Alors que Frank Berton sera le défenseur de Salah Abdeslam en France, son avocat en Belgique, Sven Mary, dresse un portrait au vitriol du terroriste présumé. Il parle d’un « petit con » d' »une abyssale vacuité ».
L’avocat, qui avait accepté de défendre Salah Abdeslam à la demande de son frère Mohammed, n’a pas une haute estime de son client. « C’est un petit con de Molenbeek issu de la petite criminalité, plutôt un suiveur qu’un meneur. Il a l’intelligence d’un cendrier vide, il est d’une abyssale vacuité », explique-t-il. Pour lui, le seul membre survivant des commandos du 13 novembre est un « exemple parfait de la génération GTA (Grand Theft Auto) qui croit vivre dans un jeu vidéo ».
Et pour la connaissance de la religion, c’est niveau zéro ou presque pour l’avocat flamand : « Je lui ai demandé s’il avait lu le Coran, ce que j’ai fait, et il m’a répondu qu’il avait lu son interprétation sur Internet. Pour des esprits simples, c’est parfait, le Net, c’est le maximum qu’ils puissent comprendre ».

Sven Mary, avocat du seul membre des commandos des attentats du 13 Novembre encore vivant, en paraît même soulagé. Même si «tout le monde a droit à une défense» , explique l’homme qui aime défendre les voyous. «Je suis avocat, je me fous de ma cote de popularité. Mais à un moment donné, j’ai pensé arrêter. En tous les cas, si j’avais été au courant des attentats de Bruxelles, je n’aurais peut-être jamais commencé à m’occuper de ce dossier, confie-t-il. Quand Abdeslam sera remis à la France, je ne sais pas encore si je resterai dans le dossier.» Et d’avouer qu’il «n’est pas facile d’assumer cette défense qui ne me rapporte rien, si ce n’est des emmerdes : j’ai été agressé à plusieurs reprises, soit verbalement, soit physiquement. Deux types m’ont même attendu devant mon cabinet et il y a eu un échange de coups, mais je sais me défendre. A plusieurs reprises, la police a dû escorter mes filles à l’école». Puis, à l’adresse de son interlocuteur : «Regardez le regard haineux des gens autour de nous, comme si j’étais Abdeslam…»

Sven Mary, 43 ans, physique à la Bruce Willis (crâne rasé compris, mais en miniature), est pourtant un habitué des dossiers difficiles. Qu’ils soient mafieux (la famille Aquino, des trafiquants de drogue, ou Kapllan Murat, le roi de l’évasion), terroristes (le groupuscule belge des Cellules communistes), islamistes radicaux (Fouad Belkacem, le leader de Sharia4Belgium qui recrutait des combattants, Abdelkader Hakimi, impliqué dans les attentats de Madrid) ou encore criminels (Michel Lelièvre, l’un des complices de Marc Dutroux). A chaque fois, il s’est fait remarquer par sa combativité, son côté bouledogue débusquant toutes les failles des dossiers ficelés par la police et la justice. «C’est un excellent juriste, un fouille-merde : il va trouver des trous que d’autres ne trouveraient pas, apprécie son confrère pénaliste Denis Bosquet. Quand les magistrats le voient arriver, ils font attention.»

«Je suis là pour faire respecter les règles»

Ainsi, en 2004, dans l’affaire de la famille Aquino, un mafieux belge d’origine italienne, «ils ont fait une série de faux, je l’ai dénoncé et l’ancien conseiller justice du Premier ministre Guy Verhofstadt, Brice De Ruyver, m’a taxé d’être un danger pour l’Etat de droit», se souvient Mary. De Ruyver, professeur de droit pénal à l’université de Gand, persiste : «En accusant le parquet fédéral, il a déstabilisé l’Etat de droit. Mary cherche le conflit avec le parquet afin d’éviter de discuter du fond de l’affaire, il plaide dans la rue et utilise les journalistes.»

«Je n’ai aucune concession à faire, pas de politesse inutile : je suis là pour défendre, pour faire respecter les règles», rétorque Mary. «Il y va parfois un peu fort, estime néanmoins Denis Bosquet, au risque de crisper le parquet, ce qui n’est jamais bon». «Le bâtonnier de l’ordre flamand de Bruxelles m’a conseillé de me taire, après mes premières déclarations à la presse dans l’affaire Abdeslam. Mais il n’a rien à me dire dès lors que je ne plaide pas devant les caméras. Il voulait même qu’avant chaque interview, je demande une autorisation préalable. Alors j’ai donné son téléphone à toute la presse internationale. Son bureau est devenu fou face à l’afflux de demandes», s’amuse-t-il.

