Heurts sur le mont du Temple : l’envoyé de l’ONU reprend la version israélienne
Tor Wennesland a salué l’engagement d’Israël en faveur du statu quo, évoquant toutefois un usage potentiellement excessif de la force
L’envoyé de l’ONU au Moyen-Orient a semblé, lundi, se ranger à la version israélienne des faits, et notamment à la manière dont les affrontements entre Palestiniens et policiers, sur le Mont du Temple, ont commencé ce mois-ci.
« Le 15 avril, au petit matin, de nombreux Palestiniens se sont rassemblés dans l’enceinte d’Al Aqsa. Certains ont jeté des pierres, des pétards et autres objets lourds sur les forces de l’ordre israéliennes. Les forces de l’ordre ont utilisé des grenades assourdissantes, des balles à pointe d’éponge et des matraques, parfois contre des passants », a déclaré Tor Wennesland au Conseil de sécurité de l’ONU, lors de la session mensuelle du forum consacrée au conflit israélo-palestinien.
Les Palestiniens ont affirmé que la police avait pénétré dans le complexe sans aucune provocation de leur part, et que ceux qui se trouvaient à l’intérieur s’étaient défendus contre cette intrusion.
L’ambassadeur de l’Autorité palestinienne à l’ONU, Riyad Mansour, a présenté un récit différent, déclarant au Conseil de sécurité que la police israélienne « avait pris d’assaut la mosquée Al-Aqsa / Al-Haram Al-Sharif, tirant sur les fidèles et profanant la mosquée de leurs bottes militaires et en faisant usage de violence ».
Au sujet des affrontements qui ont eu lieu à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa, Wennesland a déclaré que « plusieurs dizaines de Palestiniens avaient pénétré dans la mosquée, tandis que d’autres continuaient de jeter des pierres et des pétards vers les forces de l’ordre. À l’issue d’une confrontation avec ceux qui se trouvaient à l’intérieur, la police israélienne est entrée dans la mosquée et a interpelé les personnes qui s’y étaient retranchées. Au cours des affrontements, la structure de la mosquée a été endommagée. »
Le récit de l’émissaire de l’ONU a semblé accorder du crédit au raisonnement tenu par la police avant de se décider à entrer dans la mosquée, à l’intérieur de laquelle s’étaient « retranchés » des Palestiniens qui leur avaient jeté des pierres.
Des émeutiers palestiniens lancent des pierres sur les forces de l’ordre israéliennes à la mosquée al-Aqsa, sur le mont du Temple, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 15 avril 2022. (Crédit : Jamal Awad/Flash90)
Wennesland a également souligné le bilan – plus de 160 Palestiniens blessés – des affrontements qui ont suivi, estimant que « la conduite des forces de l’ordre israéliennes soulevait des interrogations quant à un possible usage excessif de la force. »
« Dans l’ensemble, et en dépit des tensions, des centaines de milliers de musulmans, Juifs et chrétiens ont pu célébrer les fêtes religieuses, dans et autour de la Vieille Ville, dans un calme relatif et sans flambée de violence généralisée », a-t-il noté.
Wennesland a poursuivi en louant les récentes déclarations de responsables israéliens « réitérant [leur] engagement à maintenir le statu quo et veiller à ce que seuls les Musulmans soient autorisés à prier sur la Sainte Esplanade », éloges rarement entendus de la part d’un membre aussi haut placé de la communauté internationale.
Pour sa part, l’ambassadeur israélien Gilad Erdan a profité de la réunion pour fustiger la communauté internationale pour avoir exhorté au « calme des deux côtés », lors des récents heurts à Jérusalem, insistant sur le fait qu’Israël ne devrait pas être placé au même rang que les « terroristes assoiffés de sang » qui affrontent la police sur le Mont du Temple.
Gilad Erdan tient une pierre pendant une session du Conseil de sécurité de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien, le 19 janvier 2022. (Capture d’écran/ONU)
« Des deux côtés ?! De quels côtés parle-t-on ?! » s’est interrogé Erdan lors d’une conférence de presse avant la session du Conseil de sécurité de l’ONU.
