Le saviez-vous? Selon le Coran, Israël ne doit pas être maudit : voici la raison….

Le ministère des Affaires étrangères a publié un article sur la page Facebook d’Israël en arabe, dans lequel il explique aux musulmans que selon le Coran, il est interdit de maudire le peuple d’Israël – et cela en raison de l’origine du nom, qui est également sacré aux musulmans.

Le ministère des Affaires étrangères  a publié en arabe un message sur sa page Facebook, dans lequel il appelle les musulmans du monde entier à cesser de maudire l’État d’Israël. Selon le Coran, le nom « Israël » est sacré – même pour les musulmans.
« Saviez-vous qu’il est interdit de maudire Israël? », Le post se lit, « parce que ce non est mentionné dans le Saint Coran ainsi que son explication. » Le message poursuit en expliquant : « Israël est le nom de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham, que la paix soit sur lui. Le mot Israël est un mot hébreu qui a deux parties : la première partie est Esr, qui signifie esclave, et la seconde partie est El, qui signifie Dieu, signifiant Abdullah.

Quelle place pour les Juifs dans le Coran ?

Meir M. BAR-ASHER, Les Juifs dans le Coran,Préface de Mohammad Ali Amir-MoezziPublié initialement chez Albin Michel dans la collection « Présences du judaïsme » en 2019, Paris, Albin Michel, 2020, Collection « Espaces libres ».

La Torah, les Évangiles, le Coran… Ces livres -, durant des millénaires, en Occident comme en Orient, une grande partie de l’humanité les a lus, relus, médités, commentés inlassablement et s’en est inspirée pour édifier d’admirables civilisations. Mais ces mêmes textes ont pu aussi servir au cours de l’histoire à justifier violences et guerres,  mort et destruction. Au point qu’on a pu même en venir à se demander s’il fallait encore les lire, s’il ne fallait pas les vouer à l’oubli, les abandonner comme des témoignages d’un passé archaïque.
Et pourtant, on assiste, dans le temps présent, à des actes de terreur qui se réclament de la fidélité à ces livres. On pense bien sûr, particulièrement, aux manifestations d’extrême violence perpétrée au nom du Coran et de son Prophète à l’encontre des Juifs et des Infidèles …
Il est donc plus que jamais nécessaire de lire, de comprendre ces textes qui, pour être anciens, ne sont ni caduques ni périmés.
C’est pourquoi les travaux d’un savant comme ceux du Professeur Meir M. Bar-Asher sont nécessaires et salutaires. Ce philologue et fin connaisseur de l’islam, directeur du département de Langues et Littératures arabes à l’Université hébraïque de Jérusalem, a consacré de nombreux écrits à l’exégèse coranique, au chiisme notamment. Dans son essai, Les Juifs dans le Coran , il a étudié comment l’islam voit et comprend le judaïsme et les Juifs, comment le Prophète construit sa Parole dans le prolongement mais aussi en rupture avec la Torah d’Israël. En lisant cet essai, le lecteur pourra, sinon saisir le sujet dans toute sa complexité, du moins se faire une idée exacte sur ce qu’en dit au juste le Coran, livre déroutant et complexe pour qui n’est pas versé dans son exégèse subtile.

Les circonstances d’une révélation

         Mahomet, originaire de la Mecque, appartenait à la tribu des Qouraych, gardienne du sanctuaire de la Kaaba depuis le Vème siècle. Au cours de l’année 610, il commença à entendre la Révélation, qu’il ne rendra publique que vers l’an 613. Les Mecquois, polythéistes et adorateurs de dieux sculptés dans la pierre, réfutèrent sa révélation du Dieu Unique.
Menacé et privé de la protection du chef de son clan, Le Prophète dut quitter la ville et se réfugier à Yathrib où il fut accueilli par les tribus juives. Il découvrit alors les principes, les rites et les pratiques israélites, dont il s’inspira pour organiser la nouvelle religion de l’Islam, tout en espérant bien convaincre ces tribus juives du bien-fondé de sa qualité de prophète et de la supériorité de la nouvelle doctrine.

Il découvrit dans la Torah des éléments qui annonçaient sa doctrine, outre l’avènement de l’islam, et entreprit alors d’adopter certains des rites juifs. Cependant les Israélites refusèrent de reconnaître ce nouveau et dernier Prophète, alors même qu’il invoquait l’appui de la Torah pour confirmer sa vocation et proclamer une nouvelle religion reposant sur une nouvelle alliance de Dieu. À l’occasion des trois batailles livrées contre ses adversaires entre 624 et 627, il prétexta la trahison des Juifs pour se détacher totalement du peuple d’Israël.
C’est à la lumière de ce contexte que Meir M. Bar-Asher a étudié comment le Coran traite les Juifs, exprimant soit une sympathie livresque, soit une évidente hostilité.

