Parlement européen : ce que l’on sait de l’affaire de corruption présumée impliquant le Qatar

Plus de quinze perquisitions et cinq interpellations ont été effectuées vendredi à Bruxelles. Une vice-présidente du Parlement européen et un ancien eurodéputé ont été arrêtés. Près de 600 000 euros en liquide ont été découverts.

Dans une grande opération « mains propres », la justice belge a commandé vendredi une série de perquisitions et d’interpellations dans ce qui pourrait être une affaire de corruption impliquant des membres du Parlement européen et un pays du Moyen-Orient, sans doute le Qatar. L’une des quatorze vice-présidents de l’institution, la Grecque Eva Kaili, fait partie des mis en cause. Son mandat lui a été retiré dans la soirée de samedi.

Une enquête ouverte il y a cinq mois

Une enquête fédérale a été discrètement lancée mi-juillet en Belgique sur une organisation criminelle présumée, soupçonnée d’ingérence dans la politique de l’Union européenne, au nom du Qatar, ont révélé le quotidien belge Le Soir et le magazine flamand Knack. Le procureur fédéral du royaume belge a confirmé qu’il s’agissait d’une possible corruption impliquant un État non identifié du Golfe et au moins un membre du Parlement européen.

Le communiqué explique que les enquêteurs de la police judiciaire fédérale soupçonnaient depuis des mois un pays du Golfe de tenter d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen en « versant de grosses sommes d’argent ou en offrant des cadeaux importants à des tiers avec une position politique et/ou stratégique significative au sein du Parlement européen ». De sources concordantes, les médias belges désignent le Qatar, pays organisateur de la Coupe du monde de football, sur lequel pèsent de forts soupçons de pratiques corruptrices récurrentes.

Le juge qui instruit l’affaire, Michel Claise, est un ancien avocat, aujourd’hui spécialiste des affaires financières et de blanchiment. Très critique des politiques belges qui donnent peu de moyens pour lutter contre la corruption, le juge Claise n’a pas choisi la date au hasard : ce vendredi 9 décembre était la journée internationale de lutte contre la corruption.

Des perquisitions en cascade et des interpellations

Dès le déclenchement des opérations, vendredi matin, pas moins de seize maisons et appartements ont été perquisitionnés à quatorze adresses différentes par les agents de l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) à Bruxelles, à Ixelles, Schaerbeek, Crainhem, Forest et Bruxelles-Ville.

Pier-Antonio Panzeri,

Un ancien eurodéputé italien du groupe Socialistes et Démocrates (S&D), Pier-Antonio Panzeri, et le « patron » mondial des syndicats, Luca Visentini, le secrétaire général fraîchement élu de la Confédération internationale des syndicats, ont été interpellés dans la matinée. Au domicile du premier, dans un coffre-fort, les enquêteurs de l’OCRC ont découvert près de 600 000 euros en liquide.

Le siège de l’organisation Fight Impunity, fondée et présidée par Panzeri, situé dans le centre de Bruxelles, a été perquisitionné également. Cette ONG « lutte contre l’impunité pour de sérieuses violations des droits humains » et pour la justice internationale. Eurodéputé depuis 2004, Panzeri avait été condamné en 2017 par la Cour européenne du Luxembourg à rembourser 83 764 euros de dépenses indues au Parlement européen. En 2019, lors d’une conférence de presse à Doha, il avait estimé que le Qatar était sur la bonne voie pour devenir une référence en matière de protection des droits de l’homme.

Quelques heures plus tard, la Grecque Eva Kaili, l’une des quatorze vice-présidentes de l’institution, était arrêtée à son tour. Son domicile a été perquisitionné vendredi en fin de journée et elle a été emmenée pour audition par le juge Claise. Selon le journal L’Echo, « plusieurs sacs remplis de billets » ont été découverts au domicile bruxellois de la vice-présidente, que la police a décidé de perquisitionner après avoir surpris le père de l’élue en possession d’une grosse quantité d’argent liquide dans « une valise ». Son mandat de vice-présidente lui a été retiré ce samedi soir.

Le bureau des assistants de deux députés du groupe S&D, les Belges Marc Tarabella et Marie Arena ont par ailleurs été fouillés par les enquêteurs et placés sous scellés jusqu’à lundi, pour permettre à la police de faire son travail. Selon l’agence Belga, l’assistante parlementaire de l’ancienne ministre belge Marie Arena, d’origine italienne, travaillait il y a un an pour Fight Impunity. Un assistant parlementaire du groupe Parti populaire européen (PP) a également été interrogé. Les enquêteurs se sont aussi rendus aux domiciles de deux conseillers et d’une fonctionnaire du Parlement européen.

