan.

Comme une provocation brutale à l’encontre de Washington, le Président turc a ordonné à la police, vendredi 4 mars, de faire une descente dans les locaux du plus grand journal turc, Zaman, après sa mise sous tutelle du gouvernement par un tribunal d’Istanbul aux ordres du pouvoir.

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Les journalistes du quotidien turc Zaman s’enchaînent en signe de protestation contre le diktat d’Erdogan

Le journal a diffusé sa parution finale peu avant le raid de la police en déclarant cette mise sous contrôle « le jour le plus noir et honteux pour la liberté de la presse » dans le pays. Un groupe de manifestant à l’extérieur du bâtiment a été dispersé à coups de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc et de canons à eau.

Zaman est détenu par le chef religieux réformiste musulman en exil Felhullah Gulen, qui dirige le puissant courant de pensée Hizmet, qui conteste fortement la politique suivie par le régime Erdogan. Ancien allié en disgrâce du Président, tous deux ont rompu il y a des années, maintenant. En 1999, après avoir été accusé d’avoir conspiré pour renverser le gouvernement d’Ankara, Gulen s’est enfui aux Etats-Unis. 

Aujourd’hui, le leader spirituel en exil dirige les campagnes du mouvement Hizmet contre le Président turc depyuis son domicile en Pennsylvanie, ce pourquoi Erdogan l’a déclaré « terroriste » et a fait arrêté la plupart de ses partisans.

Cette prise de contrôle de Zaman est destinée de la part d’Ankara, à la fois à infliger une sanction aux cercles musulmans opposés au régime d’Erdogan et à mener des représailles contre les Etats-Unis, pour héberger ses opposants et marginaliser la Turquier, dans les plans de l’administration Obama pour la Syrie.

De façon étranger, le Président turc se retrouve dans une posture analogue à celle du Pr »sident égyptien Abdel Fatteh el Sissi, que pourtant il hait, et qui en guerre contre les Frères Musulmans, un mouvement qui jouit du soutien sans réserve d’Obama.

Le Premier Ministre israélien Binyamin Netanyahu se trouve confronté à ses propres dilemmes. Il lutte pour maintenir son équilibre tout en marchant sur la corde raide, concernant la situation en Syrie, pris entre les relations stratégiques sur le long terme d’Israël envers Washington et traitant la présence du tigre russe tapis juste derrière la porte d’à coté, il n’est guère pressé d’accueillir à bras ouvert les ouvertures déterminées d’Erdogan, prêt à tout ou presque pour rétablir des relations « normales » avec Israël.

La Turquie est en bisbille avec les deux principales puissances mondiales, et après être resté cinq ans sous les accusations hostiles d’Ankara, Israël ne doit aucune aide particulière à Erdogan pour le sortir de son propre gâchis diplomatique.

DEBKAfile  Analyse Exclusive 5 Mars 2016, 10:03 PM (IDT)

 

Adaptation : Marc Brzustowski

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