Le parlement du Canada, à Ottawa. ( Source de la photo : Saffron Blaze/Wikimedia Commons)
Le 26 octobre, le parlement canadien a unanimement voté une motion anti-islamophobie, à la suite d’une pétition présentée par Samer Majzoub, président du Forum Canadien Musulman. Cette pétition avait recueilli près de 70.000 signatures.

Selon le texte de cette pétition,

« Récemment un nombre négligeable d’individus extrémistes se sont livrés à des activités terroristes tout en prétendant s’exprimer au nom de l’islam. Leurs actions ont été utilisées comme prétexte pour une montée notable de sentiments anti-musulmans au Canada. Ces individus violents ne reflètent en aucune manière les valeurs ou les enseignements de la religion qu’est l’islam. En fait ils dénaturent cette religion. Nous rejetons catégoriquement toutes leurs activités. Ils ne représentent en rien cette religion. Ils ne représentent en rien la religion, les croyances et le désir qu’ont les musulmans de coexister en paix avec tous les peuples du monde. Nous, les soussignés, citoyens et résidents du Canada, en appelons à la Chambre des Communes à se joindre à nous en reconnaissant que des individus extrémistes ne représentent pas la religion de l’islam, et en condamnant toutes les formes d’islamophobie. »

Bien qu’une motion n’a pas d’effet sur le plan légal à moins de devenir une loi, l’effet symbolique qu’a le fait que le parlement canadien a condamné à l’unanimité « toute forme d’islamophobie », sans essayer du tout de définir ce qu’ils entendent par « toute forme d’islamophobie » ne peut être décrit que comme étant pour le moins alarmant.

Que condamnent-ils exactement ? La critique de l’islam ? La critique des musulmans ? Discuter de Mahomet ? Représenter Mahomet ? Débattre pour savoir si l’État Islamique est une véritable manifestation de l’islam ? Est-ce que tout Canadien qui écrit désormais de façon critique à propos de l’islam ou n’est pas d’accord avec ceux qui affirment que l’État Islamique « ne reflète en aucune manière les valeurs ou les enseignements de la religion de l’islam » doit être considéré comme « islamophobe » ?

Personne ne le sait et on doute que les membres du parlement canadien eux-mêmes le sachent. Il semblerait, cependant que celui qui a lancé la pétition, Samer Majzoub, qui est affilié aux Frères musulmans, le sait. Voici ce qu’il a déclaré dans une interview du Forum Canadien Musulman après l’adoption de la motion :

« Maintenant que l’islamophobie a été condamnée, ce n’est pas la fin mais plutôt le commencement…nous devons continuer à travailler sur le plan politique et le plan social et avec la presse. Ils doutaient de l’existence de l’islamophobie mais maintenant ce n’est plus un problème ; tous les blocs et politiciens représentés par l’autorité législative suprême ont parlé de son existence. Nous devons prévoir de faire en sorte que les décideurs politiques agissent, notamment les Libéraux qui ont fait preuve d’ouverture concernant les musulmans et toutes les ethnies…Nous devons tous travailler dur pour poursuivre notre combat pacifique, social et humanitaire pour que cette condamnation soit suivie de politiques exhaustives. »

Alors que les parlementaires canadiens semblent ignorer totalement ce que les organisations musulmanes leur réservent en termes de « politiques exhaustives », il est clair que pour ces parlementaires, cette motion constitue au pire « un message vertueux ». Alors que ces parlementaires sont sans doute contents d’eux-mêmes, est-ce que leur vote signifie que les Canadiens qui osent critiquer critiquer l’islam et sont fortement en désaccord avec les principes de cette motion pourront être considérés (encore plus) comme dépassant les bornes dans une société civilisée ? Est-ce que cela signifie qu’une seule opinion est juste et que toute opinion qui en diffère sera désormais fausse par défaut, voire criminelle ?

