Les frappes aériennes russes offrent Palmyre à Assad

Poutine a décidé d’appuyer les troupes terrestres d’Assad, en penchant pour le fait que d’ouvrir l’accès à Raqqa et la frontière irakienne permet de renforcer la mainmise russe sur la Syrie

Poutine démontre à Assad et Téhéran qu’avec l’appui aérien russe, Palmyre peut être à eux ; mais, sans ce soutien, ils perdent le Sud de la Syrie au profit de Daesh. A quoi joue exactement le dirigeant russe? 

Après tout, Poutine a pris la décision capitale de lancer un tapis de bombes russes afin d’en finir avec la mainmise de l’Etat Islamique sur Palmyre depuis mai dernier, et de favoriser ainsi l’entrée des troupes de Bachar El Assad dans la ville-patrimoine, samedi et dimanche 26-27 mars et de prendre le contrôle de plusieurs quartiers. Les séquences de télévision montrent des vagues d’explosions à l’intérieur de Palmyre et de la fumée s’échapper des bâtiments, alors que les tanks et véhicules blindés transport de troupes syriens tirent depuis les faubourgs.

Mais, tout comme l’armée irakienne, même avec l’assistance étrangère, n’a jamais complètement maîtrisé Ramadi ou Beiji contre l’Etat Islamique, les troupes d’Assad ne peuvent guère plus espérer prendre un contrôle complet de la ville stratégique de Palmyre. Après avoir été repoussées vers l’Est, les forces de l’Etat Islamique continueront à harceler l’armée syrienne et les villes par des raids sporadiques. Et les forces du gouvernement resteront dépendantes du parapluie aérien russe suspendu au-dessus d’elles.

La grande question que se posaient les sources des renseignements militaires de Debkafile, dimanche, concerne ce qui a pu conduire le Président Poutine à offrir ce succès révolutionnaire au dictateur syrien, quelques jours après son « retrait » formel de l’appui aérien russe dans le Sud de la Syrie, près de la frontière israélo-jordanienne et, cette fois, d’ouvrir la porte à une avancée de l’Etat Islamique dans ce secteur. Il l’a fait dans un effort pour briser la résistance d’Assad à l’accord américano-russe en vue d’une polution politique dans le conflit syrien d’ici le mois d’août.

Nos sources proposent deux motivations probables :

1. Palmyre est importante sur le plan stratégique pour le commandement russe, parce que sa chute aux mains des forces du régime ouvre la route aux quartiers généraux de Daesh à Raqqa, à 225 kilomètres de là.

2. Palmyre est aussi le portail d’accès vers Deir-Ez-Zour, distant de 188 kilomètres vers l’Est en direction de la frontière avec l’Irak. Pour le commandement de l’armée russe, l’importance de Deir-Ez-Zour surpasse celle de Raqqa, parce que c’est la clé du contrôle de la Vallée de l’Euphrate et l’accès depuis la Syrie vers Bagdad.

Alors que ces considérations pèsent lourdement dans les calculs stratégiques russes, elles n’ont qu’un faible impact direct sur l’objectif primordial d’Assad qui est de se maintenir au pouvoir. Alors que le dirigeant syrien peut espérer être acclamé pour avoir arraché une victoire majeure contre Daesh, la couronne de lauriers revient en réalité aux pilotes russes. Ses forces (d’Assad) ont essentiellement réalisé une opération terrestre à Palmyre, dans l’intérêt de Moscou et selon ses buts, qui n’est autre que de renforcer la mainmise de la Russie sur son pays doté d’un pouvoir fantoche.

En effet, des divergences concernant le sort du dictateur syrien ont fait surface au sein du front uni américano-russe – bien avant même que l’encre ne soit sèche de l’annonce conjointe rendue publique à Moscou le vendredi 25 mars, par le Secrétaire d’Etat américain John Kerry et le Ministre russe des affaires étrangères Sergeï Lavrov, fixant ainsi à août la date butoir à une solution politique pour sortir du conflit syrien qui dure depuis cinq ans. 

Peu de temps après le départ de Kerry pour Bruxelles, le vice-Ministre russe des affaires étrangères Sergeï Ryabkov a déclaré aux reporters : « Washington accepte à présent la suggestion de Moscou disant que l’avenir d’Assad ne doit pas encore être un dossier à ouvrir dans le cadre des négociations maintenant ». Cela dit, à l’exception du bout de phrase « maintenant », le porte-parole du Département d’Etat John Kirby a immédiatement rétorqué : « Toute suggestion du fait que nous aurions modifié en quoi que ce soit notre vision de l’avenir d’Assad est fausse ».

Est-ce que cette passe d’arme rhétorique présage d’une nouvelle impasse entre Washington et Moscou sur l’avenir de cette guerre et le dictateur syrien? Pas exactement : nos sources parmi les analystes des renseignements militaires signalent que les deux puissances sont d’accord sur le principe qu’Assad doit quitter le pouvoir, mais qu’ils manœuvrent et divergent sur le calendrier à prévoir pour mettre un terme à cette guerre et sur le moment de la destitution du pouvoir du dirigeant syrien.

