Macron 2022: et si tout n’était pas joué d’avance?

 

La macronie ne prend même plus la peine de masquer son mépris de la démocratie. Le découragement menace ceux qui pensent que la France mérite mieux qu’un commercial narcissique jouant à se déguiser en Zelensky dans la sécurité et le faste de l’Elysée. Les prophéties des sondages semblent implacables : Emmanuel Macron sera réélu, l’oracle a parlé…

Halte-là ! Pas si vite.

Il serait hypocrite de balayer les sondages d’un revers de la main. Pour autant, on peut se souvenir qu’ils ont notoirement échoué à prévoir les résultats d’autres scrutins, et qu’il n’est pas absurde de les regarder avec une certaine prudence, voire une prudence certaine, ainsi que le rappelait il y a quelques mois le journal suisse Le Temps, pourtant peu suspect de complotisme.

Pierre Vermeren dénonce les certitudes et le désastre de la non-campagne

Mais admettons un instant que la réélection d’Emmanuel Macron soit une certitude, les Français massivement épuisés par la pandémie, tétanisés par la guerre en Ukraine, effrayés par la crise économique à venir, hypnotisés par le matraquage médiatique, se réfugiant dans un réflexe légitimiste instrumentalisé (non sans talent) par l’actuel détenteur du pouvoir.

On se redira le mot célèbre de Guillaume d’Orange-Nassau : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Maxime salutaire, d’autant plus nécessaire qu’elle suppose un sens de l’honneur que notre époque peine douloureusement à comprendre. On se souviendra de Jacques Maritain : « L’important n’est pas de réussir, ce qui ne dure jamais, mais d’avoir été là, ce qui est ineffaçable. » Et bien sûr d’Edmond Rostand et de son sublime Cyrano : « Que dites-vous ? C’est inutile ? Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » Avouons cependant que malgré sa noblesse, la consolation est maigre, et aurait presque des échos de renoncement.

Heureusement, il n’y a pas que cela ! Car si l’élection présidentielle est primordiale, elle n’est pas tout. Il y a les législatives, et Emmanuel Macron s’il est réélu ne sera pas à l’abri d’une cohabitation, qui ne résoudrait certes pas les problèmes de notre pays, mais pourrait permettre d’éviter qu’il les aggrave encore. Il y a aussi, peut-être surtout, la nécessaire recomposition du paysage politique.

A gauche, le rapport de force entre Fabien Roussel d’une part, et de l’autre Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot : subistera-t-il une gauche « à la française », ou l’islamo-wokisme triomphant s’en partagera-t-il les dépouilles avec l’extrême-centre populicide (pour reprendre le mot de Michel Onfray) d’Emmanuel Macron ?

A droite, se poseront principalement deux questions : celle de l’avenir de LR après l’échec probable (et vraisemblablement retentissant) de Valérie Pécresse, et celle de savoir si la droite restera prisonnière du piège mitterrandien, ou si elle suivra la voie tracée par Eric Zemmour et refusera de continuer à chercher en permanence l’onction de la « gauche morale » (désormais macroniste) en s’excusant d’être de droite. Questions évidemment liées, et dont les réponses dépendront en grande partie du poids relatif de Reconquête et du RN aux prochains scrutins.

Qu’on soit de droite ou de gauche, on m’accordera j’espère que ces questions ne sont pas sans importance, et justifieraient à elles seules de s’engager résolument, de faire campagne, et d’aller voter en avril et en juin.

Mais il y a plus. Infiniment plus.

La macronie ivre d’arrogance

Ce qui se joue ces prochaines semaines, c’est la survie de notre démocratie. Ce ne sont pas des chars qui nous menacent, ni les fusils de milices armées : nous n’avons pas besoin de risquer nos vies pour défendre la démocratie, il nous suffit de proclamer que nous n’entendons pas y renoncer, et de la faire vivre. Rien de plus, mais rien de moins.

La macronie, ces jours-ci, est ivre d’arrogance, et les masques tombent. Elle est le « cercle de la Raison », en dehors d’elle, point de salut ! Nulle opposition ne saurait être légitime, puisque nécessairement extrémiste, tout débat est donc inutile : la démocratie, à quoi bon ? Sous prétexte de crise, il faudrait maintenir Emmanuel Macron au pouvoir par tacite reconduction, d’ailleurs nul ne peut se comparer à lui, et il n’a pas de temps à perdre pour répondre aux critiques, présenter un bilan ou défendre un projet : c’est qu’il a des choses plus importantes à faire que permettre que vive la démocratie française. Il ne répondra qu’aux questions calibrées sur mesure de panels soigneusement choisis, évitera la confrontation directe avec ses rivaux, ne sera interrogé que par des journalistes d’une complaisance si manifeste qu’elle en devient gênante. Et le peuple sera prié de trouver tout ça parfaitement normal.

