« Les Européens ont fini par comprendre pourquoi les Etats-Unis sont inondés de vaccins : l’audace et le risque »

Joe Biden fait semblant de rebattre les cartes. Il détrumpise en apparence, vaccine à tout-va et multiplie les plans de relance. Mais sans le travail de Trump Biden serait au même stade que les Européens. Le retour de l’Amérique est un défi pour l’Europe qui risque le décrochage, explique, dans sa chronique, Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».

Chronique. On en bave d’envie ou, selon les tempéraments, on en pleure de dépit. Alors qu’à Washington, le président Joe Biden annonçait fièrement, jeudi 25 mars, qu’il doublait son objectif de vaccination pour le porter à 200 millions d’Américains pendant les cent premiers jours de sa présidence, les dirigeants européens, réunis en visioconférence, perdaient des heures à tenter de convaincre le chancelier autrichien Sebastian Kurz que non, la priorité n’était pas de redistribuer des doses à son pays sous prétexte qu’il avait mal calculé la répartition des vaccins choisis. Ainsi va l’Union européenne (UE) et son mode de gestion collective. Mais quand on dit collective, c’est oublier le poids de la France et de l’Allemagne dans ce fiasco.

Depuis, Joe Biden a fait encore mieux : d’ici au 19 avril, dit-il à présent, 90 % des adultes américains qui le souhaitent doivent pouvoir être vaccinés. Les Européens ont fini par comprendre pourquoi les Etats-Unis sont inondés de vaccins, qu’ils gardent jalousement, alors qu’eux, terre de laboratoires et d’usines pharmaceutiques, gèrent la pénurie – solidairement certes, mais chichement. La raison tient en deux mots : l’audace et le risque.

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Emmanuel Macron l’a compris aussi. Un peu tard sans doute, mais il croit que tout n’est pas perdu, qu’il peut encore convaincre ses partenaires européens pour le coup d’après. L’audace que l’Europe n’a pas eue, alors que des scientifiques travaillaient dessus dans ses propres laboratoires, c’est d’imaginer qu’un vaccin anti-Covid-19 pouvait être développé en moins d’un an là où d’ordinaire il en faut dix. « On n’a pas pensé que ça irait aussi vite », a reconnu le président français à la télévision grecque.

L’UE essaie de rattraper son retard

Et le risque que l’UE n’a pas pris, c’est celui d’investir massivement dessus, quitte à perdre son argent. Macron, encore : « Les Américains ( parce qu’il ne sait pas dire Trump) ont eu le mérite dès l’été 2020, de dire, on met le paquet et on y va. Et le quoi qu’il en coûte qu’on a appliqué pour les mesures d’accompagnement, eux l’ont appliqué pour les vaccins et la recherche. »

On ne le souligne pas trop car c’est un mauvais souvenir, mais à l’été 2020, Donald Trump était aux commandes. Et on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir le goût du risque. Il a mis 14 milliards de dollars (près de 12 milliards d’euros) de financement fédéral sur l’opération Warp Speed, qui a permis aux laboratoires pharmaceutiques de développer des vaccins à la vitesse de l’éclair sans se soucier de perdre de l’argent.

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La Chine et la Russie elles aussi ont « mis le paquet » – le Fonds souverain russe et son patron, Kirill Dmitriev, ont été totalement redirigés sur l’opération Spoutnik V – mais le manque de transparence mine la confiance dans leurs vaccins.

L’UE essaie aujourd’hui de rattraper son retard. Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, veut que l’industrie pharmaceutique mette les bouchées doubles : cinquante-deux usines devraient être capables de produire, à la fin 2021, deux à trois milliards de doses, suffisamment pour vacciner 450 millions d’Européens et pour exporter vers les pays qui en ont besoin.

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Le coup d’après pourrait être celui des vaccins de la deuxième génération, capables de nous prémunir contre les futures mutations du Covid-19 ; il en a bien été question au sommet européen du 25 mars, mais sans viser assez haut. Quand les Etats-Unis mettent 14 milliards de dollars, l’UE commence par injecter 50 millions d’euros dans l’incubateur HERA (Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire).

