Qui a provoqué la fuite des arabes en 1948 ?

Qui a provoqué la fuite de la population arabe en 1948 ?

La découverte fortuite d’un rapport rédigé en juin 1948 par les services de renseignements militaires du tout jeune État hébreu apporte une nouvelle pièce au dossier déjà fort nourri de l’un des plus controversés épisodes du conflit israélo-arabe : l’exode massif de la population palestinienne au cours de l’année 1948.

L’interprétation de ces événements fournit, depuis bientôt quarante ans, un éternel sujet de controverse entre Israël et le monde arabe. Ce dernier accuse les dirigeants juifs d’avoir planifié, dès les premiers mois de la guerre d’indépendance, l’expulsion systématique des Palestiniens. Israël affirme à l’inverse que l’ordre de fuite émanait des capitales voisines, qu’il servit d’alibi à l’invasion des armées arabes et que hormis quelques rares  » bavures  » les responsables juifs firent leur possible pour dissuader les Palestiniens de partir.

Selon le rapport en question, la vérité se trouverait quelque part entre ces deux thèses contraires. La majorité des quelque trois cent mille Palestiniens partis entre le 1er décembre 1947 et le 1er juin 1948 – trois cent mille s’en allèrent après cette date – auraient fui en raison – directement ou non – des actions militaires menées par la Haganah (forces de défense juive) et les organisations juives : l’Irgoun et le groupe Stem.

C’est le correspondant diplomatique du Jérusalem Post, M. Benny Morris, qui a trouvé par hasard ce rapport de vingt-quatre pages dans les archives personnelles d’Aharon Cohen, ancien responsable, aujourd’hui décédé, du parti d’extrême gauche Mapam. Principale conclusion de ce rapport : le dépeuplement de plusieurs villes et l’abandon de quelque deux cent cinquante villages de Palestine pendant le premier semestre de 1948 constituèrent pour l’essentiel un résultat inattendu de la conquête par les combattants juifs d’une série de sites stratégiques et de positions clés. Certains de ces villages arabes avaient servi de base arrière aux auteurs d’attaques contre des localités ou des convois juifs.

 » Au moins 55 % des départs, précise le rapport, ont été provoqués par les opérations de la Haganah et leur impact psychologique : effet de surprise, barrage d’artillerie, diffusion par haut-parleurs de messages menaçants. Les opérations de l’Irgoun et de Stem entraînèrent environ 15 % des départs. Le massacre de Deir-Yassin, où périrent deux cent cinquante-quatre personnes le 10 avril et l’enlèvement de cinq notables arabes eurent à cet égard un  » effet spécial « . « 

Une  » perte de confiance « 

Autres causes de l’exode citées par le rapport : la  » peur générale  » due à la  » perte de confiance  » des Palestiniens dans les capacités de victoire des armées arabes, les ordres d’évacuation lancés par les responsables militaires arabes, l’échec des tentatives de cessez-le-feu à l’échelon local. Les  » rumeurs alarmantes  » et les  » conseils amicaux  » émanant des officiers juifs n’auraient déclenché que 2 % des départs et la peur des représailles aurait joué un rôle négligeable.  » Les Arabes, conclut le rapport, n’ont pas quitté la Palestine pour marquer leur opposition à la création de l’État juif. « 

La récente présentation de ce rapport à l’Université de Tel-Aviv a suscité en Israël de nombreuses réserves et de vives mises au point parmi les historiens et les témoins des événements de 1948. L’éminent orientaliste Bernard Lewis conteste qu’on puisse  » réinterpréter  » l’exode arabe à partir d’un seul document. Plusieurs incertitudes jettent d’ailleurs un doute sur la validité du rapport. Qui l’a commandé ? Sur quel type d’enquête se fonde-t-il ? Pouvait-on prétendre chiffrer un tel phénomène humain avec tant de précision ? M. Benny Morris rétorque que la sécurité militaire était bien placée pour rassembler des données correctes.

Les injonctions arabes

Il reste que le rapport contredit les témoignages provenant au premier chef des réfugiés palestiniens eux-mêmes et attestant qu’ils quittèrent massivement et souvent en bon ordre leur pays avant tout pour obéir aux injonctions du monde arabe et parce que le Haut Comité arabe, escomptant une victoire éclair, leur avait promis un retour rapide dans leurs foyers et – en prime – le partage des biens des vaincus. À Tibériade, 6 000 civils partirent en une journée ; à Safed, 14000 plièrent bagage en une nuit. Haïfa fut viciée de ses habitants : sur 162000 Arabes, 6000 seulement restèrent sur place. Les armées arabes firent savoir que les Palestiniens qui ne s’en iraient pas seraient tenus pour  » traîtres « .

