Simha Torah: la clôture joyeuse des Fêtes (vidéos)
En diaspora, le premier jour est appelé par son nom biblique, Chemini Atséret. Nous demeurons encore dans la soucca, mais sans bénédiction. Yizkor, la prière en mémoire des défunts, est également dite ce jour-là. Le deuxième jour, appelé Sim’hat Torah , nous terminons et recommençons immédiatement le cycle annuel de lecture de la Torah.
Ce joyeux jalon est marqué par la danse, lors de laquelle nous faisons traditionnellement sept tours appelés Hakafot, en élevant les rouleaux de la Torah.
Ces deux jours sont célébrés par l’allumage nocturne des bougies, des repas de fête aussi bien le soir qu’en journée, et en s’abstenant de tout travail. En Israël, toute cette fête est compactée en une période de 24 heures.
Toute l’année, le peuple juif souffre pour la Torah, voire se bat pour elle. En ce jour de Simhat Torah, il exprime sa joie a son égard – non seulement du fait que la Torah soit réalité, mais encore, et surtout, car il y est profondément attaché, de par une appartenance intime. Et en ce jour il ressent carrément une joie de l’âme, et ce grâce á la Torah.
Mais à ce moment il se pose une question lancinante au commun des mortels; en effet il est écrit que chacun, sans exception, se doit de participer à la joie. Ne suis-je pas un intrus dans une fête qui n’est pas la mienne, comme si j’allais à un mariage auquel je ne serais pas invité, et dont je connais à peine les partis?
Pour répondre à cette question et expliquer ce paradoxe, Rav Weinberg nous raconte l’histoire suivante, qu’il a entendue de la bouche même d’un témoin.
Rabbi Salanter (fondateur du mouvement de « Moussar ») et ses disciples fêtaient la Simhat Torah avec une joie et un enthousiasme difficile a décrire, chantant et dansant comme des enfants, tellement ils aimaient la Torah.
Or une année, alors qu’ils étaient en transes, les disciples du Rabbi s’aperçurent tout d’un coup que le Rabbi était en train de pleurer. Ne voulant le troubler, ils ne l’interrogèrent pas.
Au bout d’une heure cependant, l’un d’eux se risqua à lui demander ce qui le chagrinait tant. Et le Rabbi de répondre: « Tandis que je me réjouissais tellement avec la Torah tout à l’heure, il s’est associé en moi une peine profonde de ce que je ne tienne la Torah et ses préceptes comme il se doit. »
Ce disant, tous ses disciples éclatèrent en sanglots: « Si le Rabbi n’est pas digne de la joie, qu’en est-il de nous? » La fête avait tourné en jour de deuil et de repentance.
C’est alors que le Rabbi se releva et dit avec force à ses disciples: « Maintenant que nous avons pleuré, nous pouvons comprendre la vraie signification de la joie en ce jour de Simhat Torah: car nos pleurs, nos remords sur nous-mêmes et notre conduite, témoignent du fait que la Torah fait partie intégrante de nous-mêmes, et c’est ce fait qui nous donne le droit et le devoir de nous réjouir ».
Et Rav Weinberg de poursuivre: cela est vrai pour chacun d’entre nous, car tous ceux qui se sentent juifs et veulent le rester – envers et contre tout – contribuent au maintien du peuple juif et de la Torah.
Par ailleurs, ce n’est pas nous qui portons la Torah, c’est elle qui nous porte, et quand nous parlons de la préserver, ce n’est pas elle que nous préservons, mais nous-mêmes, notre propre identité, car la Torah n’est pas extérieure à nous, elle fait partie de notre « moi », elle est notre essence.
Rav Weinberg illustre cette idée par un Midrach:
Un des monarques antisémites de l’époque envoya ses ministres à la recherche du tombeau de Moché Rabénou (Moïse). Arrivés au pied de la montagne, ils crurent voire le tombeau au sommet de la montagne. Ils grimpèrent vers le sommet, mais arrivés en haut, voilà qu’ils le voient en bas. Ils se partagèrent alors en deux groupes, l’un resta en haut, l’autre descendit, mais lá encore, ceux qui étaient en bas le virent en haut, et vice versa, ceux qui étaient en haut le virent en bas. Comme il est écrit: « Personne ne sut jamais où il était enterré jusqu’au jour d’aujourd’hui » (Deutéronome, 34, 6).
Ce Midrach a une signification symbolique universelle, nous explique Rav Weinberg:
Nos ennemis de par le monde et l’histoire recherchent la faille chez le peuple juif, l’endroit ou le noyau au sein duquel le judaïsme n’a plus siège, lá où Moïse est bel et bien mort et enterré.
Des fois il leur semble que cela est le cas en haut de l’échelle sociale, chez les intellectuels qui sont si ouverts aux cultures étrangères, ou chez les industriels et les cadres si bien assimilés; mais oh erreur, dès qu’ils regardent de plus près, ils s’aperçoivent que le judaïsme est encore là, bien vivant, quoique peut-être sous-jacent ou caché á l’intérieur de leur cœur.
Et nos ennemis alors de tourner leur regard vers le bas de l’échelle sociale, vers la classe pauvre et opprimée. Tiens! Là il leur semble que Moïse ait été effacé de leur pénible existence. Et mais non! Là encore tout au contraire, Moïse est vivant, et c’est sa Torah qui les maintient même, qui leur permet de survivre, de se rehausser.
Nos ennemis en viennent à s’organiser afin de mettre un terme à cette lueur juive. Peine perdue. Échec à tous les efforts d’extermination, tant du corps que de l’esprit. Des Grecs aux Romains, des Nazis aux Soviétiques, personne ne réussit à trouver le tombeau de Moïse. « Moïse est mort le sept Adar », mais aussi « Moïse est né le sept Adar » : s’il est arrivé qu’en un endroit quelconque, ou dans un cercle quelconque Moïse fût mort, aussitôt, dans un autre endroit, le voilà bel et bien vivant. Si dans une génération il y a une grande assimilation, voilà que dans la prochaine génération la lueur rejaillit.
Aucun effort, tant interne qu’externe, n’arrive à faire tarir cette source qu’est la Torah; elle est partout, elle s’infiltre dans tous les cœurs, et c’est elle que nous fêtons joyeusement en ce jour de Simhat Torah.
La tête haute et avec fierté nous la portons, car c’est elle qui nous transporte et nous élève.