L’assassinat d’otages par le Hamas est une stratégie de guerre à long terme
Par Dan Diker
L’exécution de sang-froid par le Hamas de six otages israéliens après 330 jours de captivité dans les tunnels souterrains de la bande de Gaza a souligné l’urgence de libérer les 101 victimes encore kidnappées. La question est: à quel prix ? Malgré les efforts de médiation des Etats-Unis et les offres d’Israël, le Hamas joue selon ses propres règles.
Des milliers de manifestants israéliens réclament depuis des mois qu’Israël les « ramène à la maison immédiatement ! » Ce langage est une demande adressée à Israël et non au Hamas de libérer les otages, justifiant la stratégie de pression incessante des terroristes sur le gouvernement Netanyahu et la société israélienne.
Malgré les critiques virulentes contre l’inflexibilité d’Israël dans les négociations, les faits racontent une tout autre histoire. Comme l’a souligné le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d’une conférence de presse en hébreu le 2 septembre, les deux dernières propositions américaines de rapprochement ont souligné la flexibilité d’Israël et le refus du Hamas de céder.
Pourquoi ? Parce que le chef du Hamas, Yahya Sinwar, ne veut pas d’accord. Il prévoit de faire saigner abondamment Israël, de diviser la société israélienne, de provoquer des conflits civils – voire une guerre civile –, d’exercer une énorme pression sur Netanyahou et de déclencher une guerre régionale contre Israël, menée par l’Iran.
Il semble que le Hamas progresse dans sa guerre psychologique contre Israël. Le Hamas a pris soin d’enregistrer chacun des otages sur vidéo pour galvaniser l’opinion publique israélienne et internationale et tenter de forcer Israël à capituler devant ses exigences. Devant le refus d’Israël, Sinwar a ordonné l’exécution de six victimes innocentes, dépeignant le gouvernement israélien comme intransigeant. Cette situation gagnant-gagnant pour le Hamas reflète sa « guerre totale ».
Des instructions en arabe, récemment découvertes et publiées par la direction du Hamas et récupérées par des unités de Tsahal à Gaza, ont confirmé la stratégie de Sinwar. Les directives stratégiques du Hamas stipulent : premièrement, augmenter la diffusion de photos et de vidéos des otages pour maximiser la pression psychologique ; deuxièmement, imputer la responsabilité de la guerre en cours et de la crise des otages à Netanyahou ; et troisièmement, contrer le récit israélien selon lequel les manœuvres offensives de Tsahal entraîneront le retour des otages.
Pourquoi, sinon, un accord sur les otages est-il bloqué dans les décombres de la bande de Gaza contrôlée par le Hamas ? Le fiasco des otages israéliens est également sujet à la désinformation des médias. Les appels au « cessez-le-feu » et au « rapatriement » ne reflètent pas l’accord sur la table. Israël paierait un prix énorme pour très peu d’otages vivants.
Les négociations du 28 août menées sous la médiation des Etats-Unis ont notamment abouti à la libération de seulement 12 à 20 otages vivants, comme l’a confirmé Netanyahu lors de la conférence de presse du 2 septembre. Un éventuel accord laisserait la grande majorité des otages vivants et morts dans les cachots du Hamas, augmentant ainsi la probabilité de décès pour les victimes restantes.
Israël est profondément préoccupé par le fait qu’il n’y aura pas de deuxième étape, c’est pourquoi le Premier ministre s’attend à ce que le nombre maximum d’otages soient renvoyés lors de la première étape ; beaucoup pensent qu’il n’y en aura qu’une seule.
Alors que la guerre psychologique de Sinwar contre Israël porte ses fruits, Israël a suscité la colère locale et internationale en refusant de quitter le corridor stratégique de Philadelphie, le passage de 14 km qui sépare Gaza de l’Egypte. Cette question est de la plus haute importance pour sécuriser Israël et empêcher le flux massif d’armes et de munitions à travers les dizaines de tunnels découverts ces derniers mois entre l’Egypte et Gaza.