Comme l’attestent notamment les reportages des journalistes, les rapports de la police britannique et les dépêches du consul général américain à Haïfa, les dirigeants juifs tentèrent en vain de freiner l’exode.  » Je veux, ordonna Ben Gourion à Golda Meïr, que vous alliez persuader les Arabes qui sont sur la plage de Haïfa de revenir. Ils n’ont rien à craindre.  » Mgr George Hakim, archevêque grec catholique de Galilée, confia en août 1948 à un journal libanais :  » Les réfugiés étaient convaincus qu’ils rentreraient chez eux après une ou deux semaines.  » Plusieurs années plus tard, un réfugié déclara à un quotidien d’Amman :  » Les gouvernements arabes nous dirent : partez pour que nous puissions entrer. Nous sommes partis, mais ils ne sont jamais entrés. « 

À l’époque, même les plus virulents orateurs antisionistes, tels Azzam Pasha, au nom de la Ligue arabe, ou Jamal Husseini à l’ONU, n’accusèrent pas les juifs d’expulsion.  » Les Arabes de Haïfa ne se soumettront pas à une trêve, soulignait Husseini à New-York le 23 avril 1948. Ils préfèrent abandonner la ville.  » Le massacre de Deir Yassin ne fit qu’accélérer spectaculairement un mouvement qui avait débuté trois mois auparavant. Le monde arabe, commodément, fit pourtant sienne plus tard la thèse de l’expulsion massive et l’éleva au rang d’un mythe.

La vision de Ben Gourion comme celle de Moshé Dayan en 1967 fut catastrophique pour l’Etat d’Israël. Israël vit maintenant avec une population qui lui reste étrangère. Cette erreur les Arabes ne l’ont pas faite à l’égard des Juifs, qui ont du tous partir et perdre tous leurs biens. À l’inverse la vision de la droite a été salutaire. 

Le massacre de Deir Yassin s’est déroulé le 9 avril 1948 au cours de la prise du village de Deir Yassin, à l’ouest de Jérusalem, durant la Guerre civile de 1947-1948 en Palestine mandataire. Il a été perpétré par 120 combattants de l’Irgoun et du Lehi. Les historiens évaluent aujourd’hui le nombre de tués entre 77 et 120. À l’époque, la presse et différents commentateurs rapportèrent le nombre de 254 victimes.

Selon les historiens et commentateurs, ce massacre a eu des répercussions importantes sur la suite du conflit, notamment en favorisant l’exode de Palestiniens, en panique à l’idée de subir le même sort, et comme justification pour les dirigeants arabes des pays voisins à intervenir dans le conflit.

Il est resté un symbole dans l’histoire du conflit israélo-arabe. Aujourd’hui, l’hôpital psychiatrique Kfar Shaul est construit sur le site de cet ancien village palestinien à 7 km à l’ouest de la Vieille ville de Jérusalem.

Les événements se produisent le 9 avril 1948 lors de la guerre civile en Palestine. À ce moment, le pays est toujours sous le contrôle des autorités britanniques, bien qu’elles aient entamé leur évacuation du pays depuis février et que leur retrait complet soit prévu pour le 15 mai.

Fin mars, la situation de la communauté juive de Palestine (le Yichouv) est précaire. La guerre des routes entamée par Abd al-Kader al-Husseini et la Jaysh al-Jihad al-Muqaddas porte ses fruits : la ville de Jérusalem, où habitent cent mille Juifs, soit un sixième de la communauté juive palestinienne, est assiégée et ne peut plus être ravitaillée.

Début avril, les autorités sionistes prennent la décision de réagir et leur force paramilitaire, la Haganah, passe à l’offensive. Elles lancent l’opération Nahshon dans la nuit du 2 au 3 avril. Celle-ci a pour but de désenclaver et de ravitailler la ville en permettant aux convois de réemprunter la route Tel Aviv-Jérusalem. L’opération est rapidement couronnée de succès et se poursuit jusqu’au 20 avril. Le 8 avril, le commandant palestinien Abd al-Kader al-Husseini est d’ailleurs tué au cours des combats.

Deir Yassin dans les années 1930.

Deir Yassin est un village arabe situé à 5 km à l’ouest de Jérusalem. Il compte 610 habitants, tous musulmans. D’autres sources parlent de 400 à 1 200 habitants. En janvier, ses habitants ont conclu des accords avec leurs voisins juifs de Givat Saul et ont signé un pacte de bon voisinage avec eux après avoir chassé des hommes d’al-Najjada hors du village. À plusieurs reprises, les habitants empêcheront également des hommes de la Jaysh al-Jihad al-Muqaddas et de l’Armée de libération arabe d’utiliser leur village comme base contre les Juifs.