«C’est le frère d’Abdeslam, Mohammed, qui m’a contacté pour que je le défende. J’ai hésité. C’est un dossier médiatiquement chaud sur le plan international et c’est la première fois que j’ai à traiter une telle affaire. J’ai pu constater que la presse française, c’est autre chose que la presse belge : elle est plus dure, plus compétitive», explique-t-il. «Ça force le respect d’avoir accepté un tel dossier, car ça bousille la vie et ça met en péril sa famille et son cabinet, apprécie Denis Bosquet. Il y a beaucoup de coups à prendre pour peu de retours.»

Sven Mary est un concentré de Belgique : né à Dilbeek, une commune flamande à la frontière de Bruxelles, il est parfaitement bilingue néerlandais-français. Sa ville d’origine est l’un des symboles de la lutte des nationalistes flamands contre la tache d’huile francophone qui gagne la périphérie bruxelloise : «Dilbeek, là où les Flamands sont chez eux», proclame ainsi fièrement un tag sur un pont à l’entrée de la ville.

Ce divorcé, père de deux petites filles de 5 et 6 ans, exerce au barreau flamand de Bruxelles et est devenu l’un des ténors pénalistes du pays, capable de plaider des deux côtés de la frontière linguistique, ce qui est aujourd’hui rarissime. Il revendique deux «maîtres à penser» : Robert Badinter et Anne Krivine, décédée en 2007, qui a formé des générations de pénalistes talentueux. «J’ai plaidé dans de nombreuses cours d’assises avec elle. Elle a toujours été là pendant mes tourments professionnels et privés, elle m’a guidé, dit-il avec beaucoup d’émotion dans la voix. Je ne suis pas un avocat de rupture, comme Me Vergès. Je pense simplement que les droits de la défense doivent être pleinement exercés. Je combats depuis vingt ans l’arbitraire et les abus de pouvoir du ministère public et de la police.» Il a même contraint l’Etat à modifier plusieurs lois pour valider les pratiques judiciaires et policières… Brice De Ruyver, qui ne cache pas qu’il «ne l’aime pas», confirme que Mary n’est pas un «avocat politique qui pratique une défense de rupture». «Contrairement à Vergès, Mary n’est pas retors», ajoute Denis Bosquet.

Des criminels de guerre ?

De fait, on sent Sven Mary très mal à l’aise face à ce terrorisme de dernière génération, dont les habits idéologiques sont plus que légers. «Je voulais avoir Christophe Marchand [autre avocat pénaliste formé par Anne Krivine, ndlr] avec moi dans l’affaire Abdeslam. Mais il m’a répondu qu’il arrêtait, car il estime que ce sont des criminels de guerre», se rappelle-t-il. Ce que confirme son collègue et ami qui a défendu, depuis un an, plusieurs returnees, ces Belges musulmans partis combattre en Syrie : «Je suis effrayé par le discours, le lavage de cerveau dont ont été victimes ces types, et les crimes de masse auxquels ils ont participé. Je ne veux plus participer à leur défense.» Sven Mary n’est pas loin de penser la même chose : «Ce n’est pas la cour d’assises de Paris qui devrait les juger, mais une cour pénale internationale. Ces gens ont commis des actes de guerre.» Et admet ses limites : «Chacun a droit à une défense, mais il y a des causes que je n’aurais pas pu assumer, comme la défense des nazis, mon grand-père ayant été déporté. Même chose pour les négationnistes, les racistes, les fascistes.»

Il ne cache d’ailleurs pas son mépris pour Abdeslam : «C’est un petit con de Molenbeek issu de la petite criminalité, plutôt un suiveur qu’un meneur. Il a l’intelligence d’un cendrier vide, il est d’une abyssale vacuité. Il est l’exemple parfait de la génération GTA [ Grand Theft Auto] qui croit vivre dans un jeu vidéo. Lui et ses copains ont réussi à rendre antipathique toute une religion. Je lui ai demandé s’il avait lu le Coran, ce que j’ai fait, et il m’a répondu qu’il avait lu son interprétation sur Internet. Pour des esprits simples, c’est parfait, le Net, c’est le maximum qu’ils puissent comprendre.» Il se dit très mal à l’aise face aux réactions depuis qu’il défend Abdeslam : «Les Arabes me félicitent, alors que les non-Arabes me jettent des regards haineux. C’est très malsain.»

«J’ai défendu Abdelkader Hakimi, lui aussi originaire de Molenbeek, un membre du GICM [Groupe islamique combattant marocain, ndlr] condamné en 2006 à huit ans de prison pour avoir assuré la logistique des attentats de Madrid, et qui, depuis, a été libéré et se trouve à la frontière syrienne où il a ouvert une école de combat… C’était un type d’une autre trempe qu’Abdeslam, un vrai combattant qui avait fait la guerre de Bosnie.» Rien à voir avec le «petit Rebeu» Abdeslam, comme il le qualifie. «J’ai défendu beaucoup de voyous du grand banditisme. C’est autre chose : ce sont des gens avec qui on peut parler, qui ont une histoire. Ce n’est pas le cas de ces gamins de Molenbeek». Il se rappelle avoir invité un ancien mafieux à peine sorti de prison à fêter Noël avec lui : «Il était seul et on a passé une excellente soirée.»