Deux autres hommes ont été interpellés : le directeur, d’origine italienne, d’une ONG, ainsi que Francesco Giorgi. Il s’agit d’un ancien assistant parlementaire de Panzeri, qui travaille toujours pour le groupe S&D, et qui est surtout le compagnon d’Eva Kaili. Samedi, les auditions de cinq suspects se poursuivaient à Bruxelles, selon un porte-parole du parquet fédéral.

Eva Kaili prise en flagrant délit ?

Compte tenu de l’immunité dont jouissent les parlementaires européens, les interpellations ne sont en principe possibles qu’en prenant la personne en flagrant délit. Âgée de 44 ans, Eva Kaili est une ancienne présentatrice de journaux de la télévision grecque, élue eurodéputée depuis 2014, et réélue en 2019. Depuis le début de l’année, elle est vice-présidente, chargée, entre autres, des relations avec le Moyen-Orient. Aucune information n’a pour l’instant filtré sur ce potentiel flagrant délit.

Kaili a rencontré au Qatar peu avant le début du Mondial de foot le ministre du Travail Ali bin Samikh Al Marri. L’élue grecque avait salué à cette occasion, au nom de l’UE, l’engagement du Qatar à « poursuivre les réformes du travail », selon un tweet de l’ambassadeur de l’Union à Doha, Cristian Tudor. « Aujourd’hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d’un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe », avait aussi déclaré Eva Kaili à la tribune du Parlement européen le 22 novembre. « Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait-elle affirmé.

Sans attendre de pouvoir entendre sa version des faits, le mouvement socialiste panhellénique, le PASOK, a écarté dès vendredi soir Kaili de ses rangs. « Il existe des pressions au sein du parti pour que Mme Kaili cède son siège au parlement européen », précise un membre du parti socialiste grec à l’AFP. « Pour le moment, elle ne souhaite pas céder son siège, car elle sait que cela induirait une levée de son immunité parlementaire », a expliqué un autre élu grec.

Un blocage des négociations sur les visas UE/Qatar ?

En parallèle de ces révélations, les eurodéputés Verts et socio-démocrates ont fait savoir qu’ils s’opposeraient au démarrage de négociations sur une libéralisation des visas pour les Qataris dans l’UE.

Réunis à partir de lundi à Strasbourg, les eurodéputés devaient en effet valider l’ouverture de pourparlers entre le Parlement européen et les États membres de l’UE en vue de finaliser un texte facilitant le régime de visas pour les voyageurs du Qatar et du Koweït. Ce texte, qui a déjà reçu le feu vert des États membres fin juin, prévoit de dispenser de visa les ressortissants du Qatar et du Koweït se rendant dans le bloc européen pour une durée maximale de 90 jours, sous réserve d’un accord de réciprocité avec ces deux pays.

De son côté, le groupe des socio-démocrates (S&D) réclame « la suspension des travaux sur tous les dossiers et votes concernant les États du Golfe, en particulier sur la libéralisation des visas ».

Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen et ex-star du JT, au cœur d’une enquête pour corruption avec le Qatar.

Le scandale devrait être retentissant : vendredi 9 décembre, quatre personnes ont été interpellées dans le cadre d’une enquête pour corruption et blanchiment d’argent au sein du Parlement européen et impliquant le Qatar. La police soupçonne en effet le pays du Golfe, qui accueille actuellement la Coupe du monde, d’influencer les décisions économiques et politiques de l’organe parlementaire en « versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants à des tiers ayant une position politique ou stratégique significative », a déclaré le parquet fédéral.

Cela en échange d’une valorisation de son image à l’international. Image largement entachée depuis plusieurs mois en raison des polémiques entourant la compétition de football. Parmi elles, le traitement de ses travailleurs, le non-respect des droits humains, et son positionnement écologique.

Parmi les quatre suspects figure l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, l’un des 14 vice-présidents du Parlement européen. Celle-ci a été interpellée à Bruxelles et est toujours placée en garde à vue. La femme politique a été arrêtée avec son mari, assistant parlementaire attaché au groupe Socialistes et Démocrates (S&D). Selon les informations de L’Echo, l’élue âgée de 44 ans pourrait avoir été prise en flagrant délit de blanchiment d’argent.

En effet, la police belge a trouvé 600.000 euros en cash dans son appartement. Son père a quant à lui été arrêté en possession d’une valise remplie de billets. Dans la foulée de son arrestation, le parti politique grec d’Eva Kaili, le PASOK, a annoncé sa décision d’«écarter» cette dernière.