Cela va presque certainement dissuader les gens de parler par peur d’être qualifiés de «racistes» ou «d’islamophobes» en créant de manière arbitraire un climat de politiquement correct lourd de menaces qui montrera du doigt et ostracisera ceux qui n’adhèrent pas à la pensée du groupe. Étouffer ainsi l’opinion ne peut être bénéfique pour la sécurité nationale d’aucun pays. Comment quiconque pourrait-il avertir les autorités de pratiquement quoi que ce soit si on doit s’inquiéter d’abord de savoir si cette notification peut être considérée comme « islamophobe » ?

Il n’y a eu, bien sûr, aucune motion équivalente présentée au parlement canadien pour condamner la «christianophobie» ou la «judéophobie» qui, elle, est bien plus courante que «l’islamophobie». En fait, selon les statistiques, les Canadiens juifs sont plus de dix fois plus susceptibles d’être victimes de crimes de haine que les Canadiens musulmans.

C’est exactement ce type de climat toxique, politiquement correct aux États-Unis, qui a permis au major Nidal Malik Hasan, un psychiatre de l’armée, de tuer par balles treize personnes et d’en blesser vingt-neuf autres au cours du massacre de Fort Hood en 2009. Son ancien condisciple, le lieutenant-colonel Finnell, a raconté à Fox news à l’époque qu’en dépit de sa conduite suspecte, comme faire une présentation qui justifiait les attentats suicides, rien n’avait été fait concernant Hasan pour voir s’il pouvait présenter un risque sécuritaire. Au lieu de cela il avait été traité avec des gants. « Le problème ici est le climat de politiquement correct que l’on trouve chez les militaires. Ils ne veulent rien dire parce que cela serait considéré comme mettant en cause les convictions religieuses de quelqu’un ou bien parce qu’ils redoutent une action en justice portant sur l’égalité des chances », a déclaré le lieutenant-colonel Finnell.

En décembre 2015, un homme qui avait travaillé dans la région de San Bernardino où vivait le terroriste Syed Farook a raconté à CBS Los Angeles que,

« il avait remarqué une demi-douzaine d’hommes venant du Moyen-Orient dans le coin ces dernières semaines mais avait décidé de ne rien signaler car il ne voulait pas procéder à un profilage racial de ces personnes. « Nous sommes restés assis pour le déjeuner en nous demandant ‘Que font-ils dans le voisinage’ ? », dit-il.

La peur d’être qualifié « d’islamophobe » est réelle et a des conséquences fatales. C’est cette peur que le parlement canadien promeut maintenant avec cette motion parlementaire qui indique que ce sentiment est partagé au plus haut niveau du pays, par ceux qui légifèrent.

On suppose qu’un parlement démocratique ne devrait pas faire taire ses citoyens en leur faisant peur. Le mot « intimidation » vient à l’esprit. Une intimidation parlementaire et un mépris irresponsable pour la liberté d’expression qui ne devrait pas avoir sa place dans une société qui se soucie des valeurs de liberté et de sécurité nationale. Il y a déjà eu au Canada, ce qui est honteux, des attaques contre la liberté d’expression, contre Mark Steyn et Ezra Levant, parmi d’autres. Est-ce ce pays-là que veut devenir le Canada?

Cette motion rappelle la Résolution 569 de la Chambre des représentants américaine, « Condamnant la violence, l’intolérance et un discours haineux à l’encontre des musulmans aux États-Unis », qui a été présentée à la Chambre des représentants le 17 décembre 2015. Cette résolution est plus détaillée que la condamnation brève de l’islamophobie du parlement canadien mais, en substance, elles semblent être les mêmes : la critique de l’islam ou des musulmans est inacceptable et devrait être condamnée, voir carrément criminalisée.