Les Américains pensent que le plus tôt sera le mieux. La transition devrait débuter en août et aurait pour conséquence  d’ajouter des partis d’opposition à des positions d’influence réelle au sein du nouveau régime.

Le Président Barack Obama, quand il réalisera sa tournée d’adieu dans le Golfe en avril, aimerait montrer à l’Arabie Saoudite et aux Emirats du Golfe, qu’il a, en définitive, tenu parole envers eux , en évinçant Bachar al Assad du pouvoir avant qu’l ne quitte la Maison Blanche en janvier prochain. Les Etats-Unis seraient également mieux placés pour ramener l’opposition syrienne sur sa ligne, en vue d’un accord négocié.

Mais Poutine préfère s’accorder un délai supplémentaire, par qu’il a d’abord des problèmes à résoudre. L’intervention militaire russe qui dure depuis six mois dans le conflit syrien, a changé les tendances lourdes de la guerre. L’armée syrienne et ses alliés iraniens et du Hezbollah ont été en mesure de stabiliser leurs positions et même de remporter d’importantes victoires contre les forces rebelles en Syrie centrale et de l’Est. L’an dernier, Poutine et le guide suprême d’Iran l’Ayatollah Ali Khamenei étaient absolument sur la même longueur d’onde et pleinement coordonnés.

Cette relation cordiale s’est retrouvée en total décalage, au moment de la décision du Kremlin de travailler avec la Maison Blanche pour mettre un terme à cette désastreuse guerre en Syrie et d’en finir avec l’ère Assad.

Depuis novembre, les visites fréquentes du Général Qassem Souleimani à Moscou en mission de liaison ont tourné court.

Khamenei est inflexiblement opposé à la prise de décision de la Russie et des Etats-Unis quant au départ d’Assad et à son agenda. Il est même bien plus scandalisé par la façon dont Poutine a fait mouvement en Syrie et comment il a élu domicile au Moyen-Orient.

Ce fossé qui se creuse avec Téhéran a poussé Poutine à annoncer le 14 mars le retrait partiel de ses forces militaires de Syrie. C’était une menace de tirer le tapis sous leurs pieds en rappelant à quel point il a renversé les grandes tendances de la guerre en faveur de Damas et Téhéran.

Réticent à noyer le bébé avec l’eau du bain, Moscou jongle avec ses balles en l’air, en tentant de n’en perdre aucune. D’abord, il a suspendu sa couverture aérienne russe dans certaines batailles menées par le régime. L’Etat Islamique en a immédiatement profité pour s’engouffrer dans cette brèche dans le Sud et réaliser une percée sur les villes de Nawa, Sheikh Maskin (récemment reprise par le Hezbollah) et Dera’a. 

Moscou espérait que ce revers apprendrait à Assad à s’en tenir aux ordres russes.

Puis, dans la deuxième partie de la semaine dernière, Poutine a ordonné aux forces aériennes russes de renouveler leurs frappes aériennes dans l’Est, en appui de l’offensive de l’armée syrienne et de ses alliés, depuis le centre de la Syrie sur la ville historique de Palmyre. Vendredi et samedi, l’armée syrienne et ses alliés  se battaient pour la prise de contrôle de la Ville patrimoine de l’UNESCO, près d’un an après la déferlante de l’Etat Islamique sur la ville, en vandalisant ses vestiges historiques.

Les sources militaires de Debkafile soulignent que la prise de l’antique citadelle reconstruite perché »e sur la colline qui surplombe la ville aurait été au-delà de leurs forces sans l’appui aérien russe. Pouvoir finir le travail et reprendre la totalité de la ville de Palmyre dépendra lourdement des frappes aériennes russes qui continuent à bombarder au marteau-pilon les occupants djihadistes.

Poutine est confronté à une décision capitale. Il a déjà donné une sévère leçon à Assad et Téhéran : avec le soutien aérien russe, ils gagnent les batailles, mais pas sans celui-ci, comme le démontre leur échec flagrant dans le sud du pays.

Va t-il aider Assad à remporter la bataille de Palmyre?

Couronner le dictateur syrien grâce à une telle victoire foudroyante ne ferait que renforcer sa résistance à la pression américaine afin qu’il quitte le pouvoir dans peu de temps. Il pourrait se dresser comme le seul dirigeant dans la guerre syrienne capable de chasser Daesh. Mais si le dirigeant russe décide d’interrompre ses frappes aériennes d’appui en plein milieu de la bataille de Palmyre, Assad et l’Iran seront contraints de reconnaître le fait que sans l’appui militaire russe actif, ils sont dans de beaux draps.

Le dirigeant syrien devrait alors accepter l’idée que sa fin approche. Tel est le dilemme auquel Poutine est confronté.

 

DEBKAfile  Analyse Exclusive 26 Mars 2016, 4:07 PM (IDT)

Adaptation : Marc Brzustowski

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