D’architecte à présentatrice télé

Blonde aux yeux bleus perçants, Eva Kaili est née en 1978 à Thessalonique, ville portuaire grecque de la mer Égée. Elle étudie l’architecture à l’université Aristote, où elle s’illustre, sans toutefois en faire son métier. À l’aise avec son image et sachant manier le verbe, elle décide en 2005 d’entreprendre des études de journalisme, alors âgée de 27 ans. En parallèle, elle est embauchée par la chaîne Mega TV comme présentatrice du JT.

Si elle ne semblait pas promise aux hautes sphères de la politique, Eva Kaili s’est néanmoins toujours intéressée à l’avenir de son pays et aux grands enjeux diplomatiques. En 1998, alors qu’elle est étudiante en architecture, elle est élue au conseil municipal de la ville, sous l’étiquette du PASOK (Mouvement socialiste panhellénique, NLDR), comme le souligne son site officiel.

Férue de robotique

Après une première défaite aux élections législatives de 2004, Eva Kaili prend sa revanche trois ans plus tard et devient députée au Parlement grec, à seulement 29 ans. Forte de ses diverses formations, et fidèle à son parti politique, elle accède ensuite au Parlement européen en 2014. Celle qui ne semble jamais se lasser des bancs de l’école approfondit ensuite ses connaissances en se lançant, une nouvelle fois, dans des études internationales et européennes à l’université du Pirée, alors qu’elle fête ses 33 ans.

En parallèle, cela fait maintenant plusieurs années que l’élue œuvre en faveur des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle. Elle est d’ailleurs présidente du comité consultatif sur l’intelligence artificielle et la technologie blockchain (technologie de stockage de données, NDLR) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Liens avec les qatari

Les investigations de la police belge pourraient néanmoins mettre un terme au parcours fulgurant de l’eurodéputée. Arrêtée ce vendredi 9 décembre, donc, cette dernière est soupçonnée dans une affaire de corruption et de blanchiment d’argent avec le Qatar, pays critiqué en marge de sa Coupe du Monde pour le traitement de ses travailleurs, le non-respect des droits humains et son positionnement écologique.

Début novembre, avant que ne débute la compétition, Eva Kaili avait rencontré le ministre qatari du Travail Ali bin Samikh Al Marri. L’élue grecque avait salué, au nom de l’Union européenne, l’engagement du Qatar à «poursuivre les réformes du travail». Au vu des investigations policières, difficile de ne pas penser à cette phrase, prononcée moins d’un mois plus tard, le 22 novembre, à la tribune du Parlement européen : «Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail»…

Luca Visentini, le super-syndicaliste

Luca Visentini, 53 ans, a été l’une des premières personnes interpellées vendredi matin en vue d’être entendue par les officiers anti-corruption, à son domicile bruxellois. En 2011, l’Italien est devenu Secrétaire de l’organisation faîtière CES, la Confédération européenne des syndicats. Le mois dernier, à Melbourne (Australie), il a pris du galon étant élu Secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI), une organisation qui compte 200 millions de membres dans le monde.

Selon le journal suisse Swissinfo, la CSI posait un « problème pour le Qatar » et le syndicat avait posé à plusieurs reprises des questions sur la Coupe du monde au Qatar. Fin octobre, Visentini avait rencontré le ministre qatari du Travail, Al Marri. Nous avons contacté la CSI pour obtenir une réponse mais n’en avons reçue aucune. En fin de journée, la Confédération publiait toutefois un communiqué laconique  : « Pas de commentaire. »

JForum.fr – Le Parisien

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Moses

Pas étonnant que l’Europe soit si favorable à l’immigration et contre les mesures d’expulsion des immigrés irréguliers. Elle doit être bien noyautée par le Qatar et d’autres qui arrosent sans compter.

KIGEM

ET NOUS »PAUVRES CONS » QUI CROYONS EN NOS INSTITUTIONS SOIT DISANT INCORRUPTIBLES QUELLE BELLE DÉMONSTRATION.
VIVE L UNION EUROPÉENNE (hahahaha)

Yéochoua Sultan

Très instructif. Bravo pour cette parution.
D’après le média d’investigation Blast, la corruption entre le Qatar et la France a en outre commencé quand les électeurs du pays devant accueillir la coupe de foot ont été soudoyés. Cette affaire est liée à celle de la guerre contre la Lybie, financée à hauteur de 300 000 euros par le Qatar, Sarkosy n’ayant pas eu les moyens de se la payer tout seul.
Vivement que la lutte contre la corruption politique s’affirme et s’étende, notamment au sujet de la pression et de la corruption du laboratoire pharmaceutique Pfizer, et de ses accointances avec la présidente de l’UE et d’autres dirigeants.