Dans la péninsule Arabique

         Des sources, peut-être plus légendaires qu’historiques, affirment la présence des Juifs au Sud de la péninsule Arabique (actuel Yémen), depuis le VIème siècle avant l’ère chrétienne, soit après la destruction du premier Temple de Jérusalem. Les Juifs yéménites font remonter leur présence en ces lieux aux relations entre le roi Salomon et la reine de Saba (Sourate 27 dite Les Fourmis, Coran, 27, 22-24).
L’unité politique la plus achevée était le royaume de Hymiar, fondé au Sud de l’Arabie en 110 av-J.-C. Cent ans plus tard, ce royaume adoptait le monothéisme juif et s’étendait, entre les IVème et VIèmesiècles, au centre et à l’est de l’Arabie, jusqu’aux alentours de la Mecque. La conversion au judaïsme aurait été inspirée par la conversion des dirigeants de l’Éthiopie au christianisme, après leur rapprochement avec Byzance.
Au VIème siècle, les Éthiopiens tentèrent de renverser le roi juif pour le remplacer entre 518 et 525 par un roi chrétien, mais le processus de conversion au judaïsme reprit avec force sous le règne de Youssouf Dhou Nouwas (522-525) lequel persécuta même les Chrétiens. En 525, l’armée éthiopienne renversa ce roi et installa sur le trône un roi chrétien. Si le royaume de Hymiar semble avoir été christianisé au niveau de l’organe de pouvoir, la population resta très majoritairement fidèle à la foi israélite.
La présence de communautés juives en Arabie est également confirmée par les poètes anté-islamiques du IVème siècle. Les Juifs de ce royaume étaient organisés en une communauté dotée de toutes les institutions habituelles de la diaspora juive : on a découvert maints vestiges de nombreuses synagogues, bains rituels et cimetières exclusifs.
         Il n’est pas contesté qu’en 622, le Prophète fuyant les persécutions de la Mecque, se réfugia à Yathrib où il fut accueilli par des communautés juives bien implantées. Cet événement, nommée Hégire, marque le début du calendrier islamique. C’est là que le Prophète s’imposa, non seulement comme prédicateur religieux, mais aussi comme un chef politique, fondateur du premier État islamique.
Mahomet devint aussi l’arbitre des conflits entre les Mecquois l’ayant suivi, les tribus arabes médinoises converties à l’islam et les tribus juives. Ces communautés concluront un Pacte de bonne entente et de soutien mutuel désigné par la suite sous le nom de Constitution de Médine (p. 53).
         En conclusion de ce chapitre, l’auteur retient que « ces épisodes, qui sont des éléments essentiels de la mémoire musulmane, ne nous sont cependant pas connus par la tradition juive, qui ignore tout des communautés juives dans la péninsule Arabique. Cette asymétrie mémorielle entre les traditions juive et musulmane nourrit jusqu’à aujourd’hui beaucoup de malentendus. », p. 56.
Dès lors, il importe de prêter attention aux expressions par lesquelles le Coran désigne le peuple juif. Elles sont riches, subtiles et, par là même, ambivalentes.
Désignation des Juifs dans le Coran
         Pour désigner les Juifs, le Livre saint de l’islam utilise trois appellations, variant selon les époques :
– les fils d’Israël, descendants des Hébreux de l’époque biblique, mais cette expression prend une connotation péjorative quand le Coran souligne les manquements des Juifs aux commandements divins.
– les Juifs ou ceux qui sont devenus juifs ou qui pratiquent le judaïsme, appliqués le plus souvent aux Israélites de l’époque post-biblique et surtout à ceux que le Prophète a connus à la Mecque et à Yathrib.
– La troisième désignation se rapporte au Livre, soit le peuple du Livre ou du Pentateuque, mais peut aussi désigner les Chrétiens dont l’Ancien Testament est le premier livre saint.
         Le terme mécréant (kafir) est aussi utilisé pour évoquer la colère divine contre les pécheurs – juifs ou chrétiens – car la première sourate (Coran, 1 : 7) distingue bien ceux que Dieu a comblé de bienfaits (les Musulmans), ceux qui encourent sa colère (les Juifs) et ceux qui se sont égarés (les Chrétiens).