En condamnant « toutes les formes d’islamophobie » le parlement canadien a en réalité fait tout ce que pouvait espérer l’Organisation de la coopération islamique – composée de cinquante-six États musulmans plus la « Palestine »-. Combattre « l’islamophobie » est au premier rang des priorités de cette organisation dont le quartier général est à Djeddah en Arabie saoudite. L’OCI promeut vigoureusement le soi-disant Processus d’Istanbul, dont le but est d’interdire toute critique de l’islam et d’inscrire cette interdiction dans les lois internationales.

Il est ironique de voir que le drapeau saoudien a flotté sur la Colline du Parlement à Ottawa le 2 novembre, pendant que des fonctionnaires canadiens rencontraient une commission saoudienne soi-disant des « droits de l’homme ». Cette commission a soutenu publiquement les exécutions de masse de janvier 2016 en Arabie saoudite au cours desquelles quarante-sept personnes ont été exécutées par les autorités, en disant qu’elles « appliquent la justice… satisfont aux exigences légitimes et légales et protègent la société, sa sécurité et sa stabilité. » Ce qui n’est apparemment pas problématique aux yeux des parlementaires canadiens.

Pas plus tard que le 24 octobre, le Secrétariat général de l’OCI organisait une rencontre pour « examiner la stratégie médiatique pour contrer l’islamophobie ». La rencontre devait :

« discuter de la stratégie médiatique de l’OCI et de la manière de contrer l’islamophobie compte tenu des derniers développements et des campagnes de haine dans diverses parties du monde, surtout avec le nombre croissant de réfugiés musulmans dans les pays occidentaux et la montée d’un discours de haine d’une manière qui inquiète sérieusement. La rencontre a pour but de proposer des mécanismes qui soulignent la véritable et noble image islamique et contribue à stopper les campagnes délibérément diffamatoires actuelles menées dans divers forums occidentaux. »

Naturellement la question est de savoir si cette motion canadienne sera reprise par d’autres parlements en Occident. L’OCI est particulièrement active en Europe car elle a ouvert une Mission permanente d’observation auprès de l’Union européenne en 2013. L’OCI a également formé récemment le prétendu Groupe de contact pour les musulmans en Europe, annonçant sa formation au sommet de l’OIC à Istanbul en avril 2016. Il inclut la Turquie, l’Arabie saoudite, le Pakistan, l’Algérie, l’Égypte, la Somalie, la Malaisie et la Jordanie.

La création du Groupe de contact de l’OCI pour les musulmans en Europe

« a pour but de s’assurer de la coopération effective entre les parties concernées, pour déterminer des stratégies pour éliminer les discours de haine, les agressions physiques, les pratiques intolérantes, les préjugés, la discrimination raciale et l’islamophobie et de soutenir le dialogue interculturel et l’insertion sociale. De plus, le Groupe pourra être une plate-forme permettant à des musulmans de différentes nationalités d’échanger leurs expériences, de définir les meilleures pratiques dans le but d’augmenter la participation des musulmans dans la vie politique et sociale en Europe. » 

Apparemment, l’UE voit l’OCI comme une organisation amicale et bienveillante avec des valeurs partagées. Selon le service de l’UE pour l’Action européenne externe, ( son service diplomatique qui assiste le chef des affaires étrangères de l’UE ) :

« L’OCI a entrepris des changements importants au cours de la dernière décennie : elle a fait des avancées en matière de soutien à la liberté d’expression et de liberté de culte. Elle a étendu sa coopération dans des domaines économiques, culturels, de développement et humanitaires ».

Vraiment ? Dans quel univers parallèle les efforts faits par l’OCI pour étouffer la liberté d’expression peuvent-ils être considérés comme une avancée pour la liberté d’expression et le liberté de culte ?

Tandis que l’OCI intensifie sa campagne médiatique et ses efforts en Europe, les parlements européens vont sans doute être confrontés à des initiatives comme celle de cette pétition au Canada. Il semble que l’Union européenne, pour commencer, serait trop contente de faciliter l’adoption d’une telle motion.

Judith Bergman est écrivain éditorialiste, avocate et analyste politique.

Gatestone Institute

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