Le chef du groupe Wagner Prigojine est mort depuis sa rencontre avec Poutine, selon un ex-général américain : 

Je doute que nous le reverrons un jour, a déclaré l’ancien commandant des forces américaines en Corée.

Cette semaine, le Kremlin a rapporté que le chef du groupe Wagner Evgueni Prigojine s’était entretenu avec le président russe Vladimir Poutine pendant « presque trois heures » cinq jours après la rébellion avortée menée par ses mercenaires.

Mais Robert Abrams, un général américain désormais à la retraite, est convaincu que cela a été « mis en scène« . « Je doute que nous reverrons Prigojine publiquement. Je pense qu’il sera soit caché, soit envoyé en prison, soit traité d’une autre manière, mais je doute que nous le reverrons un jour », a déclaré l’ancien commandant des forces américaines en Corée à ABC News

Prigojine mort ou emprisonné ?

Quand on lui demande s’il pense que le patron de la milice paramilitaire russe est toujours vivant, il répond : « Personnellement, je ne pense pas qu’il l’est, et s’il l’est, il est dans une prison quelque part ».

Pour rappel, Evgueni Prigojine et ses hommes s’étaient révoltés contre Moscou le 24 juin dernier. Alors qu’ils marchaient vers la capitale russe, l’oligarque russe avait finalement opté pour la fin de la mutinerie en acceptant de s’exiler en Biélorussie pour éviter toute poursuite judiciaire.

Qui est Andrei Troshev, l’homme que Vladimir Poutine veut voir succéder à Evguéni Prigojine à la tête de Wagner

Le groupe paramilitaire Wagner pourrait bien changer de tête, alors que l’avenir de son chef Evguéni Prigojine demeure incertain à la suite de la rébellion du 23 juin.

Un tournant pour Wagner ? Vladimir Poutine a proposé aux combattants russes qu’un mercenaire de haut rang nommé Andrei Troshev commande désormais le groupe paramilitaire, selon des propos du président russe rapportés dans le journal Kommersant.

Le quotidien russe fait état d’une réunion présidée par Poutine cinq jours après l’effondrement de la rébellion de la milice privée, fin juin, à laquelle ont participé son patron Evguéni Prigojine et plusieurs dizaines de combattants haut placés.

Selon Kommersant, comme le relate CNN, Poutine a expliqué pendant la réunion que parmi les multiples choix post-rebellion qui s’offraient aux miliciens, l’un d’entre eux consistait à continuer à combattre pour Wagner, mais sous les ordres d’un nouveau chef. Un homme portant l’indicatif d’appel « Sedoy », signifiant « cheveux gris ».

« Et que s’est-il alors passé ? », a demandé le journaliste de Kommersant à Vladimir Poutine. « Beaucoup (de commandants de Wagner) ont acquiescé de la tête quand j’ai dit ça. Mais (Evguéni) Prigojine, qui était assis devant, ne l’a pas vu et a dit après avoir écouté : “Non, les gars ne sont pas d’accord avec cette solution” », a répondu le président russe, alors que le sort de Prigojine reste aujourd’hui incertain.

« Sedoy » est l’indicatif d’Andrei Troshev, un colonel russe à la retraite né en avril 1953 à Leningrad. Il est membre fondateur et directeur exécutif du groupe Wagner, selon des documents publiés par l’Union européenne et la France en décembre 2021 et portant sur des sanctions économiques.

Ce mystérieux Prigojine. Après l’avoir mis hors d’état de nuire, le Kremlin veut casser sa popularité

Méconnaissable : pour quelles raisons ce guerrier mafieux se déguisait-il ?

Les médias proches du Kremlin diffusent les images de diverses perquisitions chez lui et dans son QG. Elles ont été effectuées depuis le 24 juin, quand Evgueni Prigojine avançait sur ­Moscou avec ses troupes avant de rebrousser chemin pour « éviter un bain de sang ». Auparavant, il aurait fait abattre six hélicoptères et un avion militaires russes. À Saint-Pétersbourg, dans son hôtel particulier se déploie la panoplie typique des oligarques, du ­billard XXL à l’hélicoptère. Un luxe tapageur qui fascine le Russe moyen… Tout en le révulsant. En révélant son mode de vie, le pouvoir lui lançait un avertissement. Depuis, il s’est entretenu à huis clos avec Poutine.