         Le Coran reconnaît ainsi explicitement que les enfants d’Israël sont le peuple choisi et élu par Dieu, et avec lequel il a conclu une alliance privilégiée en lui donnant la Torah, présentée alors comme une source qui annonce et confirme le Prophète Mahomet et l’islam.
L’élection cependant, est presque toujours mentionnée dans un contexte polémique avec une série de rappels historiques, notamment négatifs comme l’épisode du Veau d’or édifié alors que Moïse s’était retiré durant quarante nuits pour rencontrer Dieu. Le Coran souligne que l’élection du peuple juif est conditionnelle et qu’il peut en être déchu, au profit d’un autre peuple, celui des Musulmans ! « Pour que les peuples du Livre sachent qu’ils ne peuvent en rien disposer de la grâce de Dieu. Oui, la grâce est dans la main de Dieu ; il la donne à qui il veut. Dieu est le maître de la grâce incommensurable » (Coran, 57 : 29), cité p. 69.
         Les commentateurs musulmans soutiennent aussi que l’élection de la communauté musulmane est conditionnelle et que le comportement de ce peuple ou de ses individus pourrait aussi susciter un rejet. La branche chiite de l’islam retient même que l’élection ne profite qu’à ceux qui reconnaissent leurs imams comme seuls héritiers légitimes de Mahomet (p. 73).
Si le livre saint de l’islam énumère tous les bienfaits accordés par Dieu aux fils d’Israël, il ne manque pas de réprouver les manquements graves à cette alliance, mais les faits sont toujours évoqués de manière anonyme et il est difficile de les rattacher à des personnages ou des lieux précis, d’où la nécessité de recourir à l’exégèse.
L’attitude du Coran envers les Juifs (et les Chrétiens) reste complexe : bien qu’il se méfie des Écritures saintes détenues par eux, il considère qu’elles valident son propre message. « Si tu es dans le doute au sujet de notre Révélation, interroge ceux qui ont lu le Livre avant toi » (Coran, 10 : 94), p. 82.
         Mais le plus grand péché commis par Israël serait le polythéisme : on peut reprocher tant aux Juifs avec l’adoration d’un certain Ouzayr, qu’ils croient fils de Dieu (Coran, 9 : 30), qu’aux Chrétiens qui ont divinisé leur Messie. Le judaïsme et le christianisme seraient ainsi devenus des monothéismes pervertis, justifiant l’avènement d’une nouvelle religion. Le verset du livre d’Isaïe ( 9 : 5) : Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, la souveraineté repose sur son épaule…, cité par les Chrétiens comme l’annonce de l’avènement du Messie, a été interprété par les Musulmans comme une allusion à la mission prophétique de Mahomet dont l’épaule était marquée par le sceau sacré, contrairement à Jésus.
         Avec une totale imprécision, le Coran soutient que la version actuellement retenue de la Bible est falsifiée et que les Juifs auraient assassiné des prophètes mais aucun fait précis n’est visé sauf peut-être la mise à mort du Christ alors que selon le Coran, Jésus n’aurait en réalité pas été crucifié.
Cette vision négative globale des Juifs sert de fondement à leur délégitimation et à leur rabaissement, d’où une infériorité justifiant l’imposition de la capitation.
         Enfin, le verset 5 de la sourate 62 explique que « ceux qui étaient chargés de la Torah et qui, par la suite ne l’ont plus assumée, ressemblent à l’âne chargé de livres », p. 106.  Les Juifs ont bien été chargés de la Torah, qui représente un héritage important et vénérable que le Coran ne minimise pas, mais ceux qui en sont les porteurs l’ont négligé, en le falsifiant et le rejetant. Ils ne font que le porter concrètement, comme un homme qui ignore la charge que, pourtant, il porte.
Encore une fois le reproche concerne les Juifs, mais la leçon s’adresse également aux Musulmans afin qu’ils ne trébuchent pas à leur tour.