« D’un côté, nous avons les foules de terroristes assoiffés de sang, qui appellent à tuer des Juifs, apportent des armes dans les lieux de culte, lancent des bombes incendiaires et des pierres depuis les fenêtres des mosquées et tirent des feux d’artifice depuis l’intérieur de leurs lieux saints », a-t-il ajouté.
« De l’autre côté, nous avons une démocratie respectueuse des lois, qui garantit la liberté de culte pour tous, s’engage à protéger les lieux saints et fait preuve de respect et de retenue avant d’utiliser une force minimale, dans les cas strictement nécessaires à la protection de la population.
« Et des appels sont lancés pour le calme des deux côtés ? A quel point la communauté internationale s’est-elle à ce point détachée de la réalité ? », a déploré l’envoyé. Il a affirmé que les groupes terroristes palestiniens avaient « échafaudé un tissu de mensonges » pour faire porter à Israël la responsabilité des dernières violences en date au Mont du Temple.
Mansour a affirmé que la volonté des Juifs qui se rendaient sur le Mont du Temple était de s’emparer de l’ensemble du site connu des musulmans sous le nom de Haram al-Sharif.
L’ambassadeur palestinien Riyad Mansour s’adresse au Conseil de sécurité des Nations Unies, au siège de l’ONU, le 22 janvier 2019. (Crédit : AP / Richard Drew)
« Les extrémistes et colons juifs ne sont pas seulement des visiteurs, comme le prétend Israël. Ils sont en fait en mission quand ils entrent dans Al-Haram Al-Sharif, ils cherchent à prendre le contrôle », a déclaré Mansour dans ses propos à La Tribune.
« Comment le savons-nous ? Nous les écoutons, ils ne cachent pas leurs intentions, ils en parlent ouvertement. Lorsque les forces de l’ordre israéliennes leur permettent de se rendre sur le site sous leur protection et avec leur soutien, elles le font sciemment. Prétendre ne pas comprendre l’indignation soulevée par cette attaque contre le Haram, alors que c’est toujours la même chose, est absolument scandaleux », a-t-il précisé.
Plus de 4 600 Juifs se sont rendus le Mont du Temple à l’occasion des fêtes de Pessah, la semaine dernière. Il s’agit d’une affluence record, deux fois plus élevée qu’en 2019 et sept fois plus qu’en 2014. La grande majorité des visiteurs étaient de sensibilité nationaliste religieuse.
Israël a rappelé qu’il garantissait le statu quo en vertu duquel seuls les musulmans pouvaient se rendre sur le site et y prier, à l’exclusion des non-musulmans, seulement autorisés à se rendre sur les lieux. Le ministre des Affaires de la diaspora, Nachman Shai, a reconnu samedi qu’il y avait eu des « failles » et que des Juifs avaient pu être autorisés à prier dans le complexe, sans être autrement inquiétés. Des images tournées ces dernières années donnent à penser que cette pratique n’a rien d’exceptionnel.
Le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, a nié la semaine dernière que des prières y aient lieu régulièrement, tout en admettant que certains enfreignaient les règles de temps en temps.
Mansour a évoqué la fixation par Israël d’un quota de fidèles chrétiens autorisés à accéder à l’intérieur de l’église du Saint-Sépulcre pour la cérémonie du feu sacré, samedi dernier, présenté comme une nouvelle violation du statu quo dans les lieux saints de Jérusalem. Israël avait limité le nombre à 4 000 afin de prévenir les risques de mouvements de foule, comme celui qui avait provoqué de nombreuses morts lors des festivités de Lag BaOmer à Meron, en 2021.