 

Manifestement, les agents du FSB prennent un malin plaisir à exhiber le fruit de leur perquisition chez Evgueni Prigojine. Photographié sous toutes les coutures, l’hôtel particulier du patron du groupe Wagner à Saint-Pétersbourg ressemble à s’y méprendre au repaire d’un grand méchant dans James Bond : 5 kilos d’or en lingots, des armes, des perruques, de fausses barbes utilisées lors de missions « sous couverture », de faux passeports sous divers noms, la photo d’une tête coupée prise sur un des nombreux terrains de guerre labourés par la milice paramilitaire, sans oublier, bien entendu, des caisses remplies de dizaines de millions de dollars. Dans un registre plus cocasse, on découvre également une série de portraits de Prigojine déguisé en fonctionnaire du ministère de la Défense au Soudan, en lieutenant-­colonel de Benghazi, en diplomate d’Abu Dhabi ou en commerçant syrien.

Une panoplie de déguisements et de fausses barbes pour des missions « sous couverture »

Ces trouvailles posent autant de questions qu’elles apportent de réponses, en particulier sur la profondeur des liens entre l’État russe et la milice que le Kremlin et ses porte-parole avaient si longtemps présentée sans vergogne comme « privée ».

Première question : pourquoi le Kremlin, d’ordinaire si rapide et si sévère quand il s’agirait de faire coffrer ses opposants (quand ils ne sont pas tout bonnement assassinés), se montre-t-il si clément à l’égard de l’homme qui, le 24 juin, menait une « marche sur Moscou » ? Un millier de véhicules de tous types parcouraient alors 800 kilomètres, abattant au passage six hélicoptères et un avion de l’armée russe, dans le but non dissimulé de déloger le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major, Valeri Guerassimov, mais peut-être en réalité Poutine lui-même…

Deuxième question qui agite ces derniers jours les réseaux sociaux russes : pourquoi, au lieu de le jeter derrière les barreaux, le FSB s’emploie-t-il à décrédibiliser ­Prigojine ? Une stratégie d’autant plus déroutante que, dans le même temps, les autorités lui retournaient les quelque 10 milliards de roubles (environ 100 millions d’euros) qu’ils avaient saisis. Une coquette somme que le patron de Wagner a pu récupérer grâce à une procuration faite à son chauffeur préféré… Et si on ajoute à cela l’effacement, après seulement trois petits jours, du dossier « criminel » ouvert contre le patron de Wagner pour « organisation d’une mutinerie », une ultime question résume l’invraisemblable imbroglio : le Kremlin a-t-il peur de Prigojine ?

« Même si l’on ignore tout de cette mutinerie, loin de là, de multiples signes montrent que Prigojine l’a entreprise parce qu’il se sait soutenu par des personnes très puissants au sein du ministère de la Défense russe, le général Sergueï Sourovikine, par exemple. Des personnes avec qui il partage l’idée qu’il faudrait être plus radical dans la guerre en Ukraine », nous explique un consultant politique proche du pouvoir russe. L’ambiguïté de cette affaire, c’est que le différend, qui oppose depuis l’automne dernier Prigojine et le commandement de l’armée russe, n’est pas un conflit entre le ministère de la Défense et une entreprise privée, mais entre ce ministère et une de ses excroissances. Le groupe Wagner a été fondé en 2014 par le GRU, le service de renseignement militaire. Une information confirmée le 23 juin par Vladimir Alekseev, numéro deux du GRU, alors qu’il tentait, apparemment, de raisonner sa créature. L’opposition Choïgou-­Prigojine est donc essentiellement un conflit interne à l’armée, sur fond de revers tragiques en Ukraine.

Tandis que le FSB tente de démanteler – un peu – son empire, Prigojine serait retenu prisonnier au Kremlin

Pour d’autres observateurs de la politique russe, comme le Centre Dossier (financé par l’ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski, en exil), citant deux sources dans les organes de sécurité, il est très ­délicat de toucher Prigojine tant il a accumulé de « preuves compromettantes ». Des « saletés » patiemment compilées à seule fin de se protéger en cas de problème. Voilà qui permet d’imaginer le thème des négociations que l’ex-« cuisinier de Poutine » aurait menées ces derniers jours au Kremlin. Selon « Libération », s’appuyant sur de solides sources, « le mutin serait retenu au Kremlin où il a été convoqué avec ses principaux commandants. Il aurait rencontré ­Vladimir Poutine et également été entendu par le général Viktor Zolotov, commandant de la garde nationale Rosgvardia et très fidèle du président, et par Sergueï Narychkine, le patron des renseignements extérieurs russes ». Une information partiellement confirmée par le porte-parole du Kremlin, qui précise que cette rencontre a eu lieu en présence de 35 commandants de Wagner. Rien que ça !