Il résulte de cette position une réécriture de la Bible au sein même du Coran.

La réécriture des récits bibliques

         Le Coran est riche de préceptes, de principes de foi, d’idées et de récits exposés dans la Bible et la littérature post-biblique. La rédaction du livre a emprunté une terminologie religieuse étrangère à la langue arabe et islamique, qui témoigne des contacts des Musulmans avec différentes cultures, et notamment celle des sages juifs. Les islamologues ont mis ainsi en évidence le vocabulaire hébraïque du Coran.
Les références bibliques proviennent principalement du Pentateuque et les héros de la Genèse sont bien représentés avec Adam, Noé, Loth, Abraham et ses fils, Jacob, Joseph et ses frères. Le prophète Moïse est l’une des figures centrales du Coran, notamment à propos de son rôle de guide des Hébreux de la sortie d’Égypte jusqu’à la Terre sainte.
D’autres figures bibliques sont également mentionnées comme Saül, David et Goliath. En revanche les grands prophètes de la Bible sont ignorés, tels Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, alors que la littérature post-coranique en fait grandement état, notamment à travers le genre littéraire appelé Les récits des Prophètes. Il apparaît également que le Coran s’inspire beaucoup de la littérature juive post-biblique (Talmud et Midrache).
         Cependant, toutes les citations sont brèves, tronquées et elliptiques. Par exemple, l’évocation du personnage de Noé est dispersée dans trois sourates. En fait, les auditeurs du Coran étaient censés bien connaître la vie des personnages de la Bible, d’où ces brèves insertions biographiques. Certains personnages sont même mentionnés sans indication de leur nom, comme les « deux fils d’Adam » ou « les frères de Joseph »… Inversement, l’histoire de Joseph est exposée de manière longue et détaillée, ce qui est également le cas dans la Genèse.
  La mention des personnages bibliques permet seulement d’illustrer la leçon qu’on peut et doit en tirer ; les préoccupations pédagogiques et morales sont prioritaires.
Tous les personnages bibliques sont considérés comme des prophètes qui annoncent la venue de Mahomet.
Mais le Coran ne se contente pas de reprendre, de transposer et de réécrire les récits bibliques, il assume aussi l’héritage législatif de la Torah.

Loi coranique et Loi juive

         La Révélation reçue à la Mecque présente une orientation apocalyptique et eschatologique, sans véritable connotation juridique, sauf les obligations de la prière et de l’aumône. C’est à Yathrib, au contact des tribus juives dont la religion était déjà très structurée depuis des siècles, que seront élaborées les règles de vie musulmane, avec des obligations et des interdictions. Dans un premier temps, le Prophète espère convertir les Juifs et s’inspire donc des pratiques juives qu’il transpose dans la nouvelle religion.
Les chercheurs ont relevé la similitude entre les jurisprudences musulmane et juive, en raison d’une relation dialectique constante avec la halakha biblique et post-biblique. Si le texte de la Torah n’est pas repris textuellement, les ressemblances thématiques générales sont évidentes, comme pour la loi du talion par exemple.
Les ressemblances se manifestent surtout dans les lois de la prière et de la Qibla (orientation de la prière), du jeûne et de l’alimentation, même s’il n’y a pas identité absolue des pratiques.
Au fur et à mesure que le Prophète s’éloignera puis rompra toute relation avec les tribus juives, les règles divergeront dans la pratique proprement dite, mais les principes subsisteront. Ainsi la direction de la prière ne sera plus Jérusalem mais la Mecque. Le vendredi sera choisi comme jour de la grande prière, car à Yathrib c’était le jour du marché qui attirait toujours une foule nombreuse. L’appel à la prière ne sera plus au son du chofar mais à la voix du muezzin. Le jeûne de Yom Kippour deviendra celui de Achoura. Le porc restera un aliment interdit et l’on y ajoutera le vin.
La grande différence intervint au niveau du calendrier lunaire, avec l’Hégire comme point de départ, puis la prohibition du treizième mois intercalaire, considéré comme la marque d’une infidélité à la loi divine fixée à l’aube de la création. C’est pourquoi le mois de Ramadan se décale d’année en année, contrairement aux fêtes juives qui respectent le rythme des saisons.
Donc, si les savants musulmans faisaient allusion à des textes bibliques, post-bibliques et à des règles juives, ils s’efforçaient en même temps de se démarquer du judaïsme afin que la nouvelle religion ne penche jamais vers les extrêmes et se maintienne dans « la voie du milieu ».
De ce remaniement de la Loi découle un statut spécifique accordé aux Juifs, qui n’est pas explicité dans le Coran lui-même mais qui se déduit à partir de lui.

