Le Congrès pourrait obtenir un meilleur accord avec l’Iran grâce à la distincte séparation des pouvoirs prévue par la Constitution des Etats-Unis    

De nombreux commentateurs en Israël, notamment des membres de la Knesset, sous-estiment l’importance du Congrès dans le débat sur la politique étrangère américaine. Ils méconnaissent la distincte séparation des pouvoirs prévue par la Constitution des Etats-Unis.

Ils ignorent, par exemple, que c’est bien le Congrès qui a mis un terme à la guerre du Vietnam en refusant au Pentagone son financement.

C’est aussi le Congrès qui a interdit l’utilisation des crédits fédéraux pour soutenir les rebelles dans la guerre au Nicaragua.

Durant la Guerre froide, les Etats-Unis et l’Union soviétique ont tenté de réduire la course aux armements en limitant leurs programmes d’armements respectifs. Il était de l’intérêt de chaque partie de planifier en commun l’évolution future des arsenaux pour éviter les risques de voir l’autre prendre un avantage unilatéral décisif.

Suite au traité SALT (Strategic Arms Limitation Talks) sur la limitation des armes stratégiques signé en 1972, Jimmy Carter pour les Américains et Léonid Brejnev pour les Soviétiques ont signé à Vienne le traité SALT II, le 18 juin 1979, afin d’apporter des limitations supplémentaires en définissant un plafond précis de bombardiers et de lance-missiles intercontinentaux.

Les deux superpuissances n’ont pas cherché à réduire leurs arsenaux nucléaires et pourtant, une vaste campagne a été menée contre SALT II, dans laquelle les experts ont averti qu’en raison des asymétries entre les États-Unis et l’URSS, l’accord créerait un équilibre nucléaire instable et pourrait offrir à Moscou l’option d’une première frappe. Durant ces négociations, les Soviétiques sont intervenus en Angola, dans la corne de l’Afrique, puis ont envahi l’Afghanistan.

L’administration Carter a réalisé qu’elle ne pouvait pas obtenir le soutien des deux tiers du Sénat. Le président de l’époque n’a même pas pris la peine de soumettre les accords SALT II à l’approbation du Sénat sachant parfaitement que le vote lui serait défavorable.

Conformément à ses responsabilités constitutionnelles, le rôle du Congrès est de forcer l’exécutif, voire le gouvernement américain, donc de reconsidérer le dit traité et d’obtenir un meilleur accord.

Carter n’a pas eu le temps de rectifier le tir avant la fin de son mandat. Cette délicate tâche fut laissée à son successeur, le président Ronald Reagan. Ce dernier a proposé une approche alternative, un concept stratégique très différent selon lequel les deux superpuissances réduiraient considérablement leurs arsenaux nucléaires. Au départ, personne ne croyait que Moscou accepterait ce changement fondamental, mais la diplomatie américaine a persisté et  réussi à changer les termes des négociations américano-soviétiques. L’approche de Reagan a conduit à la réduction des armes stratégiques. Les négociations furent acharnées, longues et complexes, mais finalement le traité START fut signé en 1991 par le successeur de Reagan, le président George Bush senior.

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Benjamin Nétanyahu devant le Congrès américain le 3 mars 2015

Le président est incontestablement le chef tout puissant de la nation américaine et le chef des armées, mais pour lancer une opération militaire de grande envergure et déclarer la guerre, il est dans l’obligation de demander l’approbation opérationnelle et financière du Congrès.

Toujours selon la Constitution américaine, les principaux traités internationaux exigent « l’avis et le consentement » du Sénat par une majorité des deux tiers des sénateurs présents. Soulignons aussi que les ambassadeurs américains sont certes nommés par le président, mais devraient aussi avoir l’approbation de la majorité du Sénat. Le Sénat peut exiger d’un président de renégocier les conditions d’un traité international. Juste après la Première Guerre mondiale, l’administration du président Woodrow Wilson a été impliquée dans les négociations du traité de Versailles. Cependant, n’ayant pas obtenu l’approbation du Sénat, les États-Unis sont restés en dehors de la Société des Nations.

Aujourd’hui, l’administration Obama a jusqu’au 30 juin 2015 pour ratifier et modifier l’accord de principe conclu à Lausanne. Notons que l’accord final qui sera signé avec l’Iran diffère du traité SALT II.

L’administration Obama pourra en effet dire que l’accord qui sera conclu avec l’Iran n’est pas un « traité » mais un simple « accord général » ne nécessitant pas forcément l’approbation du Congrès. Mais voilà que le Congrès a d’ores et déjà indiqué qu’il refusait d’accepter cet argument technique et ne comptait pas abandonner son rôle traditionnel de l’examen des accords internationaux. Ainsi, le président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, le sénateur Bob Corker du Tennessee, a entamé une procédure de  législation (Loi de l’examen de l’accord sur le projet nucléaire de l’Iran, mars 2015) exigeant du président Obama de soumettre tout  accord final avec l’Iran aux deux chambres, dans les cinq jours après  la signature. Ce projet de loi ne traite pas de la définition juridique du futur accord mais exige un contrôle efficace du Congrès.

Selon le projet de loi du sénateur Corker, le président se voit dans l’interdiction durant 60 jours d’annuler la suspension ou même les sanctions imposées à l’Iran. Ce projet législatif est coparrainé aussi bien par les Républicains que par les Démocrates. Au cas où le président Obama y opposait son veto, une majorité spéciale des deux tiers (77 sénateurs) serait nécessaire pour annuler l’accord.

Cela supposerait que 13 démocrates rejoignent la majorité républicaine sur ce vote précis. Or, la semaine dernière, le sénateur démocrate, Chuck Schumer de New York a fait savoir qu’il soutiendrait le projet. Sa voix est particulièrement importante car il est appelé à devenir le prochain chef de la minorité démocrate au Sénat.

Plusieurs questions sérieuses doivent être soulevées concernant l’accord final avec l’Iran. De grandes divergences existent entre les versions iraniennes et américaines, notamment sur la levée des sanctions et l’inspection des sites dissimulés. Le Congrès devrait traiter de toutes ces questions sensibles qui pourraient bien être cachées au grand public.

Obama en peine

Obama affronte deux chambres à majorité républicaine pour sa fin de mandat

Sans aucun doute, le président américain est un personnage central dans la conduite de la politique étrangère américaine. Israël et la Maison Blanche doivent réparer leur relation. Toutefois, le rôle crucial du Congrès ne doit pas être ignoré.

Certes, Israël ne devrait sans doute pas participer au débat interne des affaires américaines, mais il est de son devoir d’exprimer son point de vue sur cet accord avec l’Iran. Dans tous les cas, le Congrès pourra toujours demander l’avis des dirigeants israéliens sur ce dossier épineux.

Si en fin de compte, on ne pourra éviter un mauvais accord ni le remplacer, comme ce fut le cas lors des négociations sur le traité  SALT II, il existe toujours des chances de le modifier  fondamentalement.

Dore Gold

LE CAPE

 

 

 

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