SI l’UE arrive à accélérer significativement la campagne de vaccination, on comprendra alors tout le mérite de son initiative inédite qui a consisté à mutualiser les commandes et la distribution de vaccins pour les vingt-sept Etats-membres : elle permettra la libre circulation au sein de l’espace européen, essentielle pour la relance de l’économie. On se félicitera aussi du « quoi qu’il en coûte » qui a maintenu l’économie et les emplois à flot.

Mais c’est là que les Européens seront face au deuxième coup d’après : celui du plan de relance II annoncé à Washington, qui devrait compléter par de grands travaux d’infrastructures et de transition énergétique le plan de sauvetage de 1 900 milliards de dollars adopté en février. Macron, à nouveau : « La force de la réponse américaine et du plan Biden nous place face à une responsabilité historique. A la suite des deuxième et troisième vagues, il faudra compléter (…). Nous sommes trop lents, trop complexes, trop engoncés dans nos propres bureaucraties ».

L’ADN américain

Ce qui se profile, c’est que, grâce aux plans de relance massifs prévus par l’administration Biden, les Etats-Unis retrouveront leur trajectoire de croissance pré-crise dès la mi-2021, tandis que l’Europe ne retrouvera la sienne que courant 2022 si elle ne s’appuie que sur les mesures actuelles et l’espoir d’un rebond de croissance en sortie de crise. La menace de l’aggravation d’un décrochage déjà existant avant le Covid-19 est alors réelle.

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L’économiste Jean Pisani-Ferry constate, dans Le Monde, le consensus qui a émergé outre-Atlantique : « La meilleure stratégie pour effacer les séquelles de la crise sanitaire et atténuer les lourds problèmes sociaux du pays, c’est de placer l’économie en régime de haute pression. » Depuis vingt ans, et en particulier après la crise de 2008, dit-il, l’Europe et la France y ont renoncé, par aversion à l’inflation, crainte des déficits et difficultés de coordination ; « Il serait criminel de retomber dans la même ornière. »

Le débat est lancé parmi les économistes. Les partenaires européens de M. Macron, eux, se taisent, soucieux de mettre en œuvre le plan de relance de 750 milliards d’euros décidé en 2020, au prix d’un remarquable revirement à Berlin, et souvent méfiants de la propension française à vouloir dépenser avant d’avoir réformé. Ils savent aussi que passer à la vitesse supérieure demande de l’ambition. C’est dans l’ADN américain. Beaucoup moins dans celui de l’UE.

ET LA CHINE?

Il n’y a pas que l’Amérique qui accélère, la Chine a été beaucoup moins impactée par la pandémie et se trouve en bien meilleure situation. L’OMS, les Etats-Unis et l’Europe savent maintenant que le virus est sorti d’un laboratoire chinois. La Chine en connaissait la dangerosité, d’où ses mesures drastiques. Ce que la Chine a fait avec ce virus va lui coûter au final très cher. C’est le début de la fin pour elle, elle ne sera plus la fabrique du monde. La leçon tirée de cette pandémie va obliger les uns et les autres à reprendre en mains leur indépendance économique, sanitaire, technologique et industrielle. Reste à savoir si cela se fera sans autre conflit, militaire entre autres.

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Sylvie Kauffmann

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ixiane

« indépendance économique  » ….. vous y croyez vraiment ???
L’EU , surtout la France a d’autres chats à fouetter …. il faut faire vivre les  » dits palestiniens » , leur offrir de quoi combattre les juifs ! ( ne veulent-ils pas leur construire un ETAT dans l’ ETAT d’ ISRAEL , en JUDEE SAMARIE , le cœur de la Patrie de DAVID , ceci étant interdit par l’article 80 du Traité de San Remo ) !!
Il faut des millions pour cela , alors sacrifier quelques milliers de vieux français avec ce covid, est le début de la solution !!! )