Violation du secret de l’instruction

Ce qui ne risque pas d’arriver avec Abdeslam… «Je lui ai parlé sept à huit fois, deux heures trente à chaque fois. Ce n’est pas facile : il est à la prison de Bruges alors que je suis à Bruxelles. Clairement, il ne me fait pas confiance. Il faut du temps pour établir une relation de confiance. En plus, à chaque fois que je le rencontre, un nouveau fait intervient, si bien qu’on n’est toujours pas arrivé à la base du dossier». Son parcours de radicalisation, en particulier, n’est pas très clair : «Il y a encore un an et demi, il allait en boîte à Amsterdam. La seule explication que je vois, c’est la propagande sur Internet qui donne l’impression que les musulmans sont victimes d’injustices.» En plus, «le dossier d’Abdeslam fait déjà 85 000 pages et on n’a pas le droit de le photocopier, juste le droit de prendre des notes manuscrites par peur des fuites».

Une relation d’autant plus difficile à établir qu’Abdeslam s’est refermé comme une huître à la suite de ce que Sven Mary considère comme une bévue. Celle qu’aurait commise le procureur de Paris, François Molins, le 19 mars, en révélant, lors d’une conférence de presse, le contenu de son audition par la police belge. Audition au cours de laquelle il a reconnu avoir renoncé à se faire sauter devant le Stade de France, le 13 novembre. Réaction outrée de Mary : «Si Abdeslam constate qu’il fait des auditions et que, deux heures après, celles-ci sont détaillées dans la presse, je me pose des questions. Je pense que Salah Abdeslam est d’une importance capitale pour cette enquête. Je dirais même qu’il vaut de l’or. Il collabore. Il communique. Il ne maintient pas son droit au silence. Je pense qu’il serait intéressant de laisser maintenant le temps au temps, pour que je puisse en parler avec lui, pour que les enquêteurs puissent parler avec lui.»

Lui-même, pourtant, avait déclaré à la presse un peu plus tôt : «Mon client est respectueux et collabore. Il ne décrit pas que son rôle et fait avancer l’enquête.» Qu’importe : «Molins a révélé une audition belge, c’est pour cela que j’ai décidé de le poursuivre pour violation du secret de l’instruction belge.» D’autant que «Salah m’a dit que si ses auditions étaient dans la presse quelques heures après, il ne pouvait plus parler. Ce n’est pas moi qui ai tout balancé à la presse, mais Molins, même si je comprends bien qu’il était sous pression. Depuis, Abdeslam se tait.» Pour Sven Mary, Molins a compromis sa stratégie de défense et nui à l’enquête : «J’avais adopté une stratégie, en faire un repenti. Il était d’ailleurs sur la voie de la collaboration.»Abdeslam ne s’oppose plus à sa remise à la France dans le cadre du mandat d’arrêt européen. Mais pour l’avocat, il ne se rend pas compte : «En France, il va avoir droit à quatre-vingt-seize heures de garde à vue, et ça, ça va être moins drôle…»

Transfert repoussé ?

Date incertaine pour le retour de Salah Abdeslam en France. «Sauf circonstance exceptionnelle», il sera transféré «dans un délai de dix jours», avait affirmé le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, le 1er avril. Problème : la Belgique a décidé, entre-temps, de l’entendre dans le dossier de la fusillade de la rue du Dries, à Forest (banlieue de Bruxelles), survenue le 15 mars, trois jours avant son arrestation. Un contretemps qui pourrait prendre «plusieurs semaines», selon les déclarations faites le 7 avril par son avocat, Sven Mary.

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Citoyen lambda.

Certes, chacun a droit à une défense, sauf ceux qui comme ce criminel à la petite semaine se sont retranchés de la communauté des humains. Il n’a donc aucun droit et la mort devrait lui être plus douce qu’une grande partie d’une vie de raté qu’il va continuer de passer en prison ( à nos frais). Exhaussons ces voeux; donnée par les khouffars ( les infidèles, que nous sommes ), elle devrait lui permettre d’avoir une posture de martyr à ses yeux comme à ceux des crétins islamisés de son espèce et de se taper 72 vierges reconductibles. Le pied, non?
Néanmoins, son avocat belge nous enfume et la stratégie mise en place vise tout simplement à minimiser son rôle pour faire moins de zonzon. Dans le meilleur des cas, après une dizaine d’années à se faire défoncer en tôle, il sortira. mais qu’il ne se fasse pas de soucis, c’est là que ses ennuis réels pourraient se poursuivre.