Les sources coraniques de la dhimma

         Le statut d’infériorité réservé aux Juifs (et aux Chrétiens) ne résulte pas explicitement du Coran mais apparaît après l’émergence d’un empire musulman réunissant, sous l’autorité du calife musulman, de nombreuses minorités religieuses. Toutefois, le Coran affirme très clairement l’humiliation frappant les Juifs, « parce qu’ils ne croyaient pas aux signes de Dieu et qu’ils tuaient injustement les prophètes » (Coran, 3 : 112). Cependant, s’il n’interdit pas de les humilier, il commande de les protéger, moyennant le paiement de la capitation (jizya). « Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu et au jour dernier ; … ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusqu’à ce qu’ils payent directement le tribut après s’être humiliés » (Coran, 9 : 29), cité p. 193. La supériorité de l’islam est ainsi proclamée et assurée.
Cette institution de protection moyennement impôt, prend une forme juridique définitive sous le nom de Pacte de Oumar attribué au troisième calife Oumar Ibn al-Khattab (634-644), mais plutôt élaboré sous le règne du calife omeyyade Oumar b.`Abd al-Aziz (717-720), connu pour son hostilité à l’égard des Juifs et des Chrétiens. Les Zoroastriens purent bénéficier du même statut, contrairement aux païens qui n’avaient le choix qu’entre la conversion ou la mort, au mieux l’esclavage.
         Au terme d’une longue codification, le statut des Juifs en tant que dhimmis n’apparut véritablement que deux siècles après l’émergence de l’islam et il a été repris par les quatre écoles juridiques de l’islam sunnite ainsi que dans les écrits juridiques chiites. Les juristes des différentes écoles s’interrogèrent sur la question de savoir s’il y avait lieu de renouveler périodiquement le Pacte de Oumar et finirent par admettre qu’il subsistait à travers les générations et qu’il fallait s’y tenir. L’histoire des Juifs sous l’islam n’est pas monolithique et oscillerait sans cesse entre la persécution fanatique et la coexistence, dans la plus parfaite harmonie, de races et de religions différentes, avec de fréquents rappels des termes du Pacte de Oumar.
         Ce statut d’infériorité a été officiellement aboli dans la quasi-totalité des États musulmans, d’abord dans l’Égypte de Mehmet Ali, puis dans tout l’Empire ottoman entre 1839 et 1856 et plus tard au Maroc en 1912 dans le cadre du protectorat français.
         Mais cette notion reste présente dans le débat idéologique, à propos notamment de la souveraineté de l’État d’Israël qui s’oppose au hadith : « L’islam est supérieur à tout et rien ne lui est supérieur. ». Toutefois, l’Iran chiite applique encore la dhimma ! C’est pourquoi l’essai de Meir Ben Ascher, aborde l’interprétation que l’islam chiite a pu donner du Coran, sortant quelque peu des limites que s’était assigné son essai, et développe la conception chiite qui diffère de l’approche sunnite.

La place du judaïsme et des Juifs dans le chiisme duodecimain

         Le chiisme présente quelques conceptions spécifiques par rapport aux Juifs et au judaïsme dans deux secteurs de la vie religieuse.
Le premier est celui du droit, avec la question de l’impureté rituelle des peuples du Livre et ses conséquences au niveau de la nourriture et du mariage.
Le deuxième est d’ordre doctrinal car dans de multiples traditions, les descendants d’Israël sont présentés comme étant le prototype de la Shi’a (shi’a mot arabe qui désigne à l’origine un groupe de partisans). Ce qui rappelle l’attitude traditionnelle du christianisme s’identifiant au Vrai Israël (Verus Israel).

L’impureté des gens du Livre

         La théorie de l’impureté se réfère au verset 28 de la sourate 9 : « Ô vous qui croyez, les mushrikoune ne sont qu’impuretés ; qu’ils n’approchent plus la Mosquée sacrée ».
Le terme mushrikoune, usuellement traduit par le mot « associateur », désigne ceux qui associent d’autres divinités à Dieu, comme les chrétiens avec Jésus et les Juifs soupçonnés d’avoir divinisé `Uzayr.
Une conception restrictive considérait que l’interdiction de la Mosquée ne s’appliquait qu’aux polythéistes anté-islamiques de la Mecque, mais une seconde conception élargit l’interdiction à tous les polythéistes et toutes les mosquées. Contrairement au sunnisme, le schisme duodécimain a retenu la conception extensive. Les Juifs, en tant qu’associateurs sont des infidèles, et donc impurs.
         La question de « l’impureté des Juifs » affecte principalement la consommation de la chair des animaux abattus rituellement par eux et le mariage avec des femmes de cette communauté. Le verset 5 de la Sourate 5 a été diversement interprété par les savants sunnites et chiites. Contrairement aux sunnites, les chiites rejettent les viandes d’animaux abattus rituellement par les Juifs ou les Chrétiens et prohibent le mariage durable avec des femmes juives ou chrétiennes, sauf dans le cadre du mariage de plaisir, à durée déterminée – souvent très courte – et qui prend fin de plein droit et sans divorce.
         Les plus grands docteurs chiites duodécimains ont toujours considéré que les opinions permissives étaient purement circonstancielles, comme en période de famine par exemple, où l’impératif de survie justifierait la consommation de toute nourriture.
Quelques hypothèses sont avancées pour expliquer l’origine de la notion « d’impureté des Juifs et des Chrétiens » :
– le zoroastrisme, religion d’État dans l’empire Sassanide, imposait déjà des règles de pureté identiques dans toute la Perse et l’Irak actuel, berceau du chiisme.
– les règles de pureté rituelle, fondamentales dans le judaïsme biblique et postbiblique jusqu’à la destruction du Temple, auraient influencé les écoles juridiques musulmanes d’Irak, berceau du Talmud de Babylone, et tout particulièrement celles du chiisme duodécimain
– La doctrine de l’impureté se serait encore développée dans le chiisme à partir de la prise de conscience de sa singularité et de son élection, renforcée par un statut minoritaire au sein de l’islam ; les chiites se considérant comme appartenant à une communauté d’élus que Dieu a choisie avant même la création du monde sensible.