Le Hamas peut retrouver sa force avec un retrait israélien de Philadelphie
Un retrait israélien du corridor de Philadelphie laisserait ce passage vital aux mains du Hamas, ce qui permettrait au groupe terroriste de conserver son pouvoir, de se réarmer et de se ravitailler. Cela permettrait également de réaffirmer la présence de l’Iran dans la bande de Gaza et servirait de voie de sortie aux dirigeants du Hamas ainsi qu’à des dizaines d’otages qui pourraient être transférés en Égypte et, à terme, en Iran ou dans d’autres pays.
Se retirer du corridor et se contenter de se fier aux moyens technologiques pour le surveiller, comme l’ont suggéré certains membres de l’establishment de la défense, serait un désastre stratégique qu’Israël ne peut se permettre de risquer. Ce point a été souligné dans une récente évaluation par le général de brigade (réserviste) Yossi Kuperwasser, ancien chef de l’évaluation du renseignement de Tsahal et actuel chercheur principal au Centre des affaires étrangères de Jérusalem.
Il est hautement improbable qu’Israël puisse se permettre de se retirer du corridor de Philadelphie pour conclure un éventuel accord et y revenir ensuite après plusieurs semaines ou mois. L’histoire montre qu’il est beaucoup plus difficile de reprendre les zones évacuées, même sous le feu ou sous une menace stratégique. La concession du corridor de Philadelphie par l’ancien Premier ministre Ariel Sharon et l’autoroute de la terreur qui en a résulté depuis le retrait israélien de Gaza en 2005 en sont un parfait exemple.
Le retrait unilatéral de l’ancien Premier ministre Ehud Barak du Sud-Liban et les tirs massifs de roquettes et de missiles du Hezbollah sur le nord d’Israël, en plus de leur campement à quelques mètres de la barrière frontalière nord d’Israël, en sont un autre exemple.
Le vide sécuritaire a conduit à l’évacuation de quelque 60 000 Israéliens de leurs foyers, sans qu’aucune solution immédiate ne soit en vue. Pour souligner ce point, Israël n’a pas réoccupé le sud du Liban pour mettre un terme à l’assaut. La pression internationale sur Israël l’a empêché de reprendre des territoires essentiels à la protection du nord et du sud d’Israël.
Au lendemain de l’exécution de six innocents par le Hamas, Israël commettrait un suicide stratégique en négociant avec les bourreaux. La voie à suivre est complexe. Nombreux sont ceux en Occident qui sont convaincus que la guerre contre le Hamas est un conflit politique qui peut être négocié pour aboutir à une solution positive. Or, ce n’est pas le cas.
Israël est confronté à une guerre idéologique et religieuse plus vaste pour son existence, menée par le régime iranien et exécutée par ses mandataires – le Hezbollah, le Hamas, la Syrie, les Houthis et les milices chiites radicales en Irak. La stratégie du Hamas a été dictée il y a des années lorsque Sinwar s’est rendu à Téhéran pour consulter le cerveau terroriste Qassem Soleimani, qui a ensuite été assassiné par les États-Unis.
Israël se trouve dans une situation sans issue. L’histoire nous a enseigné de douloureuses leçons sur la manière d’affronter et de vaincre le mal. La réponse américaine au 11 septembre et la réponse britannique à l’attaque d’Al-Qaïda du 7 juillet ont été d’éliminer militairement Al-Qaïda en Afghanistan et en Irak. La réponse de l’Occident à l’invasion de l’Europe par l’Allemagne nazie n’a pas été de négocier avec Hitler mais de détruire le régime nazi.
Le Mein Kampf d’Hitler a été découvert dans des maisons à travers la bande de Gaza, rappelant qu’Israël – et par extension l’Occident – est engagé dans une longue guerre contre un ennemi idéologiquement immuable et apocalyptique qui exploite 101 otages pour atteindre son objectif de destruction d’Israël et sa promesse de domination régionale.
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Crédit photo : Flash90. Des idiots utiles israéliens défendent le Hamas à Tel-Aviv, le 24 août 2024.