NON MONSIEUR BHL, LES “GILETS JAUNES” NE SONT PAS DES LIGUEURS ET DES FASCISTES! PAR PIERRE LURÇAT

NOVEMBER 21 2018

Pierre Lurçat sur Overblog

En tant qu’Israélien ayant quitté la France depuis plus de vingt-cinq ans, je suis l’actualité française avec une certaine distance, plus géographique qu’affective. Je suis parfois tenté de faire mien le diagnostic de Guy Millière – “la France que j’ai aimée est en train de disparaître” – diagnostic que partagent de nombreux Israéliens d’origine française, et notamment ceux qui ont grandi, comme moi, dans la France des “Trente glorieuses”. C’est pourquoi j’observe avec un intérêt non dénué de sympathie le mouvement de protestation populaire des “Gilets jaunes”, dont la vague déferle actuellement sur l’Hexagone. A titre personnel, il m’a rappelé des souvenirs anciens, ceux des premières années de mon alyah, qui ont coïncidé avec la tragique période des Accords d’Oslo.

A l’époque, une large fraction du peuple d’Israël avait tenté, tant bien que mal, d’exprimer son opposition à ces accords funestes, dont les esprits les plus lucides savaient bien qu’ils n’apporteraient nulle “paix”, mais seulement du sang et des larmes. Une des formes que prit cette opposition populaire fut celle des “grassroot movements” (mouvements de la base) – dont les plus actifs furent les “Femmes en vert” de Nadia Matar, et Zo Artseinou (“C’est notre terre”) de Moshé Feiglin. Comme en France aujourd’hui, il s’agissait de mouvements de protestation spontanés, largement inorganisés, qui exprimaient le ras-le-bol du peuple (le petit peuple, “Am’ha” comme on dit en hébreu), contre la politique inique d’une classe politique largement coupée du peuple et de ses préoccupations (on se souvient du mépris souverain affiché par Itshak Rabin pour les opposants à sa politique…). Nous avons vécu un remake tragique de cette période, dix ans plus tard, lors de la destruction du Goush Katif, erreur monumentale dont Israël n’a pas fini de payer le prix à ce jour.

Manifestation des “ketoumim” – (les “Oranges”) contre l’expulsion du Goush Katif

Bien entendu, tout cela a peu à avoir avec la France d’aujourd’hui… Les “Gilets jaunes” ne sont pas les “Femmes en vert”, ni les t-shirts Orange du Goush Katif, et leur protestation a des motivations principalement économiques et fiscales, dans la plus pure tradition française de la Fronde, (que j’ai découverte, comme beaucoup d’adolescents, dans les romans d’Alexandre Dumas). Mais ces mouvements ont des points communs : la protestation populaire et non violente, et la répression dont elle fait l’objet de la part de la police, soutenue par les grands médias, en France aujourd’hui comme en Israël hier.

Le 6 février 1934, place de la Concorde

C’est pourquoi j’ai lu avec un certain amusement la réaction de Bernard Henri Lévy, qui comparait, lors de la Convention nationale du CRIF, les “gilets jaunes” actuels aux Ligueurs de 1934. “Le vrai précédent”, écrit-il, “c’est le 6 février 1934 et ce cortège de Ligards… qui se sont dirigés vers l’Elysée et se sont proposés de l’investir avec des slogans qui n’étaient pas très différents de ceux des Gilets jaunes d’aujourd’hui” (1). Et pour appuyer sa “démonstration” (qui n’en est pas une…), BHL recourt, comme d’habitude, à ses vieilles manies d’étudiant en khâgne bien appliqué, citant pêle-mêle Descartes, Spinoza, Drieu la Rochelle, la Bible, le Talmud et les Grecs (et les ratons laveurs?), tout cela pour prouver que les “Gilets jaunes” ne sont pas le “bon” peuple, mais le “mauvais” peuple (sic). (J’ajoute que son mépris pour le petit peuple français n’a d’égal que celui qu’il a manifesté envers le peuple américain, qui a porté au pouvoir Donald Trump).

La reduction ad hitlerum ne marche plus!

Ce discours appelle deux remarques. La première, c’est que la reductio ad hitlerum (ou ad 1934, ce qui revient au même en l’occurrence) ne marche plus. La preuve la plus éclatante nous a été donnée par le président français Emmanuel Macron en personne – celui que BHL prétend défendre contre le danger des “Ligards” en gilets jaune – qui affirmait tout récemment que l’Europe revenait aux années 1930 (avant de prétendre quelques jours plus tard rendre hommage au maréchal Pétain, ce qui ne manque pas de sel). Non, monsieur BHL, la France et l’Europe aujourd’hui ne sont pas revenues dans les années 1930… Cessez une fois pour toutes de traiter les Français de fascistes et de nazis en puissance, refrain que vous ne cessez de répéter, comme un disque rayé, depuis votre livre L’idéologie française