Les fils d’Israël, un modèle pour les Chiites opprimés…

         Ce qui, par une sorte de paradoxale renversement dialectique, conduit à l’extrême valorisation du modèle juif. Ainsi, à partir du verset « Ô fils d’Israël ! Souvenez-vous des bienfaits dont je vous ai comblé ! Je vous ai préférés à tous les mondes » (Coran, 2 : 47), l’imam Ja`far al-Sadiq, important doctrinaire chiite, a expliqué que le véritable peuple élu dont il est question, n’est autre que la famille du Prophète Mahomet dont les Imams duodécimains sont les descendants. Le Prophète et ses descendants sont alors considérés comme la continuation des Israélites de la Bible.
         D’autres sources duodécimaines présentent même les descendants d’Israël comme des prototypes ou des préfigurations de la Shi’a car les Hébreux de la Bible et aussi du Coran, victimes de l’oppression de Pharaon en Égypte, sont considérés comme les modèles des chiites, et leur souffrance symbolise celle que ceux-ci subissent de la part de leurs ennemis. L’événement par lequel les Hébreux se délivrent de l’esclavage égyptien constitue alors un message d’espoir, présageant aussi la victoire de cette minorité opprimée sur leurs ennemis : «Nous te racontons en toute vérité, de l’histoire de Moïse et de Pharaon, à l’intention des gens qui croient./ Pharaon était hautain sur terre; il répartit en clans ses habitants, afin d’abuser de la faiblesse de l’un d’eux : Il égorgeait leurs fils et laissait vivantes leurs femmes. Il était vraiment parmi les fauteurs de désordre./ Mais nous voulions favoriser ceux qui avaient été faibles sur terre et en faire des dirigeant et en faire les héritiers,/ et les établir puissamment sur terre, et faire voir à Pharaon, à Haman, et à leurs soldats, ce qu’ ils redoutaient» (Coran, 28 : 3-6) .
Dans le contexte d’une vision duelle du monde par le chiisme, les règles juridiques négatives concernant les Juifs correspondraient à l’aspect exotérique tandis que les données doctrinales positives correspondraient à l’aspect ésotérique.

Le regard du Coran sur le judaïsme est donc complexe et marqué par une profonde ambivalence.
D’une part, il revendique un attachement sans faille à la Torah, aux Prophètes et à leurs paroles en tant que révélation divine.
D’autre part, il met en doute l’authenticité des Écritures des Juifs de son temps et accuse ces derniers de les avoir falsifiées, en particulier pour en supprimer ou en altérer les passages censés annoncer l’avènement de Mahomet et de l’islam, leur triomphe et leur supériorité sur toutes les religions antérieures, y compris le judaïsme.


Références bibliographiques

Le Coran, Introduction, Traduction et notes par Denise Masson, Paris, 1967, Gallimard, Collection « Bibliothèque de la Pléiade ».
Les traductions coraniques citées par Meir M. Bar-Asher sont extraites de cette version.

Janine et Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l’Islam, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, Collection Quadrige.

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Henriette Irène

Les muzz ne savent pas lire, surtout ce qui ne les intéresse pas. C’est encore plus lointain que le Moyen Age e l’on s’en rend compte en essayant de leur parler. Je sais qu’il y a de bons musulmans mais ou sont-ils ?