L’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, rallié à Emmanuel Macron, affirme que « si Emmanuel Macron se dispersait aujourd’hui entre meetings et polémiques tel un candidat sans responsabilité il serait jugé comme inconsistant à l’étranger et agité en France », oubliant que si Emmanuel Macron jugeait ces deux rôles incompatibles, il pouvait endosser pleinement celui de Père de la Nation en renonçant à se représenter. Devant des journalistes évidemment acquis à sa cause, la reporter Anne Nivat déclare : « En temps de guerre on ne change pas de chef. Tout le monde a peur, quand on a peur on ne change pas de chef ». Pourtant, avant d’être remplacé par Churchill avec le succès que l’on sait, Chamberlain démissionna le…. 10 mai 1940. « On ne change pas de capitaine en pleine tempête. Simple question de bon sens » écrit le député LREM Marc Delatte, pour qui c’est donc manquer de bon sens que de vouloir permettre un choix démocratique. Sur France Inter, Stanislas Guérini, député et délégué général LREM, est scandalisé à l’idée que d’autres candidats puissent vouloir « créer une confrontation » avec le chef de l’Etat : le débat d’accord, mais sans véritable contradiction. Dans Libération, Jean-François Eliaou, lui aussi député LREM, justifie le choix d’Emmanuel Macron de ne pas débattre avec les autres candidats en affirmant : « La qualité des personnalités en lice ne justifie pas que l’on s’abaisse à discuter avec eux. » Une toute nouvelle publication résolument macroniste élève le complotisme au rang des beaux-arts en accusant les trois challengers sérieux (d’après les sondages) du président d’être à la botte de Poutine – quand le pouvoir en place affirme que tous ses rivaux sont des agents de l’étranger, ce n’est jamais bon signe pour la démocratie. Et Claude Posternak, macroniste de la première heure, un temps porte-parole d’Emmanuel Macron, va jusqu’à qualifier de « séditieux » les propos du président du Sénat, deuxième personnage de l’Etat, lorsque celui-ci s’inquiète du risque de déficit de légitimité que l’absence de véritable campagne fait peser sur le scrutin.

Le périmètre de l’acceptable se réduit…

A l’heure où Facebook autorise l’apologie de groupes néo-nazis pourvu qu’ils soient Ukrainiens, où Twitter a fermé « par erreur » – certes temporairement – bon nombre de comptes favorables à Eric Zemmour, on se souvient aussi de la sinistre loi Avia qui voulait donner aux GAFAM un pouvoir de censure délirant, et on comprend que la stratégie du macronisme est de réduire encore et encore le périmètre de l’acceptable jusqu’à proclamer, in fine, que son discours est le seul à avoir droit de cité. Le seul à être « rationnel », le seul à être « républicain », tout le reste étant évidemment « haineux », « extrémiste », « séditieux », et tout juste bon à enfermer dans ce que Philippe Muray appelait « la cage aux phobes ». Samuel Fitoussi l’a résumé en une galerie de portraits de macronistes aussi drôle que percutante, dont l’un estime que « seule la désinformation (ou les bots russes) peut pousser certains à ne pas voter Macron » et un autre « accuse toute personne en désaccord avec lui de tenir des discours nauséabonds (….) tente d’excommunier du débat public au moins une personne par jour et finira par s’arroger à lui seul, le monopole de la fréquentabilité. »

On voit que loin d’être « séditieuses », les inquiétudes de Gérard Larcher ou Pierre Vermeren sont malheureusement fondées. Mais puisque la macronie veut confisquer la démocratie, chaque expression d’une authentique exigence démocratique, chaque manifestation d’un véritable pluralisme, d’une véritable contradiction, est un acte de résistance. S’abstenir, ce serait consentir à ce « coup de force mou », baisser les bras devant les maîtres-censeurs, se résigner à la victoire par abandon de ceux qui œuvrent à priver le peuple français de sa souveraineté, et même maintenant de son droit à penser par lui-même. Mais chaque tract en faveur d’un autre qu’Emmanuel Macron déposé dans une boîte aux lettres, chaque affiche collée, chaque bulletin de vote en faveur d’un autre que lui déposé dans l’urne, sera le signe que les Français n’ont pas encore renoncé à la démocratie.

Et puis… L’avenir n’est pas écrit, il n’y a pas de fatalité, mais même si tout était joué d’avance, si nos votes étaient sans conséquences politiques réelles, alors oublions les calculs politiques et les stratégies ! Dans la liberté de l’isoloir, loin du qu’en dira-t-on et du regard des voisins, loin des « like » et des signalements censeurs des réseaux sociaux, loin de clercs médiatiques et de leurs injonctions, votons par adhésion, votons par enthousiasme, votons pour dire ce que nous voulons vraiment parmi des projets de société radicalement différents, votons pour quelqu’un qui aura su nous toucher, ou bousculer ceux qui nous insupportent, ou nous donner envie de croire qu’autre chose est possible.

Et qui sait ? Si nous osons massivement l’authenticité, nous aurons peut-être de belles surprises aux soirs des scrutins.

Aurélien Marq causeur.fr
© Soazig de la Moissonnière / Présidence de la République

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