Est-ce parce qu’approche la fin de sa présidence ou, plus prosaïquement, la perspective d’un accord sur le nucléaire iranien à soumettre au Congrès ? Barack Obama a, la semaine dernière, livré ses quatre vérites sur Israël : son attachement profond à l’Etat juif et à l’indéfectible relation stratégique américano-israélienne ; la nécessité d’un Etat palestinien et celle de critiquer publiquement la politique de Benyamin Nétanyahou. Politique et sophistiqué, du Obama pur jus.

Chrétien baptisé et pratiquant, Barack Hussein Obama, membre d’une église baptiste, fils d’une mère protestante et d’un père musulman kenyan devenu athée, a nourri tous les fantasmes de la droite républicaine et d’une partie de l’opinion israélienne. « Musulman caché », « anté Christ », « faux Américain », le premier président noir des Etats-Unis a essuyé les procès les plus farfelus. Sa politique moyen-orientale – du conflit israélo-palestinien à la négociation avec l’Iran – a été la cible des attaques répétées du lobby pro-Israël américain, l’Aipac.

Sous son administration, les relations politiques avec Israël se sont considérablement dégradées. Entre lui et le premier ministre Nétanyahou, l’humeur est orageuse. Fait sans précédent, le chef de la droite israélienne n’a pas hésité à jouer le Congrès contre la Maison Blanche. « Bibi » s’appuie sur un Parti républicain aujourd’hui aligné sur les positions les plus dures des faucons israéliens. Homme de liaison entre les deux camps, le milliardaire Sheldon Adelson, roi des casinos de Las Vegas et Macao, finance Nétanyahou et la droite républicaine. Et fusille Obama : « Tout ce qu’il fait peut conduire à la destruction de l’Etat d’Israël. » Rien de moins.

Obama réplique qu’entre lui, Noir américain, et l’histoire d’Israël, la relation est spécifique, intime, presque personnelle, fondée sur une communauté de « valeurs ». « Il y a un lien direct entre le soutien accordé au droit du peuple juif à disposer d’une patrie, qui garantit sa sécurité et la fin de ses persécutions, et le droit qu’ont acquis les Africains Américains à l’égalité civique » : « Dans ma tête, ces deux combats sont liés », dit-il dans un entretien accordé au mensuel The Atlantic. Menée dans les années 1950-1960, la lutte des Noirs pour l’égalité civique a, du début à la fin, reçu le soutien actif et sans faille de la communauté juive américaine.

Obama condamne un certain discours militant dont l’anti-sionisme affiché masque mal l’antisémitisme pur et simple. Mais il refuse de se laisser intimider par « le Parti républicain quand celui-ci définit toute critique du gouvernement Nétanyahou comme étant anti-Israël ou antisémite ». Il relève que les différends qu’il a avec « Bibi » ne l’ont pas empêché d’emporter le vote juif en 2008 comme en 2012 – « à 70 % ». Les juifs américains représentent moins de 2 % du corps électoral et, bon an mal an, restent majoritairement fidèles au Parti démocrate.

La hauteur de l’enjeu

Le 44e président met ses pas dans ceux de ses prédécesseurs immédiats : « Entre Israël et les Etats-Unis, la relation de sécurité est sacro-sainte, gravée dans la pierre », jure-t-il. Même ses adversaires reconnaissent que la coopération militaire et de renseignement entre les deux pays n’a jamais été aussi forte que du temps d’Obama. Il ne s’en sent que plus libre d’exprimer publiquement ses différends politiques avec Nétanyahou. Quand le premier ministre parle des électeurs arabes israéliens comme de « hordes » menaçant le pays, rejette la possibilité d’un Etat palestinien ou poursuit sa politique de colonisation, « cela a des conséquences » pour la politique étrangère américaine, juge Obama : « C’est précisément parce que nous sommes si proches d’Israël que nous ne pouvons pas rester sans rien dire, car cela reviendrait à enlever toute crédibilité à la parole émise depuis ce bureau, le bureau Ovale. »

Comme l’ancien premier ministre Yitzhak Rabin et une bonne partie de l’élite militaire du pays, Obama juge que la poursuite des implantations en Cisjordanie menace l’avenir d’Israël. Pourtant les molles tentatives de son administration pour amorcer un dialogue israélo-palestinien se sont fracassées sur le refus de Nétanyahou de limiter la colonisation – sans que Washington réagisse à la hauteur de l’enjeu. Il se méfie de toute vision « angélique, idéaliste ou utopique ». Il sait l’étroitesse des lieux concernés. Il concède que « les Palestiniens ne sont pas toujours les partenaires les plus faciles ». Il comprend que l’environnement moyen-oriental actuel, violent et chaotique, n’est guère propice et « effraie nombre de familles juives ». A quoi il faut ajouter ce qui se passe en Europe, poursuit-il, « l’émergence d’un antisémitisme ouvert, (…) d’une rhétorique antisémite et anti-Israël (…) alors que la génération de l’Holocauste a à peine disparu ». Mais il n’en démord pas : avec toutes les garanties de sécurité des Etats-Unis, il faut aller vers un Etat palestinien aux côtés d’Israël.

De même, il juge que « l’antisémitisme » largement partagé dans les sphères du pouvoir iranien, chez le Guide Ali Khamenei, notamment, n’empêche pas celui-ci de prendre des « décisions rationnelles » quand il s’agit de l’avenir du régime – et donc de signer un accord sur le contrôle de son programme nucléaire. Là encore, il estime « légitimes le scepticisme et la méfiance » des Israéliens (et des Arabes). Il ne signera qu’un « bon accord ». Après tout, explique-t-il, sa réputation est en jeu, son testament présidentiel personnel, ce qu’il laissera à l’Histoire : « Dans vingt ans, si Dieu le veut, je serai toujours sur cette terre. Si l’Iran a alors une arme nucléaire, il y aura mon nom là-dessus. »

 

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