« Faire la guerre, faire la paix » dans le Magnard de Terminale pour HG en spécialité

 

La réforme du bac entrée en vigueur, cette année, a créé une spécialité « Histoire-Géographie-Géopolitique et Sciences Politiques » qui représente, pour les élèves qui la prennent, 4h d’Histoire-Géographie supplémentaires en classe de 1ère et 6h en classe de Terminale (alors qu’ils en ont déjà 3h dans le tronc commun, mais passons !).
Cette spécialité est bien sûr dotée d’un programme et d’un manuel spécifiques.
En tant qu’enseignante, je reçois tous les manuels. Et j’ai reçu aujourd’hui le Magnard [Magnard couverture] qui sera proposé au choix des équipes pédagogiques pour l’an prochain.
Voyons la manière dont ce manuel a traité le thème 2 du programme « Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution » [Programme Thème 2].
Certes, le thème cherche à « faire penser » la guerre sous l’angle de Clausewitz et il comporte un « Jalon » où Al-Qaida et Daech sont nommément cités (« Le modèle de Clausewitz à l’épreuve des « guerres irrégulières » d’Al-Qaida à Daech »).
Mais, dans un manuel destiné aux élèves de Terminale, quelle place (et donc quelle pagination) consacrer aux deux organisations terroristes, sachant que plus on donne de place à un événement, un homme ou une organisation, plus on le juge important et plus on le légitime aux yeux des élèves
Le Belin, que j’ai également reçu, leur a consacré une place minimale (4 pages pour un ouvrage qui en compte 575) et surtout, il a contextualisé leur présentation et les documents qui se rapportent à elles.
Dans le Magnard, par contre, aucune contextualisation, une place maximale donnée aux deux organisations, et des images de propagande livrées pleines pages sans aucune mention des sources.
Cela commence aux pages 88-89 avec la mise en regard (un peu comme dans le manuel de Zachary avec Auschwitz et Hiroshima) d’une lithographie de Cambronne à Waterloo et d’une photo de membres de Daech tirant à la Kalachnikov dans le désert [Vis-à-vis Cambronne-Daech] accompagnée de la légende suivante : « Membres de Daech s’entrainant avec des fusils AK47, 19 novembre 2015, lieu et source indéterminés ». On ne sait donc pas d’où vient la photo, peut-être d’un touriste qui passait dans le coin, on ne sait pas … Daech et « la Garde qui meurt mais ne se rend pas », même combat, en tout cas !
On retrouve à la page 99 une autre image de propagande montrant des terroristes s’entraînant dans un camp en Afghanistan, là encore sans aucune indication de source.
Pour des professionnels de l’enseignement de l’histoire, dont le premier travail pédagogique est de chercher à développer le sens critique des élèves à partir de l’identification des sources, le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas génial.
Dans la suite du chapitre, on compte deux pleines pages pour la Guerre de Sept ans, deux pleines pages pour les guerres de la Révolution et de l’Empire, et puis c’est tout ! A la niche, Clausewitz !
Les choses vraiment importantes viennent après.
D’abord deux pleines pages (96-97) montrant chacune, par une grande carte, l’implantation d’Al Qaida et de Daech dans le monde : ça, ce sont des organisations sérieuses qui savent agir et recruter partout !
Ensuite deux pleines pages (98-99) sur « La guerre irrégulière d’Al-Qaida » : on n’y apprend rien sur les victimes du 11 septembre, par contre, la revendication qu’en fait Ben Laden y est donnée brute de décoffrage (doc 3 p. 99) et, à lire les extraits proposés, si on est un élève musulman un peu immature, on donnerait raison à au moins 85% à ce type (Ben Laden : « Ce que l’Amérique endure aujourd’hui ne constitue qu’une infime part de ce que nous, les musulmans, endurons depuis des dizaines d’années. Notre nation subit depuis plus de 80 ans cette humiliation, ses fils sont tués, et son sang coule, ses lieux saints sont agressés sans raison. Ces jours-ci, les chars israéliens pénètrent dans les villes palestiniennes et dans d’autres terres musulmanes pour y semer la destruction et personne n’élève la voix et ne bouge le doigt, etc. »).
Juste à côté et en fausse symétrie, il y a la déclaration de Bush qui oppose la lutte du Bien contre le Mal.
Entre ce que dit de « sensible » Ben Laden et ce que dit de « stupide » Bush, l’élève musulman saura tout de suite où est le « Bien » ! Et il saura ce qui lui reste à faire puisque c’est sur la même page que se trouve la photo du camp d’entrainement en Afghanistan …
Ensuite encore deux pleines pages (100-101) sur « La guerre irrégulière de Daech », l’organisation étant présentée en héritière beaucoup plus qu’en concurrente d’Al Qaida. La double page se termine par l’exercice suivant : « Montrez que les revers de Daech à partir de 2015 illustrent cette citation de Clausewitz : » L’issue ultime d’une guerre tout entière ne peut jamais être conçue comme un absolu ; souvent l’Etat vaincu [Daech, ici en l’occurence] y voit plutôt un mal temporaire, auquel les circonstances politiques de l’avenir pourront remédier« . Comment, à partir de ce petit exercice donner de l’espoir aux partisans de Daech si ceux-ci risquaient d’avoir le moral en berne …
Les auteurs de ce « Jalon » sont des boutefeux.
Sur Israël, ce n’est pas mal non plus : les auteurs font ici dans le bref car on est dans « l’objet de travail conclusif du thème 2 » mais ils font « fort » car la double page (124-125) qui ouvre l’objet conclusif est un modèle de manipulation [Ben Gourion en exergue] : à gauche une photo en noir et blanc, prise en 1948, de combattants palestiniens équipés d’armes dérisoires avec, en dessous, en rouge, une citation « dégueulasse » attribuée à Ben Gourion (je dis « dégueulasse » car Ben Gourion était un sioniste de gauche et laïc ; je dis « attribuée » car encore une fois, aucune mention de la source n’est faite). La citation est la suivante : « Si j’étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l’a promis, mais comment cela pourrait-il les concerner ? ».
En vis-à-vis, et sur la page suivante, une photo du conseil de sécurité qui vote pour rétablir la paix en Irak.
Mais à quoi peut-il servir vraiment, pensera notre élève musulman, face à des gens qui se croient soutenus par Dieu et qui ne connaissent que la force ?
Dernière photo « choc » se rapportant à Israël : celle qui ouvre sur une double page (74-75) tout le thème 2 [Face à face israélo-palestinien] en montrant presque nez à nez un soldat israélien suréquipé et un civil palestinien désarmé qui n’hésite pourtant pas à tenir tête au militaire…
Une très belle incitation à l’engagement de notre jeunesse …
Ces dérives sont très graves. Et voir le combat de Daech légitimé (parce que c’est cela la réalité) dans un manuel de la République a quelque chose de profondément écœurant.
Catherine Pederzoli-Ventura, Professeur d’Histoire.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Amouyal

Comme on fait son lit on se couche ! La France a choisi la soumission a la barbarie pour des raisons peu glorieuses qui lui appartiennent , elle subira les consequences de toutes ses forfaitures .
Les manuels scolaires sont gorgés de propagande antisioniste depuis des années , le fruit est pourri et c est volontaire

Donc be atzlaha aux juifs qui doivent rentrer chez eux ,et bon vent aux français qui sont a 95% des braves gens , mais si faibles si indifferents ….