טקס 'שבת האור' בכניסיית הקבר בירושלים נמצא בעיצומו ואלפים משתתפים בו. מספר המשתתפים הוגבל ל-4000 בני אדם אחרי שהושגה פשרה בין המשטרה לכניסייה, ובאישור בג"צ. חלק משערי העיר העתיקה נחסמו והכניסה ניתנת רק למי שקיבל אישור מראש. כפי שאפשר לראות בתיעוד, למרות ההגבלות, יש צפיפות. pic.twitter.com/KvDsHcQUUw
— סולימאן מסוודה سليمان مسودة (@SuleimanMas1) April 23, 2022
« De toute évidence, les responsables israéliens sont les seuls à croire que de telles actions ne constituent pas une violation flagrante du statu quo historique », a déclaré Mansour.
« Israël n’a aucune revendication légitime ou souveraineté sur aucune partie du territoire palestinien occupé, Jérusalem-Est, la Vieille Ville et les lieux saints y compris », a indiqué l’ambassadeur, dans ce qui s’apparente à un négation des liens d’Israël avec l’emplacement des anciens temples.
À l’instar d’Erdan, Mansour a fustigé la communauté internationale en raison de sa réaction aux récents heurts. Mais là où l’ambassadeur israélien s’en est pris à la justification, par la communauté internationale, des exactions palestiniennes, son homologue palestinien a fustigé les membres [de l’ONU] pour ne pas les avoir soutenus en menant des actions contre Israël.
« Le fait est qu’il n’y a pas d’ordre international fondé sur le droit s’il n’y a pas de volonté d’appliquer la loi sur le terrain », a déploré Mansour.
Il a affirmé que Ramallah soutenait une solution à deux États pour mettre fin au conflit, tandis que le Premier ministre Naftali Bennett s’opposait à la tenue de négociations avec l’Autorité palestinienne, « disant que ce dont les Palestiniens avaient besoin, c’était des emplois, pas des droits de l’Homme ».
Des Palestiniens lancent des cocktails Molotov sur un véhicule de Tsahal à Jénine, en Cisjordanie, lors d’un raid sur la maison d’un terroriste, le 9 avril 2022. (Crédit : JAAFAR ASHTIYEH / AFP)
Évoquant les dernières opérations en date de Tsahal en Cisjordanie pour réprimer le terrorisme, dans le sillage des attentats meurtriers en Israël, Wennesland a condamné l’utilisation d’armes létales par les soldats.
« Je suis particulièrement horrifié que des enfants continuent d’être tués ou blessés. J’exhorte les autorités israéliennes à mener des enquêtes approfondies et transparentes dans tous les cas d’usage excessif de la force. »
17 Palestiniens au moins auraient été abattus par les soldats israéliens depuis le début du mois d’avril. Tsahal affirme que la majorité d’entre eux ont été tués dans le cadre d’affrontements auxquels ils prenaient une part active, mais il apparait que des passants auraient pu être pris dans la ligne de tir.
Wennesland a également condamné la profanation « inadmissible » du Tombeau de Joseph, à Naplouse, par des Palestiniens plus tôt ce mois-ci, ainsi que les attentats terroristes qui ont coûté la vie à 14 personnes en Israël.
L’envoyé a noté un ralentissement des démolitions de maisons palestiniennes par Israël, avec seulement 27 structures démolies avant et pendant le Ramadan. « Les démolitions ont été justifiées par l’absence de permis de construire délivrés par Israël. Ces permis sont quasiment impossibles à obtenir pour les Palestiniens. »
Il a appelé Israël à cesser ces démolitions ainsi que la construction d’implantations, qualifiant ces politiques de violations du droit international.
« La violence et la montée des tensions du mois dernier ont souligné, une fois de plus, que les efforts pour gérer le conflit ne remplacent pas de réels progrès vers sa résolution », a déclaré Wennesland, réitérant la position de longue date de l’ONU en faveur de pourparlers de paix immédiats visant à parvenir à une solution à deux États.
Par JACOB MAGID fr.timesofisrael.com
Le Coordinateur spécial pour la paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, lors d’une visioconférence avec le Conseil de Sécurité, le 26janvier 2021. (Crédit : Daniela Penkova/UNSCO)
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Pouquoi « la version israelienne » et pas « les rapports israeliens sur les evenements » ? le mot « version » semble etablir un equilibre entre l’expose des faits et la propagande de la partie palestinienne.