Officiellement, il s’agirait de démanteler, du moins en partie, l’empire d’Evgueni ­Prigojine, mais de façon concertée si ce n’est négocié. D’abord le cœur de la machine : la milice Wagner, qui n’obéira pas si facilement à un Vladimir Poutine dont la réputation sort pour le moins écornée de cette mutinerie. Elle n’entendrait pas s’installer dans des camps en Biélorussie, comme prévu après la médiation menée, semble-t-il, par le président du pays, Alexandre Loukachenko. Second écueil, la galaxie médiatique Patriot, dont nombre d’entités, notamment des chaînes Telegram, ont déjà cessé de produire. Enfin, dernier casse-tête, les activités en Afrique et au Moyen-Orient, conduites d’abord sous la bannière de Wagner. On apprend ainsi que 500, voire 600 des 1 400 mercenaires déployés en République centrafricaine (RCA) ont été rapatriés. Pour le moment, la milice parle d’une simple « rotation des forces » et non d’un retrait.

Le 27 juin, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, rassurait les partenaires africains de Moscou en soutenant que les opérations de Wagner allaient « bien sûr continuer », du moins en RCA et au Mali. Il précisait que « le sort des arrangements entre les pays africains et le groupe Wagner relève avant tout de la décision des gouvernements des pays concernés de poursuivre ou non cette forme de coopération », gommant au passage toutes les fois où il affirmait que Wagner était une structure purement privée…

Les événements des derniers jours ­n’auraient-ils fait que confirmer ce que l’on avait déjà compris : la reconnaissance de la pleine intégration de la milice privée au sein des structures d’État russes ? Déjà le 21 mai, le président russe avait félicité le groupe Wagner pour la prise de Bakhmout, la seule ­victoire militaire russe en Ukraine depuis quasiment un an. Au prix de combien de milliers de vies ? Evgueni Prigojine, qui gonfle ­probablement les chiffres pour valoriser le prix de sa victoire, parle de 20 000 de ses hommes, essentiellement des prisonniers libérés à la condition d’aller ­servir pendant six mois sur le front ukrainien. La chair à canon ordinaire des forces russes.

Au lendemain de la mutinerie, à ­l’occasion d’une réunion filmée avec des responsables militaires, Vladimir Poutine a, pour la première fois, évoqué, sans prononcer le nom de Prigojine, les liens entre l’État russe et le groupe Wagner. Livrant notamment des détails sur le financement du groupe : « L’entretien du groupe Wagner a été entièrement assuré par l’État », « de mai 2022 à mai 2023, […] l’État a payé à Wagner 86 milliards de roubles (environ 850 millions d’euros) ». Lui non plus n’a aucune gêne à renier en quelques mots des années de déclarations officielles. Ces dernières semaines encore, sur les chaînes de TV françaises, Alexander Makogonov, le porte-parole de l’ambassade de Russie à Paris, jurait ses grands dieux que Wagner et Prigojine ne comptaient pour quasi rien sur le front ukrainien.

Les multiples faux passeports d’Evgueni Prigojine découverts dans son palais, au nom de Vladimir Bobrov ou de ­Dmitri Geyler, n’ont pu être fabriqués que par les autorités russes ou avec leur aide. Quant aux trente médailles épinglées sur une veste noire posée sur un portant, elles montrent que l’ancien taulard (condamné à douze ans de prison en 1981) est l’un des membres les plus décorés parmi les cercles dirigeants russes. On y découvre notamment la plus haute ­distinction russe, la médaille d’or de héros de la Fédération de Russie, gravée en date du 22 juin 2022. Ainsi que des médailles octroyées par l’État russe, les « républiques populaires » autoproclamées de Louhansk et de Donetsk ou encore par des pays africains dans lesquels opère le groupe Wagner.

La présence de celle « du retour de la Crimée » (dans la Fédération de Russie), frappée à la date du 20 février 2014, est sans aucun doute la plus déroutante. Quel rôle Prigojine a-t-il joué dans l’annexion de la péninsule ? Les archives du FSB le diront peut-être un jour. Une chose est sûre : le Kremlin n’avait que faire du référendum populaire organisé près d’un mois plus tard, le 16 mars 2014.

JForum.fr – & Paris Match

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