Plutôt que menacer Taïwan, Pékin pourrait réarmer son économie en panne
Par Patrick Artus
EDITORIAL – Avec une population qui vieillit et des investissements qui stagnent, les perspectives de croissance chinoise se dégradent. Une donnée qui plaide pour le statu quo face à Taïwan.
La situation économique de la Chine, qui devrait être la priorité du président Xi Jinping, pourrait l’inciter à temporiser sur le conflit avec Taïwan. Car les perspectives de croissance chinoise se détériorent. Avec un vieillissement important, la population en âge de travailler baisse de 1 % par an. Ce phénomène s’accélère et provoque un recul des gains de productivité. En sachant que la croissance globale d’un pays est la résultante de ces deux composantes, la hausse du PIB chinois devrait progressivement décélérer jusqu’à ne plus afficher qu’un rythme moyen de 2,5 % à la fin de la décennie. Elle passera ainsi de 5 % en 2023 à 4 % en 2024 et continuera à freiner.
A court terme, toutefois, le ralentissement économique est atténué par une croissance rapide de la population arrivant sur le marché du travail, notamment sous l’effet du chômage des jeunes, qui culmine à un niveau très élevé, autour de 22 %.
Un contexte dégradé
Reste que le vieillissement pèse aussi sur le marché immobilier, structurellement excédentaire. Les ménages qui avaient misé sur le logement pour préparer leur retraite vendent en masse. Cela se voit sur les prix, qui stagnent depuis 2021, alors qu’ils progressaient de 10 % par an depuis des années.
Population de la Chine Crédit: Challenges
Symptôme de l’inquiétude des particuliers, l’économie chinoise souffre aussi d’une hausse régulière du taux d’épargne des ménages, supérieur à 30 %. Ce n’est pas le signe d’une économie dynamique. De la même façon, le taux d’investissement stagne.
Dans ce contexte de demande intérieure faible, les mesures de relance traditionnelles, fondées sur la baisse des taux et le soutien à l’immobilier, perdent leur efficacité. De même, le soutien à la croissance par de grands projets d’infrastructures ne fonctionne plus car tous les investissements ont été faits. La Chine ne sera pas la grande puissance de la deuxième moitié du XXIe siècle.
Dans ce contexte dégradé, il n’est pas évident de mesurer le rôle du grand réarmement opéré par la Chine. De façon générale, les pays ayant des dépenses militaires importantes tendent à engranger des gains de productivité. Ce fut le cas notamment aux Etats-Unis, dont les dépenses militaires ont dopé la croissance. Cela dépend néanmoins de la nature de ces investissements et du niveau technologique du pays. A la fin de l’URSS, le budget militaire, investi dans des armements traditionnels, avait phagocyté les autres dépenses publiques et n’avait pas profité à l’économie russe.
Jforum.fr avec www.challenges.fr
Pékin le 17 janvier 2024. Le déclin de la population chinoise s’est accéléré en 2023, selon les données officielles publiées le 17 janvier 2024, prolongeant une tendance à la baisse après plus de six décennies de croissance alors que le pays lutte contre une menace imminente. AFP / PEDRO PARDO
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