Considéré par la Haganah comme stratégique, avec l’accord du responsable du secteur de Jérusalem pour la Haganah David Shealtie, l’Irgoun et le Lehi rassemblent 120 combattants pour attaquer le village. Des combattants de la Haganah et du Palmach prendront également part plus tard aux opérations, à la suite des difficultés rencontrées par l’Irgoun et le Lehi.

Selon Yoav Gelber, les motivations de l’Irgoun et du Lehi pour l’attaque de ce village qu’il considère stratégiquement insignifiant, sont de montrer qu’ils sont eux aussi capables de conquérir un village arabe (en rapport avec les succès de la Haganah dans l’opération Nahshon) avec un fond de vengeance à la suite des victimes juives de la « crise des convois ».

L’attaque est lancée le 9 avril au matin. L’opération est mal préparée et de nombreux incidents se produisent. Les combattants palestiniens offrent une résistance plus importante que prévu. Les combattants de l’Irgoun et du Lehi ne sont pas entraînés pour une opération qui consiste à prendre un village en plein jour. Ils comptabilisent rapidement 5 morts et 35 blessés dont plusieurs « officiers ». Ils font alors appel à la Haganah pour évacuer leurs blessés.

Une section du Palmach intervient aux alentours de midi et tire au mortier de 2 pouces sur la maison du Moukhtar dans l’espoir de faire cesser la riposte palestinienne. Mais ces tirs sont sans effet et les combattants continuent à se battre même après que le reste du village a été pris ou que des villageois se sont rendus. Toutefois, selon Marius Schatner, la « section du Palmach réduit sans problème le principal noyau de résistance. Vers midi, elle se retire, laissant le soin aux attaquants de ratisser le village ». Lors de ce ratissage, les hommes de l’Irgoun et du Lehi prennent les habitations une par une, les « nettoyant » souvent à la grenade. Ils font également sauter plusieurs maisons à l’explosif.

Bien qu’on y soit conscient de la situation, aucun renfort n’est envoyé de Jérusalem par le Comité National palestinien local. Les Palestiniens sont occupés par les préparatifs de l’enterrement d’Abd al-Kader al-Husseini. Les Britanniques sont également approchés pour intervenir mais sans réelle insistance. Ce n’est qu’à la fin de l’après-midi, quand les premiers réfugiés – des femmes et des enfants – arrivent à Jérusalem que le comité d’urgence presse l’armée britannique d’intervenir.

Après le massacre, la presse relaie le chiffre de 254 victimes civiles sur base du rapport du représentant de la Croix rouge Jacques de Reynier qui est un des premiers à arriver sur les lieux.

Les historiens évaluent aujourd’hui le massacre aux alentours de 100 à 120 personnes. Yoav Gelber relate que l’historien palestinien Kan’ana comptabilise un total de 11 morts parmi les 100 villageois qui disposent d’armes tandis que 70 % des victimes sont non combattantes. Benny Morris parle de 100 à 120 victimes ainsi que des prisonniers qui sont exécutés.

D’après le commandant adjoint de l’Irgoun à Jérusalem, Yeouda Lapidot, c’est le Lehi qui aurait proposé de « liquider les résidents du village après sa conquête afin de briser le moral des Arabes, et relever celui des juifs, affectés par la tournure des événements ».

Les médias de l’époque en exagérant le résultat de l’opération de l’Irgoun et du Lehi ont participer à sa propre efficacité en dissuadant les arabes de rester dans le futur état d’Israël.

Au bout de plus d’un siècle de conflit la gauche (à majorité aschkenaze) semble toujours vouloir partager l’Etat Juif avec des arabes, qui eux n’entendent pas être soumis à un Etat Juif, et qui ont à l’esprit que les Juifs ne peuvent être que des dhimmis. C’est entre autres ce qui sous-tend toujours la division gauche droite en Israël. Il est étonnant de constater que le monde aschkenaze a produit deux « sociétés extrêmes », une laïque et une orthodoxe qui était en partie antisioniste. Quant aux Juifs séfarades, ils ont un autre rapport avec le monde arabe, et avec le Judaïsme. Si on trouve un judaïsme séfarade « orthodoxe à la mode aschkenaze», c’est souvent par mimétisme de ce monde. Il n’y a qu’à voir les « loubavitches séfarades » qui empreintes même des expressions yiddish.  

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