Photographe : Chris Craggs

Pour réaffirmer leur appartenance à la Grèce, les habitants de Pothias ont peint leur drapeau sur la roche qui surplombe le port de l’île de Kalymnos. Alamy/Chris Craggs/Photo12

Sur l’île grecque de Kalymnos, la menace turque est omniprésente

Par Alexia Kefalas le 03.08.2020

Face aux récentes provocations d’Ankara dans la région, cette île du Dodécanèse revit l’escalade de 1996 quand les Turcs avaient hissé leur drapeau sur l’îlot voisin d’Imia.

En arrivant au port de Kalymnos, situé entre les très prisées Kos et Rhodes, le bleu et le blanc dominent. Ces couleurs sont d’autant plus marquantes qu’elles n’apparaissent pas sur les maisons, aux tons plutôt vivaces, contrairement aux autres îles, où le blanc de la chaux et les volets bleu Matisse sont la règle.

Non, sur la montagneuse Kalymnos, ces couleurs se déploient sur le drapeau grec qui s’impose partout: dans les cafétérias, les boutiques, et y compris sur les deux flancs de montagne qui encerclent le port. 

«Les Grecs n’en font pas autant quand le gouvernement leur demande de hisser le drapeau sur leur balcon le jour de la fête nationale!» s’étonne une touriste grecque en découvrant l’île. Angelos Olympitis, dirigeant de l’hôtel Olympic, va même plus loin.

 «J’ai peint un énorme drapeau sur le toit de mon hôtel, pour que les avions de chasse turcs, qui violent en permanence notre espace aérien, soient aveuglés. Au début, tout le monde me prenait pour un fou. Et puis, chacun s’est mis à en faire autant», explique-t-il.

Le sujet turc est particulièrement prégnant sur cette île. Les Kalymniotes s’inquiètent des récentes provocations du pays voisin. Le 21 juillet dernier, soit quelques jours avant la première prière musulmane, dans l’enceinte de l’ancienne basilique de Sainte-Sophie, transformée en mosquée, Ankara a fait grimper la tension en Méditerranée. Il a annoncé son intention d’envoyer, autour de Kastellorizo, la plus orientale des îles grecques, un navire de recherche sismique, entouré de 18 navires de guerre. Un marathon diplomatique européen s’est alors engagé au moment où la marine grecque déclenchait l’alerte maximale. Quelques jours plus tard, les navires turcs ont rebroussé chemin. «Ils reviendront», reprend Angelos Olympitis.

Nous n’avons pas le choix que d’être sur nos gardes, sinon, nous risquons de revoir un incident à la Imia

Angelos Olympitis, dirigeant de l’hôtel Olympic à Kalymnos

Le refus de reconnaissance par la Turquie de la limite de l’espace aérien grec de 10 milles, et des eaux grecques à 12 milles, délimité par la convention de l’ONU sur le droit de la mer, est un casus belli pour la Grèce, qui y voit une «manifestation de l’expansionnisme turc». Les provocations d’Ankara y sont quotidiennes. Il n’est ainsi pas rare de voir un avion de chasse turc survoler Kalymnos pendant la journée. «Nous sommes en permanence harcelés par les Turcs, à tous les niveaux. Mais nous n’avons pas le choix que d’être sur nos gardes, sinon, nous risquons de revoir un incident à la Imia», ajoute-t-il.

Imia, ou Kardak en turc. L’incident entre la Grèce et la Turquie autour de ce Clochemerle inhabité date de 1996, mais il est encore très vif dans l’esprit des Kalymniotes. Un soir de janvier, deux journalistes turcs du quotidien Hürriyet décrochent le drapeau grec pour y déposer le leur. La presse des deux pays, membres de l’Otan, attise les braises. À l’époque, l’Union européenne, dépourvue de politique pour la région, ne prend aucune initiative. Bill Clinton, alors président des États-Unis, se saisit de l’affaire, envoie Richard Holbrooke, son secrétaire d’État adjoint et, sans trancher sur sa souveraineté, fait de ce caillou la première «zone grise».

«No arms, no men, no ships. Pas d’armes, pas d’habitants et pas de navires. C’est la règle, précise Yannis Stribis, professeur de droit international à l’Université de l’Égée. Forcément, cela a créé un précédent qui va au-delà de l’exacerbation de l’antagonisme héréditaire entre les deux pays. Je doute que la France accepte que l’on rôde autour de Wallis et Futuna. C’est aussi le cas des îles Malouines. Il suffit de voir la force de la détermination de la flotte britannique pour les revendiquer.»

Pour ce professeur, la menace qui plane aujourd’hui sur Kastellorizo semble revêtir une dimension différente d’Imia. «Kastellorizo ne peut pas devenir une “zone grise” parce qu’elle est habitée, contrairement à Imia. Et les textes sont clairs. L’île a été cédée par la Turquie aux Italiens en 1923 qui l’ont rendue à la Grèce en 1947, comme Kalymnos et les autres îles du Dodécanèse. La revendication d’Ankara n’est donc pas tant la convoitise de l’île que l’étendue stratégique de la souveraineté maritime qui va jusqu’en Égypte. La Turquie veut devenir hégémonique dans la région.»

«Nous avons perdu un bout de notre territoire»

Yanis Stribis, comme nombre de Grecs, salue la ferme condamnation de la provocation turque par le président français Emmanuel Macron. «Cela a certainement joué un rôle décisif important, tout comme l’intervention de la chancelière allemande, Angela Merkel, qui s’est empressée de demander au président Erdogan de cesser les forages illégaux. Mais Emmanuel Macron est allé encore plus loin, en s’indignant que l’Union européenne fasse appel aux États-Unis pour régler ses problèmes», conclut-il.

Cette dimension géostratégique de l’appétit boulimique turc parle aux pêcheurs de Kalymnos. Sur le port, près du phare surplombé d’une sirène saluant les navires, les barques de pêcheurs s’alignent dès l’aube. Giorgos est un des leurs. Le teint buriné, les mains usées, et le regard perçant, cet homme à l’âge indéfinissable représente la troisième génération de pêcheurs avec son frère jumeau Panormitis.

Pour eux, les menaces belliqueuses de la Turquie sont une routine. «Nous nous battons chaque année pour la dorade, confie le pêcheur. Dès que nous installons nos filets, les barques turques arrivent, sans gêne et pêchent en eaux grecques. Nous travaillons la boule au ventre. Les pêcheurs turcs sont armés, n’hésitent pas à tirer dans l’eau pour nous effrayer et saboter notre gagne-pain.»

Lire la suite https://www.lefigaro.fr/international/sur-l-ile-grecque-de-kalymnos-la-menace-turque-est-omnipresente-20200803

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Damran

Bien entendu, tous les enragés professionnels et les donneurs de leçons planétaires qui aboient et menacent tous en même temps, contre la « colonisation » des « territoires palestiniens » par Israël, restent muets face aux provocations agressives interminables du Sultan d’Istanbul qui pousse chaque jour ses pions un peu plus loin.
Faut-il rappeler que la Grèce fait partie de l’UE, et on ne peut pas dire qu’elle est soutenue par les autres pays membres, rien, pas même une déclaration de solidarité.
Même le vieux con Borrell n’a pas trouvé le temps de s’exprimer, il est sans doute occupé à rédiger le prochain acte d’accusation contre Israël, son obsession maladive.
Merkel vient, sous la pression du dictateur turc, d’alléger les déplacements des touristes allemands vers la Turquie, et tant pis pour le covid.
Et dire que toute cette pourriture se permet de donner des leçons de Droit, de Morale et de Justice à Israël, condamné systématiquement dès qu’il bouge son petit doigt….