Bruno Le Maire, lors d'un meeting des Républicains en juin 2015. AFP PHOTO / PASCAL PAVANI

En 2003, alors conseiller du ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin, Bruno Le Maire avait contribué à l’opposition française contre une intervention militaire américaine en Irak. C’était dans une vie antérieure de diplomate. Aujourd’hui, futur candidat aux primaires à droite pour l’élection présidentielle, le voilà en visite en Israël, vendredi 4 septembre, pour plaider en faveur d’une opération terrestre en Syrie contre l’organisation Etat islamique (EI), qui ne fait pourtant guère l’unanimité dans son camp. La différence entre les deux époques ? Il y a douze ans, il ne voyait pas de « menace ». A présent, elle saute aux yeux du monde et entraîne l’afflux de réfugiés en Europe.

« La politique internationale est affaire d’intérêts avant tout, reconnaît le député de l’Eure. Et le premier intérêt est celui de notre sécurité. » Pour l’ancien ministre, un « monde nouveau » émerge, « un siècle d’histoire se referme » avec l’effondrement d’Etats au Moyen-Orient et « la France doit passer à l’offensive ». Bruno Le Maire souhaite que Paris « obtienne une résolution aux Nations unies au titre du chapitre VII permettant de construire une coalition internationale pour mettre fin aux projets politiques de Daech [acronyme arabe de l’EI] ». Le temps presse, à l’écouter. La menace que fait planer l’Etat islamique sur le Liban représente « une ligne rouge absolue pour la République française ».

Interrogé sur le calendrier politique américain, qui rend peu vraisemblable une participation de Washington à une opération terrestre à l’approche des primaires, Bruno Le Maire estime que la responsabilité d’une telle mission incomberait d’abord aux pays arabes et européens.

L’ancien ministre considère que les « conditions politiques n’ont jamais été aussi favorables » à une intervention, citant l’évolution des positions turque et russe. Mais l’éventuel soutien de Moscou aurait un double prix : ne plus considérer la guerre en Ukraine comme « une priorité absolue » et cesser de réclamer la tête de Bachar Al-Assad. « Ne faisons pas d’Assad un préalable, explique Bruno Le Maire. Si on le fait, il y aura un veto de la Russie au Conseil de sécurité. (…) On ne peut pas déterminer par avance quel serait l’objectif politique [d’une intervention]. L’objectif stratégique est de défaire Daech. »

« Des schémas du passé »

L’hypothèse d’une opération aérienne ou terrestre à laquelle participerait la France est loin de faire consensus au sein de la majorité comme du parti Les Républicains. « Il faut qu’on intervienne, a déclaré vendredi son directeur Frédéric Péchenard, proche de Nicolas Sarkozy. S’il faut l’aviation, on envoie l’aviation, s’il faut des troupes au sol, on envoie des troupes au sol. » En revanche, François Fillon et Alain Juppé ont tous deux exprimé leur opposition à l’idée d’une opération terrestre. « Certains réfléchissent avec des schémas du passé », lance Bruno Le Maire.

Sur la question des migrants, qui secoue et divise l’Union européenne, le député appelle à refuser « la politique de l’autruche qui consiste à nier le problème ou à le traiter seulement de façon humanitaire ». Selon lui, « l’Europe doit accueillir tous ceux qui sont menacés par l’islam radical ». Mais dans le même mouvement, il exprime deux réserves majeures. Il se dit opposé à l’idée d’une répartition par quotas des réfugiés, entre membres de l’UE. Par ailleurs, il insiste sur la distinction – bien difficile parfois à établir – entre les migrants fuyant des persécutions religieuses et politiques, et ceux mus par une motivation économique. Ces derniers devraient être reconduits hors de France dans les meilleurs délais, dit-il, en feignant d’ignorer le problème fréquent d’identification du pays d’origine. Bruno Le Maire souhaite que les demandes de droit d’asile soient examinées dans un délai maximum de « deux à trois mois, contre vingt-quatre aujourd’hui ». « S’il s’agit de réfugiés économiques, ils n’ont pas leur place en France », plaide-t-il, tout en se disant favorable à l’ouverture de centres d’accueil pour les réfugiés de Syrie ou d’Irak fuyant devant les djihadistes.

Interrogé sur le faible élan de solidarité et d’empathie constaté en France par rapport à l’Allemagne à l’égard des réfugiés, Bruno Le Maire rejette la comparaison entre les deux pays. L’Allemagne a besoin de main-d’œuvre et jouit d’un très faible taux de chômage, dit-il, alors que la France doit aussi gérer l’immigration d’Afrique. « La pauvreté rend égoïste. La France est un pays en grande difficulté qui s’appauvrit. Les gens disent : on ne va pas pouvoir accueillir beaucoup de monde dans de bonnes conditions alors qu’on n’est même pas capable de traiter dignement beaucoup de Français. »

A Jérusalem, Bruno Le Maire a rencontré le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Samedi, il doit aussi être reçu par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Mais le conflit israélo-palestinien lui semble bien secondaire par rapport à la menace djihadiste. Voilà pourquoi l’ancien diplomate estime « vouée à l’échec » l’initiative française, en vue d’une résolution à l’ONU fixant les paramètres d’une résolution du conflit. L’Elysée se serait, à ses yeux, trompé d’agenda et de priorité. Il ne s’agit plus, estime-t-il, de se focaliser sur un Etat palestinien hypothétique, mais de « repartir sur une base plus pragmatique donnant la possibilité aux Palestiniens d’avoir une vie digne, un métier, une bonne formation. » Il est peu probable que M. Nétanyahou trouve à redire à une telle approche.

Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)  le Monde.fr

Les Français favorables à une intervention militaire en Syrie contre Daech

Des migrants à Calais. Sipany/Sipa

Les Français ne sont pas favorables à un assouplissement du statut de réfugiés et se prononcent pour une intervention militaire en Syrie, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien et Aujourd’hui en France.

Les Français semblent préfèrer déclencher des frappes contre Daech en Syrie plutôt qu’ouvrir leurs portes aux migrants. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien et Aujourd’hui en France, dévoilé dimanche 6 septembre, ils sont 55% à ne pas vouloir que la France octroie le statut de réfugiés aux migrants qui affluent actuellement à travers toute l’Europe. En revanche, 61% des Français se disent favorables à ce que la France intervienne militairement sur le sol syrien contre l’État islamique, alors que des frappes aériennes seraient envisagées par le gouvernement

Cette division s’illustre encore plus en fonction des opinions politiques. Si les sympathisants de gauche sont pour un meilleur accueil des migrants (69%), les sympathisants de droite sont en revanche largement opposés, dans la même proportion (69%), à cela. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy préconise de créer des centres de rétention aux portes de l’Europe.

La politique de l’UE critiquée

Aussi, 44% pensent que la France n’est ni plus ni moins accueillante que l’Allemagne à l’égard des réfugiés de guerre. Des milliers de Syriens sont attendus en Allemagne, où un énorme élan de solidarité a pris forme ces derniers jours.

La politique de l’Union européenne par rapport à cette crise humanitaire se trouve par ailleurs sous le feu des critiques. 78% désapprouvent l’action des dirigeants de l’UE et seulement 21% jugent qu’ils ont bien réagi. En outre, 69% des Français ne veulent pas entendre parler de quotas pour répartir les migrants et les demandeurs d’asile entre les pays de l’Europe. François Hollande s’est en tout cas récemment prononcé en faveur de l’instauration d’un « mécanisme permanent et obligatoire ».

Challenges.fr

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