Voir deux vidéos éclairantes en fin d’article : Syrie ou la guerre des hydrocarbures.
Estimé à plus de dix milliards de dollars, ce projet de gazoduc sous la mer Noire avait pâti de la crise diplomatique de novembre 2015 entre les deux pays. La visite de Vladimir Poutine à Istanbul, sa première depuis la crise, a concrétisé hier sa relance.
La Turquie et la Russie ont scellé hier leur réconciliation, en dépit de désaccords sur la Syrie, avec la signature d’un projet de gazoduc majeur à l’occasion d’une visite du président Vladimir Poutine à Istanbul.
La réalisation du projet baptisé Turkstream a fait l’objet d’un accord signé lors d’une cérémonie en présence de M. Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan qui se sont mis d’accord sur ses termes lors d’un entretien à Istanbul.
Ce projet d’un coût estimé à plus de dix milliards de dollars permettra à la Russie d’acheminer du gaz vers la Turquie et l’Europe sous la mer Noire. Il avait initialement été dévoilé fin 2014 en même temps que l’abandon, en pleine crise ukrainienne, du projet South Stream par la mer Noire, bloqué par l’Union européenne.
L’accord signé hier « prévoit la construction de deux lignes de gazoduc sous la mer Noire », a indiqué à la presse le PDG de la compagnie russe Gazprom, Alexei Miller. « La capacité de chacune de ces lignes est de 15,75 milliards de mètres cubes de gaz par an », a-t-il précisé.
La signature de l’accord de réalisation par les ministres de l’Énergie de chaque pays est survenue quelques heures après le début du 23e Congrès mondial de l’énergie organisé à Istanbul, et à l’occasion duquel M. Poutine faisait sa première visite en Turquie depuis la réconciliation des deux pays après une grave crise diplomatique née de la destruction par l’aviation turque d’un bombardier russe survolant la frontière syro-turque en novembre 2015.
« Les études montrent que le tracé turc est le plus rentable et le plus économique pour transférer » le gaz, s’était félicité plus tôt M. Erdogan.
Dans un signe d’apaisement des relations, M. Poutine a même assuré que la Russie réduirait les prix du gaz qu’elle vend actuellement à la Turquie.
En représailles à la destruction de son bombardier, la Russie avait imposé des sanctions économiques contre la Turquie, dont l’interdiction de vols charters vers le pays. Cette mesure s’était traduite par un effondrement de 83 % du nombre des touristes russes en Turquie en un an, selon des chiffres officiels turcs.
Déterminées à tourner la page, la Russie et la Turquie souhaitent désormais renforcer leurs échanges économiques pour les porter à 100 milliards de dollars par an.
(Pour mémoire : Poutine et Erdogan pour le rétablissement des relations économiques Russie-Turquie)
« Processus de guérison »
M. Poutine a annoncé l’ouverture du marché russe « pour un nombre de produits turcs » dont « des produits agricoles, notamment des fruits à noyau et des agrumes », levant ainsi la sanction prise au début de la crise qui interdisait l’importation de ces produits. « Pour nos partenaires turcs, c’est l’ouverture du marché russe », a-t-il ajouté devant la presse.
Pour Andrew Neff, analyste chez IHS Energ, « le processus de guérison a commencé » entre les deux pays, « chacun laissant derrière lui le souvenir aigre des dix derniers mois écoulés ». Toutefois les analystes restent sceptiques quant à la rentabilité du projet phare Turkstream et sa réalisation, la construction du gazoduc n’ayant toujours pas commencé.
La Turquie adresse aussi à l’Occident, à travers ce rapprochement, un message montrant qu’elle peut encore « suivre sa propre voie », a estimé M. Neff, alors que M. Erdogan a exprimé à de multiples reprises le sentiment qu’il avait été peu soutenu par ses partenaires européens et américains après le putsch avorté de la mi-juillet.
Les deux dirigeants se sont également engagés à accélérer le chantier de la première centrale nucléaire turque à Akkuyu, dont la construction a été confiée aux Russes. Cette centrale dont le coût a été estimé à près de 20 milliards de dollars est voulue par M. Erdogan, qui déplore que le « pays dépende des pays étrangers pour ses apports en énergie ». Avec cette centrale, « l’objectif est que 10 % de la production d’électricité provienne de » source nucléaire, a précisé le leader turc.