Les “Gilets jaunes” bloquant une route en Charente

Les juifs appartiennent aussi à la “France d’en bas”

La deuxième remarque, c’est qu’il est politiquement maladroit, voire dangereux, pour un intellectuel juif (d’autant plus lorsqu’il s’exprime devant la Convention nationale du CRIF), de se livrer à de telles comparaisons. La communauté juive est en effet, à l’image de la communauté nationale française, politiquement diverse et divisée, et il y a sans doute parmi les manifestants des Gilets jaunes des Français juifs, qui souffrent eux aussi de la hausse des impôts et du carburant et qui partagent les préoccupations de leurs concitoyens non-juifs. (De même que le “nouvel antisémitisme” dont souffrent les Juifs, a son pendant dans le racisme anti-français).

Divisés politiquement, les juifs de France le sont aussi sur le plan socio-économique, comme l’ont démontré les événements des deux dernières décennies, et l’exode intérieur des juifs de certaines banlieues. Faire croire, comme le fait BHL, que les juifs appartiendraient exclusivement à la “France d’en haut”, et qu’ils auraient l’obligation morale de soutenir le pouvoir et de s’opposer à tout mouvement populaire (“populiste’”) – au nom d’un prétendu devoir de mémoire utilisé à mauvais escient – est une erreur politique, et peut-être aussi une faute morale. C’est en tout cas une faute de goût.

Pierre Lurçat

NB Mon livre Israël, le rêve inachevé, paraît ce jeudi aux éditions de Paris/Max Chaleil.

(1) https://www.lepoint.fr/editos-du-point/bernard-henri-levy/bhl-qui-sont-vraiment-les-gilets-jaunes-20-11-2018-2272880_69.php

vudejerusalem.over-blog.com

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Patrick Marie

BHL est à la philosophie ce que canard wc est à l’ornithologie.

Filouthai

BHL s’est auto- proclame philosophe, bénéficiant d’un confort matériel qui lui permet de ne pas travailler comme le vulgum pecus.
Ses interventions dans le cinéma, la politique et autres ont été désastreuses, mais toujours caractérisées par une auto-satisfaction déplacée. C’est un « courtisan ».
Qu’il mette pour une fois ses actions en accord avec ses propos . qu’il quitte la France.

Chesnel

OK, mais je suis foncièrement d’accord avec GW Goldnadel: « Gilets jaunes : oui sur le fond, non sur la forme »

Gilles E.

Vous réduisez le discours de BHL et le déformez selon vos convictions. Il n’a pas parlé de bons ou de mauvais peuples. Mais de bonnes et de mauvaises colères. Il faudrait le citer aussi quand il commence son intervention :
« Donc, oui, l’apparition des Gilets jaunes est un événement de cette nature. On peut le tenir pour un événement détestable. Il peut charrier – je vais y venir – des relents politiques et idéologiques qui vous déplaisent profondément. Mais c’est un événement. Et il serait déraisonnable de parier sur le contraire et de le traiter par le mépris. »
Puis après :
« cet appel au secours, ce SOS, il faut impérativement, je dis bien impérativement, et, quelles que soient, encore une fois, les récupérations dont il sera ou est déjà l’objet, l’entendre et le recevoir. »
Et sa conclusion :
« Ce mouvement des Gilets jaunes peut, naturellement, bien tourner et contribuer à cette réinvention de la politique et de la citoyenneté dont nous avons si cruellement besoin. Mais il pourrait aussi contribuer au repli de la France sur elle-même, au renoncement à sa propre grandeur et à un endormissement des intelligences qui, le plus souvent, enfante des monstres. »
En résumé, il était beaucoup plus mesuré que vous semblez le dire.
J’y étais et la salle l’a longuement applaudi.

le sioniste pour toujours

Môsieu BHL est un CON.
Môsieu BHL est un lèche babouche
Môsieur BHL se dit intelligent, car il croit détenir la VÉRITÉ, en fréquentant ce MôChieu ..r de MACRO et de ses sbires.
Môsieur BHL est un B.eau H.âbleur L.unatique, un jour pro, un jour anti, mais toujours pourri !
A bon entendeur Quelle confiance à accorder à une ordure de ce genre !

Claude

Je partage complètement ce propos et me reconnais pleinement merci Monsieur de rappeler la diversité de pensée des juifs de France, tous ne sont pas juifs de cour ni puisssance économique et politique et que sais je encore !!!

Jg

Je ne comprend pas ce BHL ,heureusement ,il ne est pas antisémite, certe ,il ne se cache pas derrière sa judéité ,mais ,il y a un mais ,que cherche t il ,que veut t il prouver ?
Il s e faufile derrière les hommes du pouvoir ,ils les côtoient ,et ,il frequente le  » beau  » monde .
En définitive ,je crois qu il a perdu les pédales !