Invité en Israël par Netanyahou, Mohammed VI voudrait poser ses conditions.

Le souverain marocain veut se poser en médiateur entre Israël et les Palestiniens, et en défenseur de l’identité arabo-musulmane de Jérusalem. Une manière d’apparaître comme un acteur-clé du dossier, mais surtout de pacifier son opinion publique, ulcérée par son revirement diplomatique.

 

Invité par le Premier ministre Benyamin Netanyahou à se rendre en Israël dans la foulée de la normalisation des relations entre les deux pays le 10 décembre, le roi du Maroc Mohammed VI n’a pas fermé la porte à cette éventualité. Mais il veut l’assortir de multiples conditions pour se poser, durant cette visite, en ardent défenseur de la cause palestinienne. Un moyen de s’impliquer dans le dossier, tout en désamorçant les accusations de « trahison » à ce sujet, alimentées par une frange du parti islamiste PJD (Parti de la justice et du développement) au pouvoir. Celles-ci trouvent un large écho dans l’opinion publique, pas seulement chez les islamistes, mais aussi dans l’opposition de gauche, et jusque dans une partie de l’intelligentsia de Rabat et Casablanca.

Mohammed VI, médiateur Abbas-Netanyahou ?

Selon nos informations, le monarque souhaite donc rencontrer, durant son déplacement, le leader de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à qui il avait parlé au téléphone le 23 décembre, en même temps qu’il recevait la délégation américano-israélienne conduite par Jared Kushner, gendre de Donald Trump. Mohammed VI voudrait, ainsi, favoriser la reprise des pourparlers directs entre Abbas et Benyamin Netanyahou, rompus en février. Cette mission de bons offices lui permettrait d’apparaître en médiateur de bonne foi dans le conflit israélo-palestinien, voire de faciliter d’autres normalisations entre des Etats arabes et Israël.

Mais cette volonté risque de se heurter bien vite à l’agenda politique israélien : en pleine campagne pour sa réélection après la dissolution de la Knesset du 22 décembre, Benyamin Netanyahou multiplie les gages à la droite israélienne ainsi qu’aux habitants de Judée Samarie, autorisés le 11 janvier à construire 800 logements. Mahmoud Abbas, lui, a repris langue dans les premiers jours de janvier entre son parti, le Fatah, et le mouvement Hamas, classé comme mouvement terroriste par Israël et les Etats-Unis.

La prière à Al-Qods

« Mohammed 6 » veut aussi ressortir sa casquette de président du comité Al-Qods de l’Organisation de coopération islamique (OCI), structure siégeant à Rabat et chargée de la défense de l’identité arabo-musulmane de Jérusalem. Il a déjà annoncé la convocation prochaine d’une 21e session du comité et, surtout, il entend pouvoir accomplir une prière à la mosquée d’Al-Aqsa durant son éventuel déplacement. L’Etat hébreu ne devrait pas s’y opposer : le ministre des affaires étrangères marocain Nasser Bourita avait déjà pu se recueillir dans l’édifice en marge d’un déplacement en 2018. Paradoxalement, la difficulté pourrait provenir du grand mufti de Jérusalem Muhammad Ahmad Hussein, nommé par Mahmoud Abbas et ayant la haute main sur la mosquée. Celui-ci a émis en août une fatwa interdisant aux citoyens des pays arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël de venir y prier, une décision qui visait alors les autorités émiraties.

Qui dirigera le bureau de liaison à Tel Aviv ?

Mohammed VI doit aussi régler, avant tout déplacement en Israël, la question de la réouverture du bureau de liaison dans le pays, annoncée le 10 décembre. Le choix du lieu est déjà fixé : ce sera Tel Aviv et non Jérusalem, où une poignée d’Etats ont déménagé leur ambassade ces dernières années, dans le sillage de la décision de Donald Trump de reconnaître la ville comme capitale de l’Etat hébreu.

Mais le souverain tarde à désigner celui ou celle qui en prendra la tête, comme il a coutume de le faire pour toutes les nominations diplomatiques. Selon nos informations, une liste de personnalités issues de la société civile, mais aussi de cadres de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), lui a été soumise début janvier. L’agence de renseignement extérieur dirigée par Yassine Mansouri gère de longue date les relations officieuses avec Israël – notamment avec son homologue, le Mossad – et c’est l’un de ses agents qui dirigeait le bureau de liaison qui avait été ouvert de 1994 à 2000. Le ministre des affaires étrangères israélien Gabi Ashkenazi, lui, a tranché le 11 janvier : le chargé d’affaires israélien à Rabat sera David Govrin, ex-ambassadeur d’